L’ETRANGE FESTIVAL DE NORMAN BATES CHAPITRE TROISIEME : Tobe free.

Publié le par Norman Bates

 

 

 

 

 

 

 

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[Photo : "Une approche du Mystere" par Norman Bates d'après EGGSHELLS.]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est dans un centre commercial parisien grouillant de silhouettes pressées et avides, alors que l’après midi touche doucement à sa fin et que les hommes en costumes et femmes en tailleurs se pressent pour se jeter dans les trains de banlieues, c’est dans cette masse grouillante et toujours renouvelée ou semble passer l’humanité entière avant de rallier la nuit parisienne, bref, dans une fourmilière chaotique ou les alvéoles sont des boutiques qui essaient de happer les hommes, que se déroulent secretement des évènements d’une horreur sans nom, là, à l’abri des regards de la foule, dans une salle qui accueille pour la soirée Tobe Hooper, théatre de massacres en tout genre...



De MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE qui inaugure le bal, je renverrai le lecteur vers l’excellent article déjà publié sur le site. Rien à dire de plus si ce n’est que c’est un des films les plus marquants du siècle dernier, hélas projeté en vf à l’étrange festival. Bref, c’est à voir absolument !

 

MASSACRE DANS LE TRAIN FANTOME  (FUNHOUSE 1981)



Après MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, il fallait bien vendre les films de Hooper, ce qui explique le titre français un brin opportuniste. Il est en réalité très peu question de massacre dans ce slasher bourré de référence qui renvoie aussi bien à Hitchcock dans un très beau clin d’oeil à PSYCHOSE qu’a Argento ou à HALLOWEEN. On suit les tribulations d’une jeune femme et de son petit frère, parti passer leur samedi soir à la fête foraine du coin. L’une ment à ses parents en disant aller au cinéma alors que l’autre fugue purement et simplement la maison familiale pour investir la foire. Deux trajectoires séparées qui vont se réunir au coeur de l’horreur la plus complète...

Ce qui frappe d’emblée c’est l’excellente qualité de la copie présentée ce soir qui honore le très beau scope du film. Hooper joue dans un registre bien différent de la quasi expérimentation de MASSACRE A LA... : il signe un film bien plus “classique” et balisé, dans une mise en scène très maitrisée et soignée. Loin de l’aspect un peu fauché des premiers films du bonhomme, on sent qu’il y a un peu plus d’argent et Hooper en profite pour sortir des images plutôt inspirée : de très beau cadre viennent étoffer une mise en scène riche qui n’hésite pas à jouer sur le son, le hors- champ, la perspective et le décor enfantin inquiétant. Difficile de ne pas penser à PROFONDO ROSSO et ses poupées inquiétantes ou à HALLOWEEN et son tueur masqué. Dans la conférence qui suivra Tobe Hooper racontera d’ailleurs qu’il s’agissait en fait d’un jeu avec John Carpenter : c’est une sorte de vanne pour son son vieux pote qui après avoir vu les aventures de Leather Face à réalisé HALLOWEEN avec un tueur masqué ; il s’agit pour Hooper de ramener le masque dans ses films. Autre chose que Hooper confessera bien volontiers : l’humour est présent dans tous ses films, et il adorerait réaliser une comédie. Ici la très belle introduction est en forme de blague cruelle et met tout de suite dans l’ambiance, il s’agit de jouer avec tous les symboles de l’enfance en ne gardant que la monstruosité de cette existence innocente. Des rapports père/fils entre le tueur et son père (comme dans MASSACRE A LA TRONCO) aux rapports familiaux entre les membres de la famille de l'héroïne, Hooper joue à faire exploser les rapports entre parents et enfants. Ainsi il sera montré de la plus cruelle des manières aux géniteurs que leur descendance est loin d’être innocente, dans un ballet un peu glauque qui transforme les rêve de gosse en cauchemar éveillé. Malgré une ou deux longueurs, le film est tout a fait recommandable et réjouissant, et à part les costumes et coiffures de l’époque le métrage n’a pas tellement vieilli. Les effets spéciaux mécaniques et autres poupées animées sont suffisamment belles pour plonger au coeur de ce carnaval de freaks ou les enfants perdus sont la proie de monstres et de sorcières en tout genre....

Après le film, discussion avec le très sympathique réalisateur qui ne manque pas d’aplomb ni d’humour quand on évoque les remakes de ses films “la seule chose que j’ai aimé dans le remake de MASSACRE c’est le cul de Jessica Biel” ou sa charge contre l’industrie du cinéma, très semblable à celle de Jodorowski la semaine dernière “il n’y a plus que des films similaires en salles : personne ne veut produire un film qui ne soit pas résumable en une phrase, où l’on ne puisse pas coller un autre nom de film à coté” . Il explique qu’aujourd’hui il a extrêmement de mal à concrétiser des projets mais que son prochain film sera le truc le plus flippant que vous n’aurez jamais vu au cinéma. On lui souhaite d’avoir raison et d’arriver au bout en tout cas !


EGGSHELLS (1969)

La grand messe ! La plus grande salle du festival comble, arrivée triomphale de Tobe Hooper dans la salle, public debout, pour ce qui est présenté comme une séance historique : ce soir nous sommes les premiers spectateurs à découvrir le tout premier film de Tobe Hooper, dans une copie numérique restaurée. Tout le gratin du cinéma fantastique français est là, et en restant énigmatique Hooper introduit le film comme étant une fantaisie dans l’espace et le temps, réalisé par la même équipe que MASSACRE A LA TRONCONNEUSE. Un peu laconique il disparaît dans le brouillard et laisse place au film.

Je vais être honnête, il m’est impossible de résumer le film. Extrêmement expérimental, sans scènario, réalisé avec 100 000 $ dans un squat de hippie, on suit les déambulation d’un groupe d’amis constamment ivres ou camés qui font la connaissance d’une puissance venue d’ailleurs. Le film alterne d’interminables scènes de dialogues débitées par des hippies défoncés et des scènes d’hallucinations épiques. Pas de suspense, pas de serial killer, film contemplatif et lyrique,  on reconnaît difficilement la patte Tobe Hooper, si ce n’est certains plans absolument sublimes qui évoquent déjà son célèbre deuxième film. La photo est magnifique, certaines scènes sont d’une beauté spectrale et on flotte dans une sorte de faux rythme éthéré assez agréable. Il y a énormément d’idées plastiques, malheureusement peut être trop pour un film : en l’état on dirait plus une oeuvre vidéo expérimentale assez indigeste. Et oui car le film dure quand même une longue heure et demie, et en fin de soirée j’avoue avoir eu du mal a garder les yeux ouverts en permanence pour suivre les divagations d’un beatnik a poil au milieu d’un champ. Reste quand même de formidables moments comme cette bataille à l’épée assez incroyable ou la très belle fin mystérieuse et envoûtante.

 

 

 

La fin de soirée fut donc très étrange, et le retour dans la ville fut redoutable. Passer de la contemplation béate de la nature, des massacres en tout genre et des traques vicieuses à la plate monotonie du métro parisien presque désert, ou comment dissoudre les derniers relents de la bestialité humaine dans la cité la plus consensuelle du monde.


 

 

 

A bientôt !

 

 





Norman Bates. 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Publié dans Corpus Filmi

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