INSULAIRE, un album de Sophie Alour: L'Orgueil des Bijoutiers S'Egare... (conférence en faveur de l'abolition de l'esclavage)

Publié le par Dr Devo


[Photo: " UNFILLED (Never Leaves a Gap)", photo de Dr Devo]

 

AVANT-PROPOS
Chers Amis, c'est avec joie que nous allons parler aujourd'hui de  musique, et encore mieux de jazz, et encore mieux de la saxophoniste tenor et compositrice Sophie Alour que nous aimons beaucoup ici à Matière Focale, et dont vous avez déjà remarqué, depuis de long mois, le liens vers son site dans la rubrique adéquate, en bas de la colonne de droite. Mais encore plus, saluons ici le premier article de Isaac Allendo, fidèle focalien, certes, mais aussi blogmeistre du superbe site
ALVEOLES SCANDALEUSES, et génial créateur du MOUVEMENT APOETIQUE ETHYLIQUE. Un poète pour une poète en somme. Savourez...

Dr Devo



La vie c’est comme un ascenseur social qui tourne en rond.
Oui ! Il me fallait une phrase promotionnelle pour inaugurer mon élévation, car me voici pigiste jazzistique chez Focale. Je rejoint ces messieurs de la chronique, blanchissons nos cols mais d’avance je préviens : pas de cravates avec moi ! Hors de question ! Je ne tomberais pas sous l’étau diffamatoire de la pendaison bienséante qu’on ruine au mariage de cousin Fifi. Nulle symbolique strangulatoire, encore moins de nœuds !

On peut commencer, prenez une bière ou un thé à la menthe, grattez vous les oreilles et hurlez « JE PRENDS A BOIRE ET JE ME GRATTE LES OREILLES ! »

Nous sommes en 79 après J.C., Sophie Alour livre à la folie des bacs son album « INSULAIRE ». Un an après, notre Docteur à tous me confie pour mission d’apoétiser sur les sons de la dame car figurez vous, j’adore le Jazz, plus qu’un genre, un mot qui ne veut rien dire du tout ! Ca tombe bien le Jazz c’est tout et le Jazz ce n’est rien.
Pour commencer, une petite remarque sur la difficulté de ma tâche, qui pose mon article comme un exploit formidable se gravant dans les annales de l’année.
Précisons déjà que je ne suis ni spécialiste, encore moins technicien ou musicien, simplement passionné.
Afin de préparer consciencieusement ma rédaction et après plusieurs écoutes de l’album, j’ai décidé de me balader sur la toile pour lire ce qu’on raconte sur la belle Sophie et son saxo brillant. Stupeur ou plutôt indubitable logique de la neuneucratie française et son totalitarisme mou dénoncé souvent ici et sur
mes propres pages ( Une pub ! Une !) : tous les articles consacrés à Sophie Alour sont parfaitement identiques. Que cela soit dans les parchemins hygiéniques à fort rendement style Libération et Télérama ou même dans les revues spécialisées et réputées comme Jazz Magazine, tout pareil !
Il ne s’agit même pas tant du style et de la forme anonyme de ces articles, c’est le lot de presque toute la presse, que du fond. Ces articles disent exactement la même chose :
- Sophie Alour est une femme…
- … Et c’est pas évident
- Sophie Alour est très belle (bravo à vos gènes Sophie, c’est très réussi)
- Sophie Alour joue bien du saxophone ténor
- Sophie Alour aime bien Joe Henderson
- Sophie Alour a un son rond
- Sophie Alour a de l’avenir
Seule petite originalité, dans je ne sais plus quel article, on remarquait qu’elle portait le ténor comme un bijou chic. Mais bon on s’en fout un peu et ça rentre dans la case : « Sophie Alour est très belle ».

Il m’appartient donc non seulement de me hisser au niveau fabuleux de la qualité focalienne, mais en plus de pondre un deuxième article français à Sophie Alour, si possible meilleur que le premier.
Merde alors ! Ca ne rigole pas !
Je profane ma tombe pour y saisir le murmure, ou plutôt j’habite ailleurs pour ne pas me perdre.

La première chose qui frappe quand on écoute l’album, c’est que l’ambiance semble très travaillée. Plus que dans une musique ou un son, on rentre dans une atmosphère. Attention, je ne dis pas musique d’ambiance, comme dans les aéroports et les ascenseurs ! Il s’agit bien d’une configuration émotionnelle !
De prime abord elle est chargée de sensualité, voluptueuse et classieuse. On visite un hôtel quatre étoiles, accueilli avec petits fours et champagne. Tout cela paraît, ma foi, très bijoutier comme le saxo autour du cou !
Mais ça va plus loin qu’une musique luxueuse, on perçoit indubitablement une dimension introspective, très bouleversante,  que je suis absolument incapable de décrire, même en métaphore. D’autant plus que ce n’est pas explicite, pas de déchirure, encore moins de rupture et de lyrisme, un songe éventuellement pour me poser en psy de comptoir.

Elle flotte Sophie ! Et elle a un son !
Mais ne comptez pas sur moi pour dire qu’il est rond, au contraire, il est triangulaire ! Sophie Alour élabore un discours pythagoricien, point. D’ailleurs je suppose même un rapport triangulaire dans les relations entre musiciens, mais je ne peux vérifier cela qu’en concert.

S’ajoute une légèreté qui ne se dérobe jamais et trouve une osmose dans le même registre avec la guitare de Hugo Lippi qui est très bien, tout en triangle lui aussi. J’en profite pour passer en revue les troupes : Guillaume Naud au piano, David Grebil  la batterie et Sylvain Romano à la contrebasse. Rien à redire, ils font le métier et savent agréablement densifier leur jeu, ou apporter un contrepoint. Compact et propre.
Viennent s’ajouter quelques personnalités liées au parcours de la dame, genre malins (on t’as reconnu  Stéphane Belmondo) qui pourront dire dans 15 ans si elle devient célèbre : on y était.
Légèreté n’est pas subtilité à tout va ou complexité : en témoignent les performances sur les solos qui apparaissent comme évidentes, logiques, même simples, dans le bon sens du terme.

C’est maintenant l’heure où l’auteur balance une référence célèbre pour saluer les efforts de la jeune pousse, si possible de manière condescendante. Comme déjà évoqué, la pensée unique a choisi la solution de facilité avec Joe Henderson, le père spirituel, qui a droit à une jolie reprise sur l’album. Moi j’ai décidé de l’honorer d’un Wayne Shorter.

Par contre je n’y ajouterai pas de pseudo-féminisme racoleur, qui ne touche même plus les vieux cons du fond de la salle et surtout tend au même mépris vis-à-vis de l’artiste et son œuvre que celui du machiste. Surtout quand on l’accroche à un poteau en guise d’étendard pour remuer sous le vent. Je soupçonne d’ailleurs beaucoup de scribouillards de donner leurs bonbons (malheureusement vitaux pour survivre), parce que Sophie Alour est une femme qui perce dans un monde à dominante masculine, pas par intérêt pour ses créations. Les délices de la nausée !

De notre côté, en tout cas, nous saluons Sophie en espérant bien qu’elle continue à s’épanouir, il y a encore une marge de progression, une évidente promesse (au moins je trouve un synonyme à avenir). Il y a quand même des choses à améliorer de mon strict point de vue. Tout d’abord le plus difficile et futile : le titre de l’album ! Même sans savoir de quoi il en retournait, j’aurais sans problème deviné qu’il s’agissait d’un album de Jazz.

Ensuite, il y a quand même un truc qui fondamentalement me gène, en rapport au luxe de tout à l’heure : l’ensemble est vraiment trop propre ! Ca manque de bordel, mettez donc un peu de poussière dans les coins, ça n’en sera que meilleur.
Dans le même sens, on a l’impression que la musique est très écrite, et si ça souligne des qualités de composition et d’arrangement, il y a une perte de spontanéité un peu gênante. Je pense que cela disparaît sur scène.

Mais ne pinaillons pas sur des détails et concluons.
On vous laisse un morceau à découvrir sur le radioblog (dans la colonne de droite) et le site officiel toujours dans les liens pour un aperçu.

Votez Alour, sauvez un journaliste.
Le Jazz jazzera !

Isaac Allendo.

 

 

Pour explorer le site officiel de Sophie Alour: cliquez ici!


[photo de la pochette de l'album INSULAIRE de Sophie Alour publié sur le label NOCTURNE et qu'on trouve partout. Dr Devo]

Publié dans Musika Degenerata

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I
Une caresse oui et non !Enfin si ! Oui.Car le jazz sait aussi aller dans le sens inverse des poils pour nous bousculer dans notre confort, surprendre, explorer et nous faire apprécier d'autant plus les émotions qu'il dégage.Comme le cinéma en fait.Proctoman si vous voulez quelques échanges cordiaux de bons conseils et autres amabilités sur le Jazz envoyez moi un mail.
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P
Nonobstant un physique ma foi fort agréable (ben oui elle est belle quoi...) il est incontestable de par les deux trois morceaux que j'ai pu écouter (notamment sur "myspace"...) qu'il y a a du talent derrière...Moi qui découvre petit à petit le jazz (via notamment H. Texier, J. Loreau...) j'en viens à cette remarque : Le jazz est une caresse... un effleurement, et c'est vachement beau. Achetons l'album de Mademoiselle Alour pour sauver nos oreilles de la bouse star ac' et consorts...
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D
C'est du Shakespeare quand même!<br /> <br /> Dr Devo.
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R
Très belle critique !Ca pue le talent, tout ça...
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D
Isaac,<br /> J'ai modifié selon vos voeux...dans votre précédent commentaire vous faîtes souffler un grand vent d'érotisme, avec cet allusion au dentifrice, dont Shakespeare disait (et ce n'est pas Epidémia qui dira le contraire, dans sa pièce inédite puis perdue puis retroouvée A NIGHT OF SATIN HIGH (très difficilement traduisible sans trahir l'esprit tuyeau-de-poêle et la magnifique apoésie), dentifrice dont Shakespeare disait, disais-je: "The unuterrable Polite when for Handsomes and Kings".<br /> De rien.<br /> <br /> Dr Devo
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