SAN KU KAI Episode I : UN VAISSEAU DANS L'ESPACE de Minoru Yamada (Japon-1979): dans l'espace, la guerre est sublime...

Publié le par Le Marquis

(Photo: "Au Loin, la Pluie / La Grenouille saute / Le Nénuphar" par Dr Devo).

En 1978, tout le monde est surpris par le succès phénoménal de LA GUERRE DES ETOILES. Les Japonais aussi. Dans l’urgence, ils décident de surfer sur cette nouvelle mode annoncée en tournant sur les chapeaux de roue un long-métrage de science-fiction destiné, surtout, à sortir au Japon avant le rouleau-compresseur de George Lucas. C’est Kinji Kukasaku (le futur réalisateur de BATTLE ROYALE, à l’époque plus intéressé par le polar violent et par le cinéma semi-expérimental) qui accepte la commande, et livre un film qui, ma foi, est ce qu’il est, une
rareté récemment diffusée en DVD (mais sans VO) pour profiter des élans nostalgiques des adulescents (que, personnellement, je préfère appeler les enfultes), sous le titre évocateur mais équivoque de SAN KU KAÏ : LES EVADES DE L’ESPACE – équivoque, car si le film contient certains éléments graphiques et thématiques fondateurs de la série TV (vaisseau-bateau, héros pilotes intersidéraux…), pas l’ombre d’un San Ku Kaï à l’horizon, San Ku Kaï étant stricto sensu le nom du vaisseau spatial piloté par les héros de la série à laquelle nous allons nous arrimer. Car le film de Fukasaku obtient d’assez bons résultats (au Japon, hein !) pour donner l’idée à la Toei d’en tirer une série pour le petit écran. Une série qui ne rencontrera pas vraiment un très grand succès d’ailleurs, en dehors de la France – la musique hilarante d’Eric Charden a dû donner le coup de pouce décisif. Il faut rappeler avant de commencer que la série, restée inédite aux Etats-Unis, n’y a été diffusée que sous la forme d’un téléfilm condensant plusieurs épisodes de la série pour ressembler à un produit fini et cohérent : le concept a beau me laisser perplexe, je tuerais père et mère pour pouvoir admirer le résultat.

« En l’an 70 du calendrier spatial, des êtres humains quittèrent la Terre pour rejoindre différents systèmes galactiques, comme le 15e système solaire, par exemple. Celui-ci est composé de trois planètes : Sheta, la plus proche du soleil, puis Analis et Belda. »

La chaude et masculine voix-off a posé le décor, place à un générique branquignole agrémenté du détail qui tue : Siman a oublié un paquet de Malboro qui dépasse de la poche de son costume 27 génériques durant.

Un vaisseau spatial se dirige tranquillement vers Analis. A son bord, les pilotes Ryu et Siman. Ryu est un homme décontracté, Siman est un homme singe fumeur de cigares (maquillages spectaculairement ringards), originaire de la planète Sheta (eh oui). A leurs côtés, un passager solitaire, Ayato (interprété par Hiroyuki Sanada, héros de RING), a préféré voyager sur leur vol non commercial plutôt que d’attendre le prochain vol touristique pour Analis. Il est songeur, Ayato : son père l’a appelé en urgence alors qu’il ne l’avait pas vu depuis bien longtemps. Son inquiétude ne l’a pas fait oublier sa petite sœur, puisqu’il apporte avec lui un somptueux bouquet de fleurs spatiales – une création originale probablement conçue par une classe de maternelle.

La quiétude de ce voyage spatial est soudain bouleversée par l’arrivée d’un immense vaisseau spatial, le Cosmosaur : les Stressos envahissent le système solaire. Ils sont bien interceptés par un appareil des services de défense, mais les navettes de combat des Stressos (les Lazerolabes) n’en font qu’une bouchée. Le Cosmosaur stationne au-dessus d’une usine, et dans la débâcle et la panique des ouvriers, une voix orageuse s’élève, celle de Golem XXIII, roi des Stressos, qui s’autoproclame « Maître Absolu du 15e Système Solaire ». Il précise dans un souci d’exactitude et de complétion que « ceux qui refuseront d’obéir seront anéantis », tout en anéantissant l’usine et ses ouvriers, qui, les pauvres, n’ont même pas l’occasion de faire allégeance. Les Stressos ne plaisantent pas avec le dos de la cuillère.

Depuis leur vaisseau, Ryu et Siman décident bravement de tourner les talons et de retourner sur Belda pour réfléchir à la situation. Mais Ayato, devant l’apparition de l’Occupant, ne pense qu’à une chose : retrouver son père et offrir le bouquet de fleurs spatiales à sa sœur. S’enfuir est hors de question sans l’avoir préalablement déposé sur le sol d’Analis. Avec la fougue de la
jeunesse, Ayato sort un couteau et ordonne à Ryu de l’amener à bon port, à la consternation du brave Siman, qui s’exclame : « Il est très persuasif, ton petit copain… »

« Je ne suis pas son petit copain », tient à préciser Ayato. Ryu s’aperçoit alors de deux choses : lui et Ayato sortent de la même école de pilotes intersidéraux (« Non ! C’est pas vrai ! Tu es mon bizut, alors ??? ») ; et il connaît personnellement Shin, le père d’Ayato, bien qu’il se montre fort évasif sur leurs relations. Il accepte alors de déposer Ayato avant de partir pour Belda.

 

Kwaaaap !!! Dans un claquement de cape apparaît Koménor, général de l’armée des Stressos. D’ailleurs, l’acteur qui interprète Koménor, exalté par son grand rôle ou grisé d’être le seul personnage avec une cape, la fait claquer à peu près toutes les trente secondes, ce qui relève de la fascination – l’effet étant de plus souligné par un bruitage totalement absurde. Il a localisé la position d’un émetteur cherchant à entrer en communication avec la Terre dans un petit village voisin – c’est pratique – « sa position est vingt sur vingt », et il y envoie son commandant, Volkor. Alors qu’Ayato approche de son village natal, Volkor et ses troupes investissent la maison de Shin. Malgré son âge avancé, et devant les menaces proférées contre sa douce femme et sa douce fille, son sang ne fait qu’un tour et il lutte férocement à grands renforts de prises de kung fu arthritiques. Nous avons à peine le temps de nous demander la raison pour laquelle Shin porte un ruban rose dans ses cheveux gris que Volkor s’exclame alors : « Je m’appelle Volkor, je suis envoyé par Koménor à bord du Cosmosaur » (et les rimes c’est mon fort ?), avant d’ajouter perfidement, « tu es courageux, mais avec nous c’est ridicule». Si les Stressos sont modestes, ils n’en sont pas moins félons : c’est en lui enfonçant un couteau dans le dos qu’ils auront raison du pauvre vieillard. Celui-ci ayant refusé de révéler la cachette de l’émetteur, sa femme et sa fille sont liquidées froidement.

C’est sur cette ambiance festive et chaleureuse que se pointe Ayato. Horrifié, il découvre sa famille massacrée et son pauvre vieux père mourant, qui a le temps de lui marmonner des propos étranges et pénétrants à propos du « clan des Jen » de « Fantôme ». Agressé par les Stressos, Ayato se défend vaillamment à coups de fleurs spatiales, s’empare sur sabre rétractile de papa et fait sauter l’émetteur avant de s’enfuir par la cheminée. La maison explose, mais Ayato est déjà loin, et la célérité de sa fuite fait pleurer de dépit Carl Lewis en personne. Là-bas sur les collines, le bouquet de fleurs spatiales toujours à la main (malgré le côté peu pratique pour remonter le conduit de cheminée avec ces horreurs plein les mains), Ayato n’a pas le temps de se recueillir : dans un éclat d’étoile ninja, ses fleurs spatiales sont réduites en miettes. Volkor et ses soldats stressos courent très vite, eux aussi, et encerclent le pauvre Ayato. Celui-ci se bat vaillamment, a recours au kung fu et saute sur des trampolines hors-champ, mais il est bientôt en très mauvaise posture et demande à Volkor « vous allez me tuer par derrière, comme ma famille ? ». La situation semble désespérée.

Mais soudain, un guerrier surgit, à la rescousse d’Ayato. Collants résille et lunettes de plongée, c’est bien Ryu, qui n’a pas eu le cœur à abandonner le jeune homme. Les Stressos sont mis en déroute et Ryu embarque avec Ayato dans son vaisseau spatial, en route pour Belda. En route pour Belda, c’est vite dit : les Stressos les prennent en chasse dans l’espace !!! (Vous sentez l’histoire qui s’accélère ?) Ayato, qui souhaite préserver la vie de ses frais compagnons de route, les expulse contre leur gré à bord de capsules de sauvetage et décide d’affronter seul les lazerolabes de Volkor & Koménor du Cosmosaur. Deux coups de laser plus tard, le vaisseau piloté par Ayato explose. Fougueux mais pas très doué, le pauvre.
Tout est perdu !

Quand soudain, un vent d’émotion balaie l’espace sidéral. Un apaisant thème au piano résonne entre les étoiles, la photographie se met à baver et à scintiller de mille feux, tandis que l’Azuris, fier bateau de l’espace, s’approche de l’épave. L’Azuris est piloté par la douce, fantomatique et divinement blonde Eolia. Elle apparaît aux côtés d’Ayato, qui cauchemarde une famille brûlant dans les flammes de l’enfer, l’éveille (« le réveiller » serait un terme par trop brutal pour une créature aussi douce et divinement blonde qu’Eolia) et l’enjoint à lutter contre l’invasion stressos. Elle le dit une fois, elle le dira mille fois : « Il faut te battre, Ayato… » Comme elle n’est pas complètement illuminée, elle n’encourage pas seulement son héros par de belles paroles : avant de disparaître doucement comme un bleu sur les cuisses d’une jeune fille, elle lui offre aussi un vaisseau spatial flambant neuf, particulièrement adapté au combat contre les lazerolabes : le San Ku Kaï. Fier et exalté, Ayato est prêt à se battre de toutes ses forces contre l’adversité, et va peut-être même se souvenir avant la fin du second épisode que Ryu et Siman dérivent toujours dans leur capsule. Générique.

Un vaisseau dans l’espace… Je me demande à quel vaisseau le titre fait allusion… Au Cosmosaur ? A l’Azuris ? Au San Ku Kaï ? Bref. Il faut savoir certaines choses à propos de la série de la Toei. Production fauchée, elle est arrivée chez nous bien avant les Spectroman, Bioman et autres X-Or. Son aspect visuel est d’ailleurs bien plus attachant et fleure bon le système D et la précipitation. Les conditions de tournage ont leur impact sur l’esthétique de la série – et quel impact : le réalisateur avait pour consigne de ne faire qu’une seule prise pour chaque plan, qu’il soit raté ou pas. Quand il est raté, et c’est souvent le cas, on s’amuse vraiment beaucoup – notamment lors des combats. Je ne vais pas mettre la charrue avant les bœufs et donc je me contenterai de mentionner, pour ce premier épisode, un plan lors du combat d’Ayato contre les Stressos sur les collines, ce plan magnifique où un soldat tombe dans un « ravin » (pas trop profond rassurez-vous) : un rocher s’effondre sur lui après sa chute, mais est-ce bien accidentel ? En effet, on distingue on ne peut plus clairement le pied de l’assistant qui pousse le rocher pour le faire tomber… L’équipe de tournage serait-elle plus sanguinaire encore que les troupes de Volkor ?

Autre aspect amusant dans l’évolution de la série : l’équipe ne dispose que d’un seul masque pour Siman, masque qui va donc noircir d’épisode en épisode… Rien de grave, car on est tellement occupés à observer ces instants où les mains de l’homme singe apparaissent dans le plan pour compter les fois où l’on aperçoit le gant poilu qui s’arrête malencontreusement au poignet. Un autre bon moyen de faire des économies : utiliser en boucle les mêmes stock-shots pour les scènes de bataille dans l’espace, dans des séquences qui mettent en vedette de superbes maquettes. On signalera enfin une des constantes esthétiques de la série, l’utilisation quasi perpétuelle de zooms avant-arrière pour dynamiser l’action. Par contre, certains éléments particulièrement importants n’ont pas encore fait leur apparition dans ce premier chapitre : le crâne-transistor par lequel Golem XXIII communique avec Koménor, ou surtout la perfide et sexy Furia.

Mais qu’entre nous les choses soient dites : nous sommes ici au-delà du simple trip nostalgico-régressiste. SAN KU KAÏ est véritablement un petit chef-d’œuvre à (re)découvrir, un serial de l’espace truffé de scènes hautement improbables et de plans surréalistes, un must incontournable pour tout fan de cinéma bis qui se respecte, un sommet de drôlerie involontaire, une tentative calamiteuse de SF-Express dont la nullité cosmique procure un plaisir indescriptible. C’est un monument de télévision, celui du conceptuel qui s’ignore, de l’expérimental malgré lui.

Prochain épisode : « Les Ninjas » (sur la jaquette), ou « Les Niyas » (carton titre), ou « Les Ninjos » (dans les dialogues) – c’est à vous de voir.

Le Marquis

Publié dans Lucarnus Magica

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
Je ne connais pas de site où l'on puisse en regarder en ligne, mais les DVD français se trouvent partout et coûtent des clopinettes. Par contre, je peux te transmettre l'adresse d'un excellent site consacré à la série : <br /> http://sankukai.planete-amazone.com/<br /> Au fait, Dr Devo, je vous rappelle que c'est votre tour, moi, j'attends la suite !!!
Répondre
M
kelekun aurai l adresse dun sit eou lon peut regarder san ku kai<br />  
Répondre
L
Merci !<br /> Avis au docteur : le prochain épisode, c'est à votre tour !
Répondre
L
Excellent article
Répondre
L
Whaaaa !, c'est le mot !<br /> En fait, "les noix de Yobé" est le film MESSAGE FROM SPACE, de Kinji Fukasaku dont je parle au début de l'article - il est sorti en DVD sous le titre "SAN KU KAÏ, LES EVADES DE L'ESPACE", et a été décliné ensuite sous forme de série TV avec SAN KU KAÏ. Un grand moment (j'adore les robots-boule disco dans la boîte de nuit et la police de l'espace) plus proche du space-opera que du serial, avec un tout petit peu plus de sous quand même, quelques éléments développés dans la série (le vaisseau-bâteau, les héros pilotes...) mais sur un scénario encore très loin des aventures d'Ayato au pays des hommes-singes-mobalpa.
Répondre