ESPRIT DE FAMILLE, de Thomas Bezucha (USA-2005) : Intime Fadasse

Publié le par Dr Devo

(Photo :"Manifesto" par Dr Devo)

Chers Focaliens,
 
Pas le temps de se reposer sur Matière Focale. Après le copieux article d'hier sur le palmarès de l'année 2005 (deux fois plus long qu'un article copieux habituel, et avec des millions de liens, une horreur à préparer !), on va se reposer en salles. Après le travail, le plaisir en quelque sorte. [Je signale que nous préparons un palmarès de l'année 2005, mais musical cette fois, et ça va décoiffer sérieusement !]
 
On se réfugie donc à toute vitesse dans ESPRIT DE FAMILLE (FAMILY STONE en VO), deuxième film de l'inconnu Thomas Bezucha (Bézu, quoi !), ici réalisateur ET scénariste. Pourquoi aller voir ce film ? Bah, je ne sais pas trop. Ça a l'air d'être une comédie, déjà, et je crois que la perversité de voir une comédie "de Noël" alors que l'événement est désormais périmé m'a amusé, je dois le confesser, comme une résurgence perverse de mauvais garçon ! Le casting a l'air relativement acceptable, avec notamment le grand Luke Wilson (frère de) qu'on ne voit plus guère, et dont j'avais remarqué dans le film annonce qu'il portait des joggings gris. Quelle bonne idée, car si quelqu'un peut porter des joggings gris avec une telle désinvolture, c'est bien Luke Wilson ! Voilà qui est à mes yeux suffisant pour faire chauffer la carte Pathugmont illimitée. [Je signale au passage que Pathugmont ne m'invite plus aux avant-premières et aux sneak-preview ! Pourtant, les questionnaires que nous avions remplis pour THE CONSTANT GARDENER étaient strictement anonymes ! Bizarre... Surtout que Kad et Olivier, puis Michael Youn, mange Google, vont venir présenter leur film respectif !]

C'est Noël ! [It's Christmaaaas in heaveeeeeen, chante encore à mes oreilles le décédé Graham Chapman !] Quelque part dans le New Jersey ou le Connecticut, dans une petite ville moyenne, gentiment bourgeoise, la neige étend son blanc manteau. Diane Keaton et son mari Craig T.Nelson (papa et grand-papa, habillé dans le pur style Werther's original, un peu comme le rôle qui fit de lui un papa acteur célèbre dans POLTERGEIST) attendent toute la famille. Et il y a du monde. Une fille enceinte pour la deuxième fois (Elisabeth Reaser, inconnue mais sobre) avec sa première fille de 8 ans, Luke Wilson, deuxième fils (et dont la profession est très bizarrement, et par un effet splendouillet de scénario que je vous laisse découvrir, documentariste animalier, ce qui n'a quasiment aucune importance dans le film), Rachel McAdams (espèce de clone mais en plus sortable de Denise Richards, que je n'ai pas eu la chance de voir dans RED EYE de Wes Craven), véritable petite peste d'ailleurs. Il y a aussi le plus jeune des fils (fin de vingtaine) qui est malentendant mais pas tout à fait muet (celui-là, je me le garde pour plus tard !), et enfin Dermot Mulroney qui, ô événement, vient pour la première fois avec sa girlfriend Sarah Jessica Parker. Et c'est là que ça coince.
Sarah est une businesswoman montée sur pile. Grande bourgeoise, ultra-psychologisante, coincée, pas tout à fait snob, mais très "prout-prout ma chère" comme on dit par chez moi. Elle est stressante et stressée à l'idée de rencontrer sa belle famille. Et eux, c'est plutôt la bourgeoisie décontractée et libérale de la côte Est. Dès le départ, Sarah aligne les bévues plus ou moins malgré elle. Elle se fait assassiner par Rachel McAdams, langue de vipère authentique qui la broie de son ironie impitoyable à plusieurs reprises, quitte à être extrêmement désobligeante. Le reste de la famille trouve qu'elle a un peu un ustensile de ménage qui obstrue son popotin. Et Sarah elle-même, stressée jusqu'à l’os, a tendance à provoquer les malentendus. Comme elle est extrêmement soupe au lait, ça n'arrange rien.
Dermot Mulroney a un problème. Keaton (sa mère, suivez un peu !) lui avait promis des années auparavant la bague de sa propre mère (à Keaton !) pour l'offrir à la femme qu'il choisirait comme épouse. Il lui demande donc la bague, car il compte demander Sarah en mariage lors du repas de Noël le lendemain ("apportez-moi un seau, je crois que je vais gerber", comme disait Terry Jones). Keaton s'y refuse catégoriquement : cette femme n'est pas pour lui !
Dermot est furax, et trouve tout le monde bien injuste avec Sarah qui, malgré ses défauts, est quand même la femme qu'il aime ! Et c'est vrai qu'à part Luke Wilson (un mec cool avec ses survêtements), tout le monde l'a un peu prise en grippe, la Sarah. Celle-ci décide d'ailleurs d'aller dormir à l'hôtel ! Ça commence bien. Elle appelle aussi sa jeune sœur, Claire Danes, pour venir à la rescousse parce que là, c'est la panique. Wilson apprend que sa mère (Keaton, suivez, je vous dis), est malade et que c'est sans doute son dernier Noël !
Le repas du lendemain soir se passe très bien. Tout le monde fait la connaissance de Claire Danes, une fille très simple et très chaleureuse contrairement à sa sœur psychorigide (quel mot !). L'atmosphère s'est nettement décontractée, mais Sarah fait une gaffe terrible. Le jeune frère sourd, mais pas muet, est aussi gay ! Et il sort avec un noir ! N'en jetez plus ! Ceci dit, il est accepté par tous dans cette famille très à la cool. Sarah fait une gaffe, malgré elle, que le copain noir du fils (joué par un acteur avec un nom) considère comme une insulte homophobe ! Tout cela va faire dégénérer les cartes des rapports humains de cette famille "hors norme"...

Après coup, je suis très étonné de voir l'affiche américaine du film ! Si ici, en France, on a joué le coup de la fausse photo de famille près du sapin, aux statesses, c'est une main de femme en gros plan sur fond blanc, le majeur avec une jolie bagouze de mariage, et qui fait un gros, gros doigt ! Slogan : "feel the love !". C'est très rigolo, et assez provocateur.
Rassurez-vous, il n'en est rien, et le film est plus proche des MARMOTTES et autres LA BÛCHE que du BAD SANTA que nous avions découvert l'année dernière. Malheureusement.
Quoique, après tout, peut-être les choses ne sont pas si claires que ça là-bas, chez nos amis américains. Après tout, nous n'avons pas cette tradition de film familial de Noël, et on ne saisit peut-être pas toute l'ironie de la ré-appropriation que constitue ce film. En même temps, c'est un désastre. Le film se veut incisif, oui, oui, mais pas trop. Et donc, ce n'est pas du BAD SANTA ou du Farrelly. ESPRIT DE FAMILLE reste avant tout un mélo ! Caramba !

La projection était assez splendouillette, d'ailleurs. Pas beaucoup de monde, mais beaucoup de gamins de 11-12 ans en vadrouille et bruyants. Pas hurlants comme cela arrive parfois, mais parlant de temps en temps ! Chose excessivement gênante, car le son était très doux, et même presque faible si bien que, même quand la salle était calme, il fallait tendre l'oreille pour entendre les dialogues. Un groupe de jeunes femmes sur ma droite furent moins bruyantes que prévu, mais consultaient quand même leurs sms pendant le film, faisant ressembler la salle à la piste d'atterrissage de Orly la nuit de Noël, avec les signaux lumineux et le sapin avec sa guirlande électrique. Je me disais que si, dans la salle, certaines personnes avaient payé leur ticket 7 euros, elles devaient être contentes du voyage !
Ceci dit, avec ou sans les gamins, avec ou sans les sms puissants comme des projecteurs de mirador, le film reste ce qu'il est. Peut-être ces gens dissipés m'ont-ils empêché de dormir au final.
Comédie et mélo riment avec gros sabots. C’est souvent le propre de la comédie américaine, même sympathique. Mais là, quel entrain à tout dévoiler tout de suite (évidemment, Luke Wilson fait les yeux de Bambi dès qu'il voit Parker : adieu suspense, veaux, vaches et cochons). Je crois que j'ai également failli rompre un câble lorsque je me suis aperçu que le jeune frère était homo, sourd, et que son mec était noir. En même temps, aucun des deux n'avaient le sida (ah non ! C'est Keaton qui est ici malade par contrat ! Déjà pris !), mais pour faire bonne figure, ils essaient quand même d'adopter un enfant !

Sinon, il ne se passe à peu près rien. Claire Danes débarque, beaucoup plus simple et sympathique qu'une Scarlett Johansson ou qu'une Kirsten Dunst (bon, les fans, on se calme : allez voir RENCONTRES À ELIZABETHTOWN et on en reparle !). Malgré tout, avec ses cheveux archi-trop châtains blonds, on tombe un peu des nues. Peut-être parce que dans pas mal de plans, elle est maquillée au lance-roquette (teint blanc, presque asiatique). D’ailleurs, le maquilleur de ce film devrait être interdit de plateau et condamné à voir des films de Bresson, parce qu'il a bien raté Sarah Jessica Parker. [Un peu comme ce coiffeur hollywoodien, responsable des cheveux dans COLLATERAL de Michael Mann, d'où le look albinos un peu too much de Tom Cruise, et qui a peroxydé tout le casting masculin d’ALEXANDRE qui, du coup, aurait dû s'appeler "Les Filles d'à Coté")].
Qu'est-ce que je disais ?
Ah oui... Donc, la Claire Danes débarque là-dedans, toujours plus sympa que ses concurrentes (et plus humaine, même si je préfère Anna Paquin, qui d'ailleurs parle le français couramment, avis aux producteurs et réalisateurs hexagonaux : on en a marre, des Judith Gordrèche et autres Marie Gillain !!!), certes, mais là, qui faisait un peu bourgeoise qui se la pète à la cool. Il faut dire qu'il faut bien qu'elle tombe dans les bras de Dermot Mulroney, gras et fadasse comme d'habitude, et surtout le plus collet monté de la bande.

Pauvre Sarah Jessica Parker ! Je n'ai jamais vu un épisode de SEX AND THE CITY, mais je viens de jeter un coup d'œil à sa filmographie. Ah oui, c'est vrai, elle a quand même fait deux Tim Burton, notamment ED WOOD où elle était très bonne. Pendant la projection, j'essayais de savoir où je l'avais vue... Impossible de citer un seul titre !
Ici, elle est mauvaise de chez mauvaise, ce qui est d'ailleurs à peu près le cas  de tout le monde. Son personnage de nunuche surclassée n'a aucun intérêt, et la pauvre est maquillée elle aussi par un peintre en bâtiment, et à l'aérographe. Sur un gros plan, ma voisine de droite a dit : "c'est un mec !", chose que j'étais effectivement en train de penser !  Malgré tout, la pire, je crois, c'est Diane Keaton. Et pourtant, j'avais vu quelques semaines auparavant TOUT PEUT ARRIVER, comédie romantique qui part relativement bien, et qui très vite se mullise, où elle était mauvaise au possible (et où tout arrivait, effectivement, car Keanu Reeves y était très bon !), ce qui me fit un choc, car je l'ai à la bonne, cette femme dont il me semblait pourtant qu'elle était une marrante et une iconoclaste. Ben non. Elle est nullasse. Mûre pour le sitcom ou pour DALLAS.  Une grimace à la seconde ! Vous pouvez imaginez ma tête quand j'ai compris qu'elle avait le cancer ! NON ! PAS UN FILM DE MALADIE !

En fait, à part les 20 dernières minutes (euh non... Soyons honnêtes, 8 dernières minutes), on est assez tranquille avec cette histoire de mort imminente. Bon, le réalisateur nous fait quand même un plan de "première fois" d'une grande putasserie qui rendrait presque sympathique la morne plaine qu'est l'ensemble. Ça commence par un dialogue entre Keaton et son mari. Oh Chéri, j'ai tellement peur de la mort ! Il l'embrasse, et là, oui, là oui, oh ouilà, elle a envie soudainement de faire l'amour ! Elle ouvre son chemisier, et on voit clairement la poitrine de Keaton. Bien sûr il lui manque un sein.

Bah, voilà, tu l'as craché ta valda, Bézu ! ESPRIT DE FAMILLE est le premier film où l’on voit une femme dont on a enlevé un sein. Et tout ça est amené avec classe, et sans la moindre gratuité, bien sûr, comme vous pouvez l'imaginer à l'aune du reste. Ça a du charme, une colonne de blindés qui vient détruire délicatement un petit village de cases en bambous !

Evidemment, la mise en scène est exquise ! Lumière hideuse et grisouille sans aucun effort, pas de son, pas d'échelle de plans (c'est plan américain ou gros plan, point barre), décor nullissime (l'hôtel !!!!!!!! C'est un escalier de maison, l'hôtel !), pas de cadrage, et que des bonnes idées (le bus qui emporte Claire Danes, snif-snif, mais qui s'arrête et la débarque : mais en fait, je t'aime !). On croit qu'on va vaguement se réveiller lors du quiproquo avec Luke Wilson (qui a pris le rôle, car déjà trois autres l'avaient refusé ! Dont Jonnhy Knoxville ! Véridique !), mais non... Ronflez bien, vous êtes en sécurité. [Le seul moment drôle, c'est quand Wilson, bien endormi sinon, regarde la veste qu'on lui a offerte et dit : "c'est du pied de poule ?", remarque absurde et ouf, enfin, de la gratuité, à la limite du pierodellafrancescisme !]
Et puis il y a cette fin interminable où l’on est tous copains, et la mort nous sépare, mais je mets une étoile dans le sapin pour me souvenir de toi, Maman chérie.

Chez Warner France, ils ont compris le potentiel de la chose. Je ne sais pas si c'est eux qui ont donné des consignes aux projectionnistes pour passer le film sotto voce, mais en tout cas, ils ont peinturluré le tout avec une VF absolument abominable, et faite une fois de plus en 5 sets par des comédiens sous-payés qui découvrent le texte devant le micro ! Plus qu'un mélo pas réussi, ESPRIT DE FAMILLE, qui est quand même un film sur une bague (!),  est l'incarnation complète du film de scénario certes, mais très mal écrit en plus, avec une characterisation des personnages absolument désastreuse, et qui manque complètement de naturel et d'humanité. Car c'est l'humanisme qui blesse mortellement le film. Ce monsieur Bézu qui réalise et écrit, et dont, rassurons-nous, ça devrait être le dernier film, pourrait être l'incarnation même du sale type. Un type qui exhibe son humanisme avec si peu de discrétion, si peu de fluidité et de manière si ostentatoire a sûrement des choses à se reprocher, héhé ! Et puis on peut faire des films sentimentaux qui ne soient pas que de la guimauve lacrymale (revoyez IGBY en DVD, avec Claire Danes justement, un des frangins Culkin (très bon d'ailleurs) et Bill Pullman dans son meilleur rôle, ou encore THE GOOD GIRL).
Le péché suprême et impardonnable, et oui, et peut-être encore plus que de faire du chantage aux sentiments, est bien sûr, Mr Bézu, d'avoir renoncé à toute mise en scène, même la plus basique.

Bézu, vous sortez !

Dr Devo.
 
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Publié dans Corpus Filmi

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D
Hé non! Cher Pinot, je suis également pauvre, mais j'ai acheté une carte illimité dans mon cinéma PATHUGMONT! je paye donc ma place contrairement aux confrères professionnels!Dr devo.
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P
Docteur, une question me taraude : est-ce avec l'argent du contribuable que vous multipliez ces séances de cinéma ?Si c'est le cas, sachez que, comme grand nombre d'inscrits à l'URSSAF (l'union de recouvrement de la dette de la sécu et des allocs), sachez donc que je vois ça d'un assez mauvais oeil. Et vous demanderais éventuellement un remboursement partiel.
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