FLESH FOR THE BEAST, de Terry West (USA-2003) : Choop-Choop Music et Horreur pas Cher...

Publié le par Dr Devo

(Photo : "Un instant de flottement dans ma carrière..." par Dr Devo)

 

Oui, oui, ben à peu près tout, si l’on excepte SCARFACE, qui est quand même très indigent, avec cette fin qui n'est même pas montée, un simple bout à bout, et les acteurs complètement absents mais persuadés d'être des stradivarius... MISSION TO MARS, complètement débilosse... LES INCORRUPTIBLES... Mais le reste, je prends, et si je devais n’en garder que trois ou quatre, ça serait dur... Sans doute FEMME FATALE, SISTERS, L'ESPRIT DE CAÏN, et enfin... On est à l'antenne là ? Je...
Chers Focaliens, Chères Focaliennes,
Bonjour à vous. Vacances, j'oublie tout ? Même les frontières du bon goût ? Non, bien sûr, le focalien ne s'est pas extrait avec difficulté de la chaîne cromagnonesque pour faire n'importe quoi et ne pas exiger l'exigence. La vie est en effet bien trop courte. Il faut faire vite. Nous revoilà dans l'antre immense et magique du Marquis. Il y aura bientôt un étage complet de la maison consacré aux DVD. Il y en a partout. Marquis a présélectionné pour moi une quarantaine de galettes, très orientées, dans l'ensemble, cinéma fantastique ou B (une proportion affolante de films avec Lorenzo Lamas notamment... Ça surprend !). Je fais semblant de respecter ce pré-choix, mais il est bien évident que j'irai chercher dans les rayonnages les films que le Marquis me cache, trop pressé de me faire découvrir ceci ou cela...
Les premiers films de ces visionnages marquisiens sont en général très improbables (ah, le BLACK NINJA dont je vous parlais il y a quelques mois, avec cet acteur qu'on retrouve aujourd'hui dans LA MÉMOIRE DE NOS PÈRES, le nouveau Eastwood, mais qui, lorsqu'il faisait de la série Z, arrivait complètement drogué jusqu'aux yeux devant la caméra. Eastwood aurait-il vu BLACK NINJA ?). Je commence par ce FLESH FOR THE BEAST de Terry West, dont je découvre ce matin même, au lendemain du visionnage donc, que le réalisateur est quelqu'un de très underground mais de connu des amateurs d'horreurs. Le garçon étant aussi écrivain, créateur de BD, etc. Il est même le metteur en scène de SATAN'S SCHOOL FOR LUST, film avec Misty Mundae, la grande folle dans le rôle principal, actrice dont on vous avait parlé à l'occasion du SICK GIRL de Lucky McKee, épisode de la série MASTERS OF HORROR. Mais revenons à nos moutons. Terry West est aussi acteur ! Voilà qui nous fait une belle jambe, et qui ravira les encyclopédistes ou notre ami Google. Approchons-nous.
Ce film sponsorisé par Mad Movies (LE magazine de la politique des auteurs), commence très vite, après une bien gore et étrange introduction. Vous vous souvenez de GHOSTBUSTERS ? Bon, ben ici, c'est un peu pareil. Nos héros ont créé une agence spécialisée dans le paranormal. Mouais. Évidemment, la PME est au bord du dépôt de bilan. Heureusement, in extremis, ils se font engager par un mystérieux châtelain rappelant très vaguement un Malcom McDowell mûr, quoique... Ce dernier tient à faire analyser ou exorciser son manoir. Et il paie très cher. Il double même la mise d'entrée de jeu... Nos héros ne peuvent refuser. Il faut commencer fissa l'exploration de la maison. On branche les talkies-walkies et zouh ! on explore. Une fois que tout le monde est bien séparé, les ennuis commencent... Je ne sais pas ce que c'est, mais une chose  est claire : il s'est passé un truc pas clair dans le coin dans un passé lointain. Nos héros, un par un, vont affronter les démons de la maison...
PAR OÙ T'ES ENTRÉ, ON T'A PAS VU SORTIR DE LA MAISON DE L'HORREUR était le titre parfait pour ce long-métrage, qui fait partie de ce que les utilisateurs de IMDB appellent l'industrie des films à micro-budget. Mouais. Ils n'ont sans doute jamais vu I SPIT ON YOUR CORPSE, I PISS ON YOUR GRAVE, déjà évoqué dans ces pages et bien plus douloureux. En tout cas, ce n'est pas de la grosse machine. C’est de l'artisanal "soigné", pourrait-on dire. Tournage vidéo mais grand soin d’éclairage et même d’étalonnage en post-production (un peu trop d'ailleurs, à l'image de cette scène de dévoration à la lueur de la lune, où un bon coup de logiciel After Effects permet de faire ressortir un sang plus vermillon et  plus ripoliné que nature !). Budget modeste mais pas ruiné, volonté de proposer un produit de qualité surtout pas Z. Voilà pour les espoirs sur le papier.

Le film démarre plutôt vite après une intro assez épileptique et frimeuse qui fait craindre le pire. On est prévenu, ça va être du gothique et du gore saupoudré de hard-rock musculeux à travers la présence en vedette américaine du groupe BUCKETHEAD (voire photo de cet article) qui avait déjà participé à la B.O. de GHOSTS OF MARS, et qui, je suppose si j'en juge par la manière dont la musique est utilisée dans le film, bénéficie d'une grosse réputation dans le milieu des chanteuses, euh pardon, chanteurs à cheveux longs et à voix caverneuses. Riffs de guitares gras et secs, rythme martelé avec des tractopelles de basses surcoupées, on est accueilli à bras ouverts par nos amis goths. Terry West ne perd pas de temps, le film avance vite. Le principe est simple. Chaque membre de l'équipe va se retrouver en face de, non pas ses propres démons, mais de démones sexy et peu farouches qui vont les pousser dans la Grande Tentation, qui sera sans doute leur dernière. Aux confins du cauchemar et de la malédiction, on a du mal à faire le tri. Heureusement, tout le monde, sérieux comme un pape (à part le personnage du mec voleur, plutôt dans la veine Matthew Lillard – plus soft quand même !), joue son rôle avec une dévotion qui aurait été tout à fait remarquable s'ils n'avaient été aussi maladroits ! Non pas qu'ils soient archi-nuls. Ils ne sont juste absolument pas dedans. Notamment le délicieux chef de l'équipe, black au nez égyptien, qui se lance ici dans un grand numéro de splendouille que les autres auront du mal à égaler, malgré de très louables efforts. De leur côté, nos amies les démones y vont à fond et répondent au "mais qui êtes-vous" avec des petits sourires chafouins et entendus de rigueur. Les petites sexy bitches sont accueillantes et bien trop peu farouches pour être honnêtes, et les héros vont se faire avoir un par un.
Bon. Ben, c'est sympa tout ça, mais quand même... On note d'abord que le film se construit sur un principe répétitif assumé qui permet deux choses : laisser libre court à la mise en scène (au moins sur le papier, sur fond d'incessantes variations) et dévoiler petit à petit, en mêlant réalité et fantasme, ou passé et présent, ce qui s'est vraiment passé dans cette maison.
Premier écueil, les situations de tentation horrifico-charnelles sont bien trop répétitives, et jouent là aussi avec variations sur exactement le même thème tout le temps. La démone se déshabille, montre ses charmes, joue l'ingénue ou la fille jeune et peu farouche, déjà offerte, gagnée d'avance, et là, le héros de service fait semblant d'hésiter et s'apprête à consommer. La demoiselle finit par le tuer dans une mise en scène sadique. On est prévenu.
La mise en scène n'y va non plus par quatre chemins ; on essaie de faire des choses stylées, pas toujours d'un goût certain, pas toujours d'une originalité surprenante, mais on essaie. La lumière, encore un peu vidéo, est l'élément le plus travaillé. Les passages dans la "réalité" sont dans un bleu nuit de bon aloi. Ils sont contredits par de brusques variations d'étalonnage où l’on passe dans d'ostensibles teintes oranges et de jour, dans la même scène. Changement d’étalonnage qui annonce le basculement dans le piège fantasmagorique des nos amies les playmates du démon. C'est très dichotomique, mais par endroits, malgré la dualité de l'effet, ça fonctionne gentiment. Notamment parce que cela permet de bénéficier d'un jeu de mise en scène supplémentaire simple d'accès, et parce que voir les scènes gore en pleine lumière, ça change, et c'est bien. On a l'impression que quelque chose de pas normal se passe, ce qui aurait tendance à servir, sur le papier du moins, le sujet. C'est grâce à ce dispositif qu'on a les deux ou trois scènes plutôt réussies du film.

Terry West, dont la spécialité est pourtant le montage, propose un découpage à la djeunz qui multiplie les axes dans une totale gratuité, et encourage les coupes nombreuses. Ainsi, plus q'une mise en scène ample et en mouvement, on privilégie le plan par plan hétéroclite, qu'on couple bien entendu par un rythme de coupe peut-être pas hystérique, mais soutenu, que viendra renforcer l'utilisation de la musique de Buckethead, justement. On va vu largement pire, mais on a vu bien mieux construit, ou même construit tout court ! Les plans se multiplient jusqu'à plus soif. Dans ces conditions, il est évident que temps en temps, on a un plan plus joli que les autres. Mais West ne cherche pas l'épure, il est plus rentre-dedans que ça, et ces petites choses jolies arrivent en chemin, dans le flot plus banal des autres plans. Il cherche l'efficacité sans doute, et par voie de conséquence, le fignolage attendra. De toute façon, notre ami n'est pas, loin s'en faut, un structuraliste. On reprochera cependant un cadre plus indigent par endroits, et qui l'est même assez souvent, peut-être à cause du décor utilisé, décor naturel bien sûr et donc un peu serré dans certaines pièces du manoir. En tout cas, les plans rapprochés, sur les personnages notamment, sont souvent assez laids, avec des coupes de visages un peu brusques. Quelques axes dans les champs / contrechamps me paraissent également un peu cavaliers, là aussi sans doute faute de place. [Et là-dessus, je suis intransigeant : dans ce cas-là, il est impératif de renvoyer la scripte et d'abandonner le champ / contrechamp si on veut que le film soit beau, ce qui est quand même la moindre des choses.]
 
Le son est assez brut de décoffrage dans les parties dialoguées, qui privilégient les enregistrements dans les conditions naturelles. Beaucoup de bruitages gothiques en OFF (rires en écho, portes qui grincent, etc.). Et puis, c'est le Buckethead Show. Donc, du hard, du hard, du hard. [Les amateurs vont s'arracher les cheveux avec mon vocabulaire de rustre. Peut-être qu’on appelle ça du Néo-speed-fusion-goth-métal !] Bref, c'est eux les stars. Il s'agit, pour ceux qui ne connaissent pas, de métal lourd donc (ha-ha !) guttural, massif et sec, plutôt bien mixé, mais qui va souvent chercher dans un syncrétisme, à mes yeux,  bien opportuniste en introduisant des bout de satrianisme (grosse maladie très grave), de dérives concréto-jazz qui relient parfois Buckethead aux rockers progressifs de jadis ! Bref, ça mélange dur, mais West est content, ils les a ! Ils ont accepté de jouer pour lui. Du coup, ben faudra faire de la place, comme dans cette interminable scène de pentacle (plan de départ assez joli, pourtant) qui constituera une véritable pause pseudo-lyrique dans le film, pause interminable dans un film qui a déjà un peu de mal à trouver son rythme. Les fans de Buckethead vont se rouler par terre de plaisir, les autres vont se demander s'ils ont fermé le gaz en partant de chez eux, ou vont en profiter pour constituer mentalement la liste des courses du lendemain.
Bon, tout cela ne respire ni l'originalité divine, ni la beauté absolue. C’est quand même gentiment laborieux, malgré une légère nuance de rentre-dedans toujours acceptable. On trouve quand même deux ou trois scènes qui fonctionnent gentiment ou même très bien, à savoir : la disparition du black qui anime l'équipe, et la réminiscence absurde de l'héroïne médium qui se dédouble dans une vision réussie pour le coup, et d'un "érotisme" plus troublant que le reste. On note aussi, dans le passage avec les jouets, un changement d'éclairage court et soudain où l’on semble presque passer d'un éclairage normal à celui d'un film pornographique, ce qui semble un instant détruire une scène de sexe dont on sait qu'elle va virer au fantastique et au gore. Comme ce changement intervient au cours d'un travelling-pano, c'est assez surprenant, surtout qu'il s'agit d'une fausse alerte. Je ne sais pas si c'est fait exprès, mais c'est assez surprenant. Enfin, l'élimination du précoce de la bande (celui qui fait le monitoring de l'équipe) est rigolote comme tout, et bien plus malicieuse et / ou cruelle que les autres séquences de tuerie du film, qui justement peinent à trouver complètement un ton qui soit à elles.
Au final, West ne signe pas, loin de là, le film du siècle. Son film manque globalement de rythme, certaines scènes se traînent, et malgré le soin global (au vu des moyens, si on peut dire, ce qui ne devrait pas constituer une excuse), on se dit qu'un petit conseil extérieur (et focalien tant qu'à faire !) aurait été le bienvenu, notamment pour alléger les nombreuses redondances de ce film qui aurait pu durer assez facilement une bobine de moins !  [Il y a notamment beaucoup trop de personnages pour un rythme langoureux mais haletant, ce qui semble être l'ambition du film.] Terry West se rapproche, mais dans sa propre division et dans sa propre économie, de cette génération nouvelle de réalisateurs "d'ambiance", serait-on tenté de dire, comme les nombreux faiseurs qu'on nous vend au cinéma dans le moment. Après tout, ici, ce n'est pas plus laid ni plus mal fichu qu'un SAW (ouais, je sais, c'est pas difficile) ou qu'un WOLF CREEK, ou qu'un DEVIL'S REJECTS. Il manque un petit coup de production en plus qui, de toute façon, serait là si le budget était le même que ces films plus nantis. West tente au moins, contrairement à ses collègues, de faire quelque chose de stylisé qui ne se base pas uniquement sur le gigotis et avec des cadres qui essaient au moins de ressembler à de beaux plans (avec plus ou moins de succès donc, on l'aura compris).
Enfin... Ça se joue à peu, et je coupe le cheveux en quatre ! En tout cas, une fois remonté, FLESH FOR THE BEAST pourrait être un petit divertissement pas forcément antipathique. Là, en l'état, c'est un peu indigeste. Et globalement, on peut dire que c'est n'est pas forcément la malice ou l'originalité qui habitent ces réalisateurs qui bizarrement, à l'image de la musique de Buckethead, sont plus dans le mélange de nuances ou d'ambiances, dans la fusion musicale de sous-genres fantastiques, que dans la pure création. On préférerait quand même une plus grande prise de risque, plus de personnalité que ce cinéma qui, un peu comme la musique donc, essaie de nous vendre de l'originalité en faisant des mélanges de nuances ultra-spécialisées ! ["Ouais, moi je fais du Néo-Musette-Progressif-Gothique !"]. Comme disait Monsieur Mothersbaugh ou Monsieur Casale, "faites plutôt quelque chose qui n'ait jamais été fait, sans quoi votre travail n'aura pas beaucoup d'intérêt !"
Tranquillement Vôtre,
Dr Devo.
PS : Le Marquis et moi-même nous sommes considérablement poilés à inventer des paroles débiles pour ses riffs métal, qui nous ont fait penser à ces parodies de hard du groupe DVDA, le groupe de Matt Stone et Trey Parker, les inventeurs de South Park - on vous recommande à l'unanimité leur chanson supra-drôle NOW YOU’RE A MAN ! 
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Publié dans Corpus Analogia

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V
http://www.wat.tv/video/52486 : le clip de Kamini dont on parle partout... Il a été repéré sur WAT (un Myspace version TF1...) J'ai moi-même un mini-blog (très rudimentaire) sur ce site, ça fait un peu de pub... Bonne nuit!
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D
WAT? C'est un morceau de Buckethead? Eclairez nos lanternes, ne nous laissez pas dans l'ignorance, Viera!<br /> Dr Devo.
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V
Vous pourriez faire un clip sur WAT... Pour BDP, mon préféré c'est le très kitsch "Phantom of the paradise".
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N
Well well well.... Je voudrais juste preciser, pour votre culture chere a mes yeux, que Buckethead n'est pas un groupe, c'est un guitariste (il ne chante pas, donc) qui a fait partie pendant 4 ans des Gun's and Roses (si, il y en a qui aiment) pour ne citer qu'eux, et qui porte toujours un carton (bucket) renversé sur sa tête (head). Il se consacre aujourd'hui à des albums en solo, et vous pouvez decouvrir ce mutant guitariste (comme il aime a s'appeller) sur sa tentative de site web : http://www.bucketheadland.com/.Je vous accorde volontier que le groupe de Matt Stone et Trey Parker est bien plus interessant !
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L
Oui, ce n'est vraiment pas grand-chose... Une ou deux bonnes idées, quelques qualités plastiques trop fugaces. Le film ne risque pas de s'imprimer durablement dans ma mémoire... Reste qu'en comparaison avec cette poignée de films distribués directement en vidéo et dont la critique spécialisée vante un peu trop vite les mérites, FLESH FOR THE BEAST fait (tout juste, à peine, si peu) l'affaire, venant après l'exécrable COLD AND DARK dont je vous avais parlé ou encore un piètre ZOMBIE HONEYMOON dont je vous parlerai prochainement - qu'est-ce que je parle, dis-donc...<br /> Je vois que le Docteur passe sous silence le second film de la soirée; c'est très charitable de sa part !
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