D.O.A (DEAD ON ARRIVAL), de Rudolph Maté (USA-1950) : Dur comme une Rose

Publié le par Docteur Devo

(photo: "La Plus Grande Cinéphile du Monde" par Dr Devo)

Chers Amis,
 
Tiens, si on faisait un peu machine arrière et qu'on essayait de remonter le temps comme cela nous arrive trop peu souvent ? Alors, adieu années 2000, on survole nos chéries années 80 perdues à jamais, et on se retrouve après-guerre.
 
Je vous avais déjà parlé de la boîte à DVD "Nuits Américaines", qui regroupe 20 films américains, des années 50 principalement (voir l’article sur le film JE DOIS TUER). 20 DVD dont bien souvent le prix de vente est fortement à la baisse. J'ai acheté pour ma part le gros et encombrant coffret pour 19.90 euros, soit moins de deux euros le film. Même s'il n'y a pas que des chefs-d’œuvre (notamment des horreurs avec Shirley Temple, la Joselito ("l'enfant à la voix d'or") version américaine et fillette ! 100% garanti splendouillet à mort !), à ce prix là on prend ! Notamment parce qu'il y a le sublimissime DETOUR de Edgar G. Ulmer, qui est l’un des plus beaux films de la création ! [On signale un Welles aussi !]
 
On est donc aux USA, à l'époque (leitmotiv de ce blog) où ce n'était pas encore "chez nous", en 1950 précisément, avec ce célébrissime D.O.A (DEAD ON ARRIVAL) qui fit d'ailleurs l'objet de plusieurs remakes, dont un dans les années 80. Le Marquis, je crois, a vu cette version "récente", et il nous laissera sûrement un petit commentaire comme il en a le secret pour éclairer nos lanternes.
 
D.O.A, même si plus grand monde n'y fait référence de nos jours, est un film assez mythique. Et cela tient à son scénario plutôt gonflé et bougrement cinématographique. Le pauvre Edmond O'Brien (acteur que je ne connaissais pas) est, dès la séquence d'ouverture, bien mal parti, et à plus d'un titre. Dans cette séquence, en effet, il arrive dans un grand commissariat de San Francisco, et il annonce tout de suite la couleur : dans quelques minutes, il va mourir. Juste le temps de raconter son histoire. O'Brien était pourtant un mec tranquille. Il travaille dans la vente, je crois (ou alors c'est notaire, ou un truc comme ça), et il est à son compte. Les affaires vont bien, merci, mais il a besoin de prendre un peu le large. Sa secrétaire, qui est aussi sa copine, le presse au mariage et le soupçonne peut-être d'avoir des liaisons à droite et à gauche. O'Brien décide de prendre des vacances à l'improviste sur la côte ouest. Il prévient : quoi qu'il arrive, il n'est là pour personne. Arrivé à San Francisco, à peine débarque-t-il dans le grand hôtel où il descend qu'il ne cesse de mater les femmes splendides qu'il croise (avec un drôle et kitsch effet de sifflet sur la bande son à chaque fois qu'une jolie pépée s'approche ! Curieux et d'un mauvais goût assez certain, vu le contexte dramatique de l'histoire). Le soir venu, il se fait embarquer dans une bringue, invité à faire la tournée des boîtes avec des VRP qui viennent juste de terminer leur congrès. Cela l'amène dans une boîte de jazz sur les docks où il rencontre une mystérieuse et superbe femme qui lui laisse son numéro de téléphone et qui lui file un rencard plus tard dans la soirée. Il n'y ira pas, et se couchera sagement, charmé par l'attention splendouillette de sa copine, qui lui a fait envoyer des fleurs. Le lendemain, O'Brien se réveille seul et dans son lit, sage comme une image, avec la gueule de bois certainement, et un étrange mal de ventre qui l'amène à consulter. Les médecins sont formels. O'Brien a été empoisonné, et même bien : car, au mieux, il lui reste 48 heures à vivre ! Le temps de faire une enquête sans doute, mais laquelle ? O'Brien est un gars sans histoire. Rien ne lui est jamais arrivé. Il s'accroche alors à son seul "indice" : un homme a essayé de le joindre la veille à son bureau, arguant que c'était, justement, une question de vie ou de mort. Si O'Brien  a le nom de son mystérieux correspondant, il ne le connaît ni d'Eve ni d'Adam... C'est très mal parti !
 
Très original donc, et très beau sujet pour ce film où, en quelque sorte, le héros est déjà mort, ou tout au moins condamné. On comprend facilement que le principe ait séduit d'autres réalisateurs, et qu'ils aient voulu "remaker" la chose. Le sujet est quand même instantanément passionnant ou presque, d'autant plus que le héros n'en est quasiment pas un mais plutôt un type normal, avec des problèmes complètement triviaux (à savoir, la peur de s'engager avec sa copine). Ça commence par un très joli plan séquence ou presque, avec le héros de dos cherchant son chemin dans le commissariat où aura lieu le témoignage, et du coup, dans le film, qui est donc un flash-back. On reste un peu sur sa faim par la suite en ce qui concerne la mise en scène. C'est gentiment cadré, pas trop mal monté mais bien moins classieux que ce beau générique. On ne va pas non plus pleurer sa mère (en short devant UGC), la facture globale de cette mise en scène étant largement correcte, et jamais indigente. Que demande le peuple ? La photo suit, travaillée, avec même quelques beaux passages. Rien à dire sur le son, si ce n'est ce fameux coup de sifflet en off dès qu'une jolie bimbo passe près du héros, mais ça ne dure pas bien longtemps. Peut-être est-ce un indice du mélange des genres que va effectuer le film. Le héros ne sait pas où il va, et la mise en scène suggère fortement, non sans humour (cf. le premier échange de verre), que ça peut être tout le monde qui a fait le coup, même la copine du héros, furieuse de le voir partir sans elle en vacances impromptues, et donc douteuses. Mais le film tangue vite vers le Très Noir, et même vers le hard-boiled. Un mélange de tonalités ouvertement de guingois qui n'est pas sans charme, et surtout qui est très iconoclaste pour l'époque. Au fur et à mesure que l'enquête se déploie, le hard-boiled devient toujours plus hard (le héros tabassera une femme notamment), et la romance toujours plus fleur bleue (ce qui a pris un coup de splendouillette  vieillesse avec le temps, mais ça peut avoir son charme). Les acteurs jouent souvent avec le tractopelle (surtout Madame), ce qui est plutôt de bon aloi. Et surtout, plus l'enquête avance, plus elle est fichtrement complexe, voire obscure. Ce n'est pas le grand et magnifique boxon scénaristique du GRAND SOMMEIL, loin s'en faut, mais on s'en rapproche.
 
On peut signaler aussi un excellent méchant d'origine étrangère, très moderne, lui, ignoble jusqu'à l'abîme et sans doute homosexuel, accompagné d'un homme de main au cerveau rétréci mais bigrement méchant, dont le physique suggère qu'il est bien plus que l'homme de main de son patron (si j'ose dire !). Ces deux personnages là sont sans aucun doute très réussis, et valent presque à eux seuls le déplacement. Une touche "sociale" incroyablement moderne donc, et qui encore aujourd'hui fait mouche. On note aussi quelques beaux travellings dans les scènes d'action, là aussi d'une grande efficacité et d'une modernité certaine.
 
D.O.A. est un très bon divertissement, sans être le film du siècle, avec de très bonnes choses qui surnagent par endroits avec une jolie force. Bien. Rudolph Maté co-signa aussi la photo de LA DAME DE SHANGAI de Welles, et celle de TO BE OR NOT TO BE de Lubitsch, pour la petite histoire... Comme quoi, il y a des raisons de Maté Rudolph ! (Hahahaha !...)
 
Sympathiquement Vôtre,
Dr Devo.
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Publié dans Mon Général

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D
Tres bon site d'ailleurs! Bien vu Bertrand!<br /> Telechargement legal ET gratuit!<br /> <br /> Dr Devo.
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E
Merci Mamie Nova !
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B
A noter que vous pouvez télécharger ce film, et ce en toute légalité, sur cette page: http://www.archive.org/details/doa_1949<br /> <br /> Merci qui?
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D
J'ai malencontreusement oublié un "e" à cervô veuillez me pardonner, lâchez cette pierre! Eh, oh, vous là! Vous êtes une femme, vous savez bien que vous n'avez pas à assister à une lapidation, et arrêtez tous de dire Jehova! Aïeu!
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D
C'est bien Daniéla (J'ai deux cervaux énormes sous mon T-shirt)Lumbroso sur la tof' du milieu?<br /> Succulent.<br /> Je n'ai jamais entendu parler de ce film qui est sûrement très bien( mais peut-être affreux...)
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