AU SERVICE DE SATAN, de Jeff Lieberman (USA, 2004) & SPIRIT OF THE NIGHT de Mark S. Manos (USA/Roumanie, 1995) : les petites mains du diable caressent la lycanthrope assouvie.

Publié le par Dr Devo

[Photo : "Spartacus 1 : Awake as a Slave" par le Dr Devo]
Chères Focaliennes, Chers Focaliens,
 
On fête Halloween toute l'année chez le Marquis, c'est ça qui est bien. Certes, on l'a déjà répété cinquante fois ici, sa "dévédéthèque nationale" est la plus fournie d'Europe, et même la plus éclectique (faites-moi penser à vous parler du film porno pour enfants avec le Père Noël), mais quand même, on note avec délice un très net penchant non seulement pour le film d'exploitation, mais surtout pour le film fantastique ou d'horreur.
 
Un peu épuisé par le pseudo-téléfilm SPIRIT OF THE NIGHT de Mark Manos (USA, 1995), nous avons décidé de changer le fusil d'épaule et surtout de considérer le film comme un moment festif et inventif, histoire, comme disait le poète, de "faire la java et boire du champagne". Un petit mot sur SPIRIT OF THE NIGHT quand même, histoire de ne pas avoir vu le film totalement pour rien. La jaquette du DVD, que vous trouverez chez Auchan un de ces quatre pour 1,99€ neuf, promet un film fantastique de série, et en quelque sorte, le contrat n'est pas rempli. La chose commence par une scène érotico-soft (très soft, tout en évocation et en regards ténébreux !) de fantasme branché, enfin… dans les années 80. L'héroïne est malheureusement dans un train et rêvasse à son voisin d'en face qui lit le journal ! Elle est en fait en Roumanie, où elle vient enterrer son père, à moins que ce ne soit le Pays de Galles. De l'arnaque immobilière, un village peu accueillant, des scènes érotiques peu nombreuses et surtout à peine dignes d'entrer dans la charte qualité de feu les films M6 du dimanche soir (observez le mâle retors dans la scène de trio, observez-le en train de planifier secrètement son repas du lendemain !). Et puis, quand même, il y a du fantastique dont on ne sait s'il est mal fichu en premier lieu, ou juste feignasse ou de guingois, faute à un budget modeste. En tout cas, même si après 90 minutes, on ne peut pas le dire avec exactitude, il semble, mais ni moi ni le Marquis ne pouvions le certifier à 100%, ce qui est quand même un comble, il semble, dis-je, que l'héroïne (Jenna Bodnar, mais ça intéresse qui ?) soit non pas mordue mais contaminée par la lycanthropie ! Elle croise une femme nue qui se fait poursuivre mollement par des figurants villageois un soir où ce n'est peut-être même pas la pleine lune ! Une lumière infographique sort de la jeune traquée, se ballade dans le plan et atterrit sur la pauvre Jenna. Par la suite, elle a un comportement de "bête" : sens exacerbés, envie de boire du champagne avec le Ministre de la Culture et frénésie d'exhibition dans le pure style Hollywood Night de TF1. C'est-à-dire qu'elle ne se transformera jamais en bête, ne hurlera jamais à la lune, etc. On sait juste qu'elle est victime de la malédiction qui a déjà tué sa mère (oh, mon dieu...). Pour tous ceux qui trouveraient génial un film de vampire dont le concept novateur serait que les affreuses créatures puissent sortir le jour, n'aient plus peur des croix et des pieux en bois, boivent de l'eau bénite au petit-déjeuner, ou n'aient plus de canines proéminentes, et qui d'ailleurs ne se nourriraient plus de sang (j'entends d'ici NADJALOVER dire : "Ben oui, UNDERWORLD II, quoi !"), ce SPIRIT OF THE NIGHT, film de lycanthrope sans loup et sans Garou (je sais, je sais...), est fait pour vous, surtout si vous kiffez à mort les playmates du samedi soir qui se trémoussent en plissant les yeux et en mettant la bouche en cul de poule, sans jamais quitter leur robe de chambre... Sinon, on s'ennuie assez ferme, malgré la splendouilleterie des situations et le casting assez tartignole de l'ensemble. Évidemment, de mise en scène, il n'y a point. On pense quelquefois vaguement à une adaptation de la collection "Frisson d'angoisse érotique" de la collection Harlequin, qui d'ailleurs, et là aussi le Marquis et moi-même avons testé, produit de bien meilleurs téléfilms (si on a envie de se marrer à peu de frais) adaptés de leur roman. C'est génial, ceci dit, qu'il y ait dans le monde des producteurs qui fassent des films dont on sait pertinemment qu'ils ne vont que décevoir tout le monde : l'amateur de fantastique, l'érotomane, l'amateur de documentaire sur la Roumanie ou le pays de Galles... Tiens, j'ai déjà oublié de quoi on parle en fait ! [La seule originalité du film : l'héroïne est vaguement rousse !]
 
On change de tactique, et on passe direc', comme disait le poète, à du bon vieux fantastique poilu des familles grâce à ce AU SERVICE DE SATAN, dont la conjonction de l'ignoble jaquette (internationale respectée) et du titre pas honteux mais pas très sexy rebutera la totalité de ses acheteurs potentiels. J'ai proposé un autre titre plus littéral, tout aussi peu vendeur, mais plus ironique, "Les petites mains du Diable", plus fidèle au SATAN'S LITTLE HELPER, dénomination originale de ce film de Jeff Lieberman, réalisateur américain malin comme un singe qui avait une petite réputation dans les années 70 et 80, un peu mis au garage depuis. On lui doit aussi un paraît-il très bon, malgré son titre, LA NUIT DES VERTS GÉANTS (popom pom...), et le classique des vidéoclubs des années 80 LE RAYON BLEU (BLUE SUNSHINE, film à la célébrissime affiche). [Je le signale avant d’oublier : j'ai découvert en faisant cet article que Lieberman est en train de préparer une série qui s'appellerait ‘TIL DEATH DO US APART et qui raconterait à chaque épisode le récit de meurtre d'un époux par un autre, chouette concept que Larry Cohen n'aurait pas renié ! Si quelqu'un a vu ça, qu'il nous laisse un petit commentaire... John Waters jouerait dans le pilote apparemment !]
 
C'est Halloween (on ne l'avait pas fait exprès, c'est ce qu'on appelle le talent) ce soir. Nous sommes sur une petite île aux États-Unis qui rappelle un peu le charme sympathique des îles anglo-normandes. Amanda Plummer (qu'on perd un peu trop de vue, je trouve) est l'heureuse maman, un peu excentrique quand même, du petit Alexander Brickel (déjà vu dans PALINDROMES de Solondz), un petit garçon de onze ans. Ce dernier voue une passion sans borne pour sa grande sœur Katheryn Winnick, étudiante en art dramatique qui ne louperait pour rien au monde un soir de Halloween avec son petit frère. Et la voilà qui débarque par le ferry. Au grand dam du petit Alexandre, qui voit son monde s'écrouler quand sa sœur présente à la famille son petit copain Stephen Graham, qu'elle a ramené pour le faire connaître. Alexander se fâche (il voulait se marier avec sa sœur !). Il est d'autant plus déçu que pour Halloween, il s'est habillé en Petit Serviteur de Satan, le héros du jeu vidéo qui porte le même nom et auquel il ne cesse de jouer sur sa gameboy (euh pardon, sa DS !). Fâché, le gamin décide d'arpenter les rues de la ville tout seul. Il rencontre alors un gars déguisé en Satan. Naïvement, il lui offre ses services de petit assistant du Diable ! Le Satan accepte, sans rien dire. Et c'est bien là qu'est le problème : car sous le masque de Satan se cache un vrai serial-killer ! Et Alexandre, qui ignore tout de la véritable identité du héros de son jeu vidéo préféré, va effectivement devenir l'assistant le plus zélé que le tueur n'ait jamais eu. En quelque sorte, les espérances d'Alexandre risquent d'être plus que comblées ! Le sang va couler...
 
 
Hé-hé, voilà qui promet, se dit-on immédiatement. Ce scénario pourrait être l’œuvre folle et débridée de Larry Cohen, le célèbre scénariste-réalisateur, toujours au top lorsqu’il s’agit de dégotter des bases d’histoire absolument hallucinantes, simples et irrésistibles. Ici donc, il y a un peu de ça.
On est dans un premier surpris par le décor, cette île assez verte qui rappelle quasiment l’Europe, cette petite bourgade soignée et bourgeoise qui rappelle autant le village qu’une petite ville. Un décor naturel et modeste, se dit-on, oui, mais assez atypique pour créer son petit effet. Deuxième facteur de découverte dans le film : l’humour ou la satire. La satire sera finalement presque une fausse piste. Reste l’humour tout court. Quand Solondz a engagé Alexander Brickel, il a eu le nez creux, une fois de plus, mais il a sûrement vu ce film. Le jeune acteur y va vraiment à fond, assure complètement et ce en évitant l’écueil, justement, de faire son malin et de paraître plus mature que son âge, ou de paraître tout simplement plus âgé que son rôle. Il y a une vraie débrouillardise et un vrai plaisir d’acteur et de construction de jeu chez lui, mais toujours soumis à l’exigence d’un rôle bien plus proche du monde enfantin que de celui des adultes. Vu l’histoire, qui joue, ou du moins commence en jouant sur la confusion entre réalité symbolique et événements réels, si j’ose, cette nuance apportée par le petit acteur (de la précision, du sérieux et aussi du second degré, en restant un enfant) est vitale. Une fois construite, elle est le moteur du film. C’’était une prise de risque, mais aussi un très beau calcul sensible. À ses côtés, Amanda Plummer, actrice chouchou de jadis, un peu égarée soit dans les rôles de barges, soit dans les films improbables (l’ineffable SEPT JOURS À VIVRE, film allemand « chez nous en Amérique » complètement cruche et grand classique de bacs à solde ! [à éviter soigneusement, pour ce que j’en dis ! NdC]). Oui, on a compris que les réalisateurs la trouvaient loufoque, ce qui est assez vrai, mais la nuance lui colle désormais à la peau et fait qu’on oublie souvent la bonne comédienne, sobre en plus, qu’elle a été. La faute au succès planétaire et culte de sa prestation aux côtés de Tim Roth dans PULP FICTION (le hold-up dans un restaurant), grand moment foufou. Bref. Bon, ici, en une scène et quatre dialogues (qui tournent autour de la notion d’inceste chez le frère et la sœur ! La classe), on comprend pourquoi on a engagé Amanda : cette maman est complètement loufoque ! Ceci dit, au fur et à mesure que le film avance, on comprend que c’est un choix plus que judicieux : il est stratégique ! Effectivement, Plummer fait le parcours inverse du film. Au début, elle apporte de la loufoquerie à un sujet bizarre mais terre à terre et assez sérieux. La routine. Et au fur et à mesure, le film gagne justement en loufoquerie fantastique (presque), quand le personnage d’Amanda, lui, devient de plus en plus sérieux, voire pathétique. C’est alors son personnage qui sert de repère pour jauger l’ambiance globale du film. Cette espèce de swing entre deux ambiances a priori antinomiques est très efficace, et multiplie les nuances drôles et / ou loufoques, en même temps qu’il démultiplie comme un pédalier le niveau de suspense, voire d’horreur, imposé par le sujet. À travers ces deux comédiens, le pari est déjà quasiment gagné. Le film est atypique et bien construit dans ses nuances, se dit-on. C’est vrai, mais ce n’est pas tout.
 
Car AU SERVICE DE SATAN est une petite machine de guerre ! Le sujet peut paraître gentiment loufoque à la lecture. A l’écran par contre, c’est du grand huit ! C’est du grand braquet. Sur un principe simple, avec un décorum et un contexte lui aussi simple mais un peu atypique, Lieberman a délimité un jardin petit mais bougrement personnel. Le petit héros du film mélange ses propres sentiments. Bien que parfaitement intelligent, il « suspend » sa raison à un fil, fragile en plus, par lequel il peut alors confondre son sentiment (sa sœur a un copain, c’est la fin de la complicité), et son analyse du monde. Il est en colère, et par le truchement d’un déguisement dont il suspend la portée symbolique pour le prendre au premier degré, il va pouvoir exprimer sa colère dans les rues, et de manière sanglante, à l’occasion d’Halloween. Le coup de génie est d’introduire un VRAI serial-killer dans le jeu ! C’est complètement exagéré, quasiment gratuit, mais ça fonctionne du tonnerre. L’autre trait malin du film est de mettre de fait le spectateur dans une situation de suspense inconfortable. Car nous sommes les seuls à replacer le second degré à bon escient, et surtout à pouvoir anticiper les dangers à venir, aussi bien pour les individus que pour la Société dans son entier. Et c’est là que Lieberman frise le génial : il fait en sorte, sans que cela ne devienne complètement ostensible ou prévisible, que, dans un troisième temps, toutes les craintes les plus basiques et les plus « hénaumes » du spectateur à propos de la catastrophe sociale possible qui pourrait arriver, non seulement se réalisent, mais décuplent en force des jeux de conséquences en dominos qu’on n’avait même pas envisagés et qui rendent la situation bien pire encore que nos pires craintes, donc ! La chute est plus dangereuse que prévu, et beaucoup plus longue. On rit donc énormément, mais en criant ! Et le film nous emmènera dans les abysses de l’horreur. Et bien entendu, c’est une horreur complètement sociale aussi. [On remarque que dans certaines exactions collectives, on pourrait dire que AU SERVICE DE SATAN ressemble presque à un film de zombies.]
Vous voilà prévenus. C’est de l’abyssal... dans une comédie fantastique tout à fait « banale » si on peut dire. Et c’est le Marquis qui a mis le doigt dessus. Avant de procéder à l’énonciation de la précieuse remarque, on me permettra de prévenir le public adoré que ceci est une remarque d’ordre général, et qu’il y a suffisamment de personnalité dans ce film pour que la référence soit vue comme un cousinage d’un point de vue généalogique, et non comme un rapport père-fils.
Lâchons le morceau : dans son obstination à prendre une idée de base originale mais aux principes simples et excitants, dans sa volonté de la mettre en application avec tout le zèle possible, dans toutes les perspectives possibles et imaginables, en faisant de son film un laboratoire du thème et de ses variations, Lieberman se pose un peu dans le sillage de Joe Dante, référence dont, si on peut dire, ni l’un ni l’autre n’ont à rougir. C’est quelque chose que j’ai partiellement exprimé quelques lignes plus haut. On a nettement l’impression que la chute n’en finit plus, que chaque conséquence nous paraît fatale, ultime, et qu’il n’en est rien. Le fond de la piscine recule sans cesse, nous enfonçant sous toujours plus de pression certes, mais aussi de frissons et de drôleries.
 
On en arrive à des extrémités horrifiques et comiques bougrement étonnantes. Il serait facile de donner quelques exemples... Je préfère tout de même que vous me croyiez sur parole (la vision du film n’en sera que plus drôle). On peut quand même dire que le film devient tellement frappadingue qu’on a la nette impression, dans des séquences entières, que Lieberman n’a qu’une seule envie : virer les acteurs de son film et les remplacer par des figurants costumés ! L’effet est pervers et très efficace. [Il rappelle d’ailleurs une sublime séquence de la série des PANTHÈRE ROSE de Blake Edwards.] Le vertige est immense. L’humour est à son potentiel le plus noir, et le film se transforme en petit alchimiste à la précision infernale, où un gag simple peut être placé avec une finesse infinie dans une séquence comique et horrifique construite avec la précision la plus extrême, afin que, dans cet écrin, ce petit gag-là, justement, explose dans une déflagration fatale et atomique qui sera absolument renversante. [Exemple : quand Amanda Plummer se prend la rampe d’escalier dans la séquence au manoir.]
D’un autre côté, le réalisateur dépasse complètement son sujet, ou plutôt lui fait subir les mêmes traitements qu’à son film lui-même. Il s’agit ici de jouer sur la mise à plat du premier et du second degré, du récit des événements bruts et de leur portée. Une fois que cela est fait, la Société est au bord du chaos, c’est bien logique. C’est dans le seul regard du spectateur, témoin gêné de cette comédie horrifique de quiproquos, qu’apparaît la vérité seule, nous aussi nous sommes prisonniers de notre rôle. On compte les points en ne pouvant rien faire d’autre que de constater les dégâts, une position bien dévolutionniste comme on les aime ! Liberman, lui, n’enfonce même pas le clou, il aplatit les perspectives et les vide. On sent venir la critique de la Société Politiquement Correcte (celle qui dénonce les jeux vidéos), mais il n’en est rien. La famille héroïne de ce film est composée de gens complètement normaux et libéraux, sympathiques même, ni plus malins ni plus bêtes que les autres. Des familles plus stupides ou plus méchantes auraient bien mieux mérité leur place dans le film, à la limite. Mais il n’en est rien. Même si ces sujets du politiquement correct et autres sont évidemment abordés, Lieberman les dépasse et amène les enjeux horribles de son film drôle (et réciproquement) sur un terrain plus profondément enfoui en nous, dans notre Individu. La violence rejaillit donc, en même temps que la peur, de manière très forte, et on s’investit drôlement dans ce qui n’aurait dû être qu’un petit film sympatoche. Lieberman sait jouer avec les choses fondatrices sur lesquelles il n’est pas évident de mettre le doigt. Il appuie là où ça fait mal, là où ça chatouille, avec une belle précision. Son film, loin d’être la critique d’une époque, met le doigt, disais-je, sur des paradoxes bien plus universels et basiques, et pose la question de la civilisation, de la Société dans ses fondements propres. Ça fait mal, et encore plus, ça très peur ! Ainsi, le film ne s’inscrit jamais dans un mouvement parabolique ou politique, et sait se garder de toute portée sociétale pour rester au cœur de l’humain et dépasser les enjeux de base (la critique de la société contemporaine, justement) qui, ceci dit, auraient déjà, avec un réalisateur normal (même doué !) nettement suffi à faire un film ! Lieberman, mine de rien, tente et réussit un film bien plus ambitieux et bien plus drôle. [Très belle image du Masque final, qui apparaîtra presque comme une maladresse à des yeux pas assez attentifs. C’est un belle idée qui est reliée aux plans précédents, privilégiant la caméra subjective et nous mettant de fait, nous, spectateurs, dans une position plus qu’inconfortable !]
 
[Je remarque les constantes allusions sexuelles dans les deux tiers du film, allusions qui suggèrent que la famille est déjà atomisée quand elle se libéralise. Les frontières générationnelles sont floues, une espèce d’inceste en mode mineur plane sans réellement se développer (quoique...), en restant à l’état de fantasme sous-jacent. C’est dans ces nouveaux rapports et dans les ancestraux combats oedipiens, dans la confusion des deux, leur mise à plat sur le même niveau (et donc dans la destruction symbolique qui les accompagne) que le Massacre et le Sang des Innocents peut couler en tout réalisme, et en toute violence. AU SERVICE DE SATAN est peut-être le premier film que je vois qui parle de manière tout à fait banale et normale, sans la caricature télévisuelle qui a lancé le mythe, du syndrome dit de la « Maman du Petit Juju ». Ici, les mamans et papas (quoique, pour les papas...) ne sont pas les monstres d’hystérie des papas et mamans de Koh-Lanta. Ce sont des gens normaux. Mais le film fait peut-être l’analyse de la place du syndrome dans notre société riche ! C’est bien entendu complètement effrayant, très abstrait et assez drôle ça et là !]
 
La mise en scène n’a quant à elle rien d’infamant, même si elle cherche d’abord l’efficacité. Le cadre est sympa, sans plus. La lumière est soignée. Tout ce qui touche à la direction artistique est vraiment impeccable avec de moyens modestes. Lieberman apporte là aussi son intelligence. Le scénario élargit son film dans une ambiance apocalyptique entre ZOMBIE et le fabuleux film oublié des années 80, MIRACLE MILE (APPEL D’URGENCE en français !). Mais il sait que les moyens sont modestes. Il joue alors sur deux facteurs. D’une part, il va laisser avec une malice sublimissime la situation de la ville dans le hors-champs, le plus souvent possible, n’appuyant sur ce sujet que par petites touches, pour l’aborder de manière plus symbolique (dans une séquence où justement le symbolique est écrasé, et où la violence, de fait, se déchaîne avec le plus de force) dans la scène du bal masqué. C’est sans doute un choix économique, mais même s’il avait eu les moyens, le réalisateur aurait eu tout à fait raison de faire le même choix de la synecdoque. Très belle idée. Une autre idée est également très belle et agit de manière concrète mais inconsciente sur le spectateur, et là encore, c’est le Marquis qui a mis le doigt dessus. La géographie de la ville grandit au fur et à mesure ! Petit village au début, la ville semble très étendue au fur et à mesure, comme s’il y avait mutation de son plan à mesure que la peur grandissait. C’est quelque chose d’assez beau, une sorte de géographie intérieure assez remarquable, et un joli conseil pratique pour les réalisateurs peu fortunés !
Le montage, quant à lui, est rythmé et efficace. C’est sans doute dans les lumières de jour que le film est le plus créatif sur le plan esthétique. On remarque également un très, très beau son qui privilégie les petits moments très fugitifs de silence et de son-ON, qui permettent au film de ne jamais sombrer totalement dans le fantastique ou dans le parodique.
 
Bien loin des recettes aseptisées, Lieberman signe avec ce film quelque chose de complètement remarquable et original, qui pousse le cinéma populaire dans ses extrêmes, l’oblige à devenir un bain de jouvence, une source d’inédit et de surprise. La charge poétique, voire abstraite, fonctionne également à fond. Encore une fois, alors qu’il faudra se promettre de découvrir la chose en DVD, la vraie question de cinéma fantastique et / ou d’horreur demeure : pourquoi un film aussi abouti n’est-il pas sorti en salles ?! Ça faisait longtemps que je n’avais pas dit le mot : c’est un scandale.
 
Plutôt que d’acheter des bonbons pour les enfants de votre quartier, investissez cet argent dans l’achat du DVD de AU SERVICE DE SATAN, et regardez-le avec vos proches. Ce sera un moment délicieux.
 
[On remarquera que cet article remplit le beau défi de ne dévoiler aucun gag du film, et qu’il a essayé de donner envie sans rien en dévoiler ! Je n’en suis pas peu fier.]
 
Malicieusement Vôtre,
 
Dr Devo.
 
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[Photo : "Spartacus 2 : Die as a slave, you idiot !", par le Dr Devo]

Publié dans Corpus Analogia

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L
Oui, c'est bourré de plein de bonnes idées ce Satan's little helper, drole et insolent. <br />  <br /> Quant à Spirit of the Night, je l'avais vu il y a des années, une production Charles Band, ce vieux routier du Z, si mes souvenirs sont bons. Je préfére Embrace of the vampire d'Anne Goursaud dans le genre téléfilm teen-érotico-horrifique, c'était plus drole !<br />  <br /> Sinon, c'est quoi ce "film porno pour enfants avec le Père Noël" ???
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