LE VOYEUR de Michael Powell (UK-1960), PARADIS : AMOUR de Ulrich Seidl (Autriche 2012) et LOS CHIDOS de Omar Rodriguez Lopez (Mexique 2012) : Etrange Festival jours 2,3 et 4

Publié le par Norman Bates

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[PHOTO extraite de PEEPING TOM de Michael Powell]

 

Kenneth Anger, en plus d’être un très sympathique personnage, à l’immense décence d’assister en intégralité à tous les films de sa carte blanche (en festival c’est très rare), quitte à donner quelques sueurs froides aux organisateurs. Il faut dire que quand on programme LE VOYEUR de Powell, LE BANNI de Howard Hugues, FREAKS de Browning et LA GARCE de Vidor, ce serait dommage de ne pas y assister. Pour ma part ce fut donc séance de rattrapage pour LE VOYEUR, PEEPING TOM de son vrai nom, chef d’œuvre absolu de Powell dont la copie 35mm vieillissante permet encore de s’extasier devant ce monument du cinéma qui est à l’origine de bien des carrières cinématographiques. Je ne vais pas m’attarder dessus, les vrais savent et les autres n’ont qu’à voir le film au plus vite, ca n’a pas vieilli, le choc est toujours au rendez vous et le final bouleversant.

 

On enchaine là-dessus avec PARADIS : AMOUR, film autrichien (c’est pour ca que j’y suis allé) relatant les vacances au Kenya d’une quinquagénaire autrichienne. On me dit qu’Ulrich Seidl est un documentariste qui a réalisé une ou deux fictions, avec une réputation sulfureuse par-dessus le marché, pourquoi pas ?

Notre quinquagénaire est éducatrice spécialisée pour trisomiques, mère de famille célibataire, et elle a un excédent pondéral conséquent. Sa solitude vient du monde moderne qui idolâtre les femmes sveltes et cultivée, quand t’es grosse, en banlieue et que t’a passion c’est le scrap-booking, tu es plus ou moins mise au rebus. Et ben tant pis, pour l’amour il y a le Kenya et ses hordes de sauvages qui aiment les femmes blanches un peu forte (et pas épilées, c’est leur coté bestial, sic) qui te tendent les bras. Notre autrichienne débarque sur le Kenya comme les anglais dans un happy hour, faisant son marché selon les conseils de ses congénères bien établies. Seulement voila que les nuits d’amour, dans les cases africaines, sont bien au rendez-vous, mais que c’est le romantisme qui vient à manquer…

Portrait caustique de la misère sexuelle, PARADIS : AMOUR met en exergue le titre du film : dans des paysages de carte postale, Seidl met en scène les turpitudes amoureuses d’une ménagère à la recherche de l’amour, dans un style qui pourrait rappeler celui de l’émission STRIP-TEASE.  La protagoniste est suivie au jour le jour dans son périple et rien ne manque, des remarques racistes aux coups de fil en larmes à sa fille, elle est de tous les plans, pour le meilleur et pour le pire. En effet le film ne se contente pas d’atermoiements et de comparatifs salaces sur les attributs des "sauvages", le spectateur candide va vite déchanter devant les ébats filmés en plan fixes entre un pauvre indigène qui essaye de faire vivre sa famille et une rondouillarde autrichienne qui veut se faire peloter à l’américaine.  Et je ne vous parle pas de la redoutable orgie finale où l’Autriche ramène du renfort  au grand dam d’un pauvre hère incapable d’avoir une érection devant autant d’appétit. D’un point de vue cinématographique, le film est sec comme un coup de trique, enchainant les plans fixes plutôt bien cadrés, type carte postale entre deux incursions dans les territoires indigènes, plus mouvementées. Le gros problème de mon point de vue, c’est que les intentions sont affichées tout de suite, et que l’on n’est jamais surpris. Le film se déroule de façon linéaire, les mécanismes de mises en scène ne varient jamais et le propos est assené avec force conviction pendant deux longues heures, et malgré les paysages superbes et la photo luxueuse on s’ennuie ferme. On est loin de ANGST !

 

Le quotidien de la femme allemande peut être rude, celui d’une famille de loseurs mexicains l’est au moins autant, c’est ce que nous montre LOS CHIDOS du hipster Omar Rodriguez Lopez (de THE MARS VOLTA) qui se veut influencé par Jodorowski et John Waters, excusez du peu. Dans les faits il s’agit d’une espèce de remake de AFFREUX SALE ET MECHANT dans un style proche du Guy Ritchie de SNATCH et dans un esprit fanfare cher à Kusturica, un portrait au vitriol d’une famille de cinglé qui va à 200 à l’heure sur fond de fanfare pendant la totalité du film. Difficile de rentrer dans cette histoire de riche américain qui lie son destin à ces pauvres loosers en pétant sa bagnole, métaphore des relations entre Mexique et USA (?). Le tout est ponctué de reprises de Morricone pour faire cool et de scènes trashosses (c’est ca le cote John Waters surement), et est aussi digeste qu’un bourritos après une cuite au vin. La photo est plutôt jolie, mais ca va tellement vite qu’il est impossible de profiter de quoi que ce soit, tout est noyé dans le montage sans finesse qui ne trouve jamais son rythme et dans le flot ultra bavard des dialogues soulignés par une voix off caustique insupportable. 


C’est peut être de passer après Kenneth Anger, Russ Meyer et Michael Powell (pas facile), mais cette suite de festival fut un peu décevante. Il reste une semaine pour se rattraper, le plus gros est à venir, on se retrouve très vite.

 

Norman Bates

 

 


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Publié dans Corpus Filmi

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