VANISHING WAVES de Kristina Buozyte (Lituanie 2012) A FANTASTIC FEAR OF EVERYTHING de Crispian Mills (UK 2012) et DEAD SHADOWS de David Cholewa (FR 2012): Etrange Festival jour 5
[Photo tirée de VANISHING WAVES de Kristina Buozyte]
On commence, et ce n’est pas banal, par un film lituanien de science fiction (avec un acteur français de la série KAAMELOTT !?), et fait encore moins banal, deuxième film de la compétition à avoir un héros qui ressemble à Poutine (avec HEADHUNTERS selon un autre envoyé spécial focalien). VANISHING WAVES est une sorte d’INCEPTION en plus pervers, le héros explorant le cerveau d’une jeune femme plongée dans le coma après un accident de voiture, ladite exploration se soldant surtout par l’assouvissement de fantasmes sexuels avec une mourante. Sujet foncièrement intéressant est-ce que rêver que l’on baise une autre c’est tromper ? Est-ce que pénétrer dans le cerveau d’une femme mourante dans le coma c’est du viol ? le film ne réponds pas à ces questions mais propose un dénouement romantique un peu ambigu, à savoir que l’amour véritable est une connexion synaptique SCIENTIFIQUE (pardon) qui s’établit dans les rêves. On commence par des écrans d’ordinateur, une plongée au milieu de courbes, de connections, de liens cérébraux. L’ambiance est étrange, on a la sensation de plonger dans un monde nouveau, de se retrouver seul dans un corps vide, comme le héros. Le début fonctionne plutôt bien, malgré les éternels filtres bleu et jaune (il faut vraiment arrêter avec ca). On pénètre dans l’inconnu(e) et le film ne ressemble pas à grand-chose (dans le sens positif du terme). Le cadrage est très soigné, certains plans évoquent le travail de Von TriER, même parfois le film de Houellebecq, c’est plutôt beau. Des images fantasmatiques ambigües et sexuelles font écho à la perversité latente du personnage, et on ne sait d’abord pas très bien si elles sont l’objet du désir du héros masculin ou féminin, en gros si elles sont imaginaires ou s’il y a contact. On baigne dans une ambiance étrange qui n’est pas sans rappeler SOCIETY de Yuzna. Malheureusement, très vite, le film vend la mèche, et supprime toute forme de malaise ou d’ambiguïté pour donner dans le romantisme new-age vaguement métaphysique, un peu à la manière de Aronofsky dans l’ignoble THE FOUNTAIN. Et consécutivement à cela, les options de mises en scène entrevue au début de film vont vite se fermer pour se retrouver, à part à de très rares moments, enfermés dans des plans répétitifs et monotone, le film se focalisant sur la relation des deux personnages pour faire fi du contexte scientifique ou fantasmagorique. La fin du film est interminable, l’utilisation des filtres devient nauséeuse. C’est dommage, le film avait un potentiel certain. Traité par un Resnais le film aurait sans doute été plus intéressant.
Changement radical d’ambiance avec A FANTASTIC FEAR OF EVERYTHING, entièrement dédié à son interprète principal, Simon Pegg, qui interprète un écrivain pour enfant paranoïaque en perte d’inspiration. C’est même presque du one man show, tellement Simon Pegg en fait des tonnes dans l’hystérie paranoïaque. On suit ses pérégrinations dans Londres, chaque action de la vie quotidienne est sujette à un gag, et le film avance comme ca, tout le temps, sans but précis. Globalement ca n’a pas beaucoup d’intérêt, ca se suit gentiment sans trop prendre de risque dans l’écriture ou la mise en scène, malgré la présence de passage en animation ou en stop motion et un recours à des effets spéciaux artisanaux bienvenus. Les gags fonctionnent plutôt bien, mais là encore c’est plus du fait de Simon Pegg que de la mise en scène à proprement parler. Il y a un beau passage avec un slip, un peu de rythme, mais le film est souvent lourd : par exemple le scénario est axé autour d’une laverie, et pendant 20 minutes on a l’impression que les auteurs cherchent à faire tous les gags possibles dans la dite laverie, c’est très pénible. Malgré tout on sourit quelques fois et le film passe plutôt vite. Pas grand-chose à dire, j’imagine que le film, si il sort en France, marchera très bien, ca vaut toujours mieux que les SUPER et consorts…
On finit cette journée encore plus loin dans la médiocrité, à un stade encore jamais atteint à l’Etrange Festival, car si DEAD SHADOWS ne dure qu’une heure quinze, il faut se la coltiner et dieu sait qu’elle parait longue… Alors oui je sais, c’est un film fantastique français sans aucun budget, réalisé par des petits gars sur-motivés et une équipe de bénévole, d’ailleurs tous là dans la salle comble, et ca vaudra toujours mieux que certains ex-Mad Movies qui ont demandé de l’argent sur internet (sans jamais le rendre) pour monter un nanar prétentieux dix fois plus cher. Certes. Mais pourquoi, et j’aimerais vraiment avoir une réponse à cette question, pourquoi, lorsque l’on a aucun budget, vouloir à tout prix bourrer le film d’effets spéciaux en images de synthèse ? C’est une véritable catastrophe, il y en a partout, et c’est aussi beau qu’un jeu playstation d’il y a 3 ans ! Quand on veut réaliser un survival d’horreur dans une ambiance Lovecraftienne et qu’on se retrouve avec quatre poulpes mal branlés au milieu d’acteurs amateurs dont le jeu épouvantable ferait pâlir un animateur du club med, avec en plus de ca des répliques écrites avec des fautes de français, ca fout la chair de poul(p)e. Je veux bien croire qu’il soit difficile de faire des films de ce genre en France, mais quand j’entends le réalisateur annoncer en début de projection que son ambition était de faire un film fun et décomplexé, j’avais déjà envie de quitter la salle. Si votre seule ambition est d’être fun et décomplexé, il faut organiser des courses à l’échalote, pas faire des films d’horreurs qui ressemblent à de mauvais jeux vidéos datés. J’exagère un peu, le film est au final moins pire que ce à quoi je m’attendais, il y a une vraie introduction, une vraie tentative d’écriture des personnages, une mise en situation digne de ce nom, certes trop longue, mais qui a le mérite de créer un climat et un attachement aux personnages. Il y aussi une volonté de faire du gore gratosse, c’est bien aussi, mais pourquoi utiliser des images de synthèses quand 20 ans de Troma ont prouvées au monde que les meilleurs effets spéciaux restent ceux qui sortent de la boucherie du coin en fin de journée ? Je ne vais pas m’étendre sur l’écriture, bourrée de contresens et de trucs inutiles. Après tout, on s’en fout, mais pourquoi vouloir à tout prix dans un film d’une heure et quart consacrer 15 minutes à l’enfance du héros ? Qu’est ce qu’on peut bien en avoir à foutre ? De même que si le héros à peur du noir, une scène suffit à le monter, on n’a pas besoin d’un dialogue insipide en sus pour répéter ce que le film à montré cinq minutes avant… Au moins le réalisateur n’a pas fait un film de zombie, c’est déjà ca de pris, mais pitié, si un jeune réalisateur me lit, arrêter de vouloir faire des films fun et décomplexés en hommage à vos jeux vidéos. Il n’y a rien de plus sérieux qu’une série B, je vous assure.
Norman Bates
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