DANS TES RÊVES de Denys Thybaud (France, 2005) : rape mon frère, rape ma soeur!

Publié le par Dr Devo



(photo : "Conférence Audio-vidéo de Dr Devo à l'Institut Drahomira (octobre 2004)" par Dr Devo)

Chers Concitoyens,

 

 

 

Oh ben oui, tant qu'à faire, pourquoi pas un film sur le rap ? Hein ? Un peu malgré moi quand même... Si j'étais arrivé plus tôt au cinéma, je serais sans doute allé voir MON PETIT DOIGT M'A DIT, même si l'idée de retrouver Catherine Frot, contre qui je n'ai aucun grief particulier, c'est sûrement une très bonne actrice, mais dont les choix de films me laissent plus que perplexe, retrouver Catherine Frot, dis-je, n'est pas une perspective des plus alléchantes, au moins en ce moment. Il ne restait que 30 places dans la salle qui projetait ce film, et donc, j'ai renoncé, plutôt que d'être assis au premier rang ! Et donc, rap et gaz à tous les étages.

 

 

 

Moi qui désertais un peu les films français, en ce moment je suis gâté. Que de films français vus en l'espace d'une poignée de semaines, pour le pire et le moins mauvais! Il en bouffe, le Docteur, du Bleu Blanc Rouge, il mange jusqu'à ce qu'il s'étouffe. Alors pourquoi pas DANS TES RÊVES et sa cohorte de fantômes hip-hop. Allez, entre ici, gentil Docteur. Pendant la pub, il se lit le magazine de pub gratuit de Pathugmont, ce qui lui évite de voir le film annonce des pygmées magnifiques chez les méchants anglais. Curieusement, le son en VO lui fait penser à une réplique de SACRÉ GRAAL, dans la séquence de Château d'Anthrax, à savoir : "Naughty, naughty, naughty Zoot !". Hahaha, fis-je intérieurement. Il feuillette son magazine où on te promet, mon frère, où on te promet ma sœur, un nouveau film culte en provenance des U.S of A. J'ai horreur qu'on me dise qu'un film est culte, surtout avant qu'il sorte. Après tout, AUTANT EN EMPORTE LE VENT ou BASIC INSTINCTS sont des films cultes. Et bon dieu de bois, que c'est mauvais. Un des plus cultes des films de De Palma, c'est SCARFACE. Tiens, c'est marrant ça, j'ai même vu cette semaine un type qui portait un blouson avec un transfert d'Al Pacino et de sa mitraillette, et le nom du personnage imprimé sur la dite jaquette. Ça fait classe, un blouson mitraillette-cocaïne dans le métro je trouve. Culture urbaine sans doute. En tout cas, en voilà un film culte, et en voilà un film pas bon, malgré sa réputation (sauf les dix premières minutes peut-être). Tiens, toujours dans le même magazine, une jolie photo de Jason Schwartzman, le plus grand acteur de tous les temps (héros de RUSHMORE de Wes Anderson) avec Isabelle Huppert. Mmmmmm, ça donne envie, et ça fait plaisir de voir que mercredi prochain, on aura quelque chose d'intéressant à se mettre sous la dent. Pourvu que mon ciné Pathugmont passe ça en VO. On verra bien. En tout cas, voici le titre français : J'ADORE HUCKABEES. Ben ouais ! Je le vous dis depuis des lustres, les cerveaux français n'ont pas fuit à l'étranger, ils bossent tous dans la distribution ! S’ils font plus de dix mille entrées avec un titre pareil, c'est qu'en plus ils sont chanceux. Tiens, avant que le film ne commence, film annonce d'un métrage hong-kongais de Kung Fu parodique, avec pas mal de moyens et des effets spéciaux qui ont l'air assez malins. Je me dis : "Mmm, très bien, ça me changera des films de chambre français à trois balles" et je me laisse glisser sur les images de ce film annoncé. Et tout va bien jusqu'à l'annonce du titre: CRAZY KUNG FU ! Ouais !!!!! Génial les gars, continuez comme ça ! C'est sûr, ça fait pas navet du tout ! Encore un succès ! En attendant, il faut voir le film KUNG POW : ENTER THE FIST dont je vous avais déjà parlé, très drôle et assez magnifique techniquement. Et surtout le titre est meilleur ! Enter the fist, fallait quand même oser !

 

 

 

Bon, et puis, j'allais oublier, DANS TES RÊVES commence ! Balance ton hip et ton hop dans ma face. Bon, moi je n’aime pas le rap. Rien à faire, je n'aime pas. A deux exceptions. RZA avait fait une belle musique pour GHOST DOG de Jarmush, et j'ai eu un CD du Wu Tan Clan dans les mains, et ce n’était pas laid. Et j'adoooore les Beastie Boys, mais de l'avis de tous les spécialistes, c'est pas du rap (ce qui me paraît un peu étonnant, tout de même.) A part ça, rien à faire, je n'aime pas ça. Ce n'est pas gravissime. Je n'aime pas trop les militaires non plus, mais un film de guerre, pourquoi pas. J'aime pas les gens comiques, et j'aime pas les romantiques, mais j'aime bien Sandra Bullock (spéciale dédicace au Marquis). Alors, vas-y déboule le film.

 

 

 

Ça raconte l'histoire de Ixe, jeune rappeur amateur qui vit chez sa mère, et qui, entre deux boulots au noir, écrit sa musique et ses paroles (hey, comme dans Elie Chouraqui !) tout seul dans sa chambre. Un de ses potes qui est coiffeur, et surtout plus vieux, l'a pris sous son aile et essaie d'organiser des petits concerts et tout ça, rien que pour lui. Béatrice Dalle, elle, est productrice. Elle est en train de monter un spectacle de hip-hop pour le grand public, dans un théâtre. Un mois avant la première, si elle fait répéter les danseurs du spectacle, elle n'a toujours pas trouvé le rappeur. Pourtant, tout est là. Alex Descas, vieux rappeur un peu en retrait ces dernières années, a composé la musique. Manque plus que le chanteur. Les copains de Ixe voient là une formidable occasion pour lui. Ils font en sorte que Dalle vienne l'écouter en concert. Pour Ixe, c'est la chance de sa vie. Si jamais ça rate, il faudra bien se faire une raison et se décider à travailler à la Poste (oh non !), comme maman.

 

 

 

Et bien, voilà. Un bon petit résumé, bien concis. Tu vois, quand tu veux... La vie de la cité, l'artiste en devenir, la jalousie entre rappeurs anonymes, la difficulté d'aligner les petits boulots et sa passion d'artiste, les arnaques des milieux du disque, la presse qui comprend rien au rap et qui ne pond que des clichés dessus, la défonce (un peu), la violence du quartier, etc. Voilà le lot quotidien de ce film qui se veut positif et loin des clichés habituels sur le monde du rap. Mouais. Ben si c'est ça l'objectif, les gars, c'est raté. La petite copine super-canon super-gentille, et complètement conne soudainement parce que le scénario l'exige, les tentatives de racket, le lourd passé familial de Ixe qui le plonge dans l'alcool, les mauvais rappeurs obèses, roux, qui fument du shit au lieu de composer et qui finiront criminels, le conte de fée urbain, la grosse mama noir, la personnalisation des copains Black Blanc Beur de Ixe, la musique qu'on kiffe à donf' backstage en secouant la tête avec grâce et en se pinçant la lèvre inférieure, les racailles qui mènent la vie dure aux filles, les petites copines greluches des demi-gangsters (ici Léa Drucker qui, je trouve vu la qualité de son rôle qu'on croirait sorti de Ab Fab, s'en sort très bien, encore une fois – voir AKOIBON), les plans d'ensemble sur les toits de Paris avec le Sacré Cœur au fond du plan, etc. Ça clichetonne à tous les niveaux, et si le film se tient, sans finesse, pendant une bobine, après c'est un peu Cosette Au Magasin de Disques. On dit faire exploser les clichés, et on sort les pires des plus classiques du mélo ! Ça fait un peu rire et pas mal pitié.

 

 

 

Ceci dit, si l'histoire n'est absolument pas intéressante, rendons à César ce qui est à César. Contrairement à tous les films français que j'ai vus en un mois, ici au moins il y a un effort technique non négligeable. On a quand même essayé de faire un film de cinéma. Cadre en scope assez anonyme, certes, mais lumière travaillée, enfin ! Et franchement, même si je suis très loin d'être fan de la photographie du film, ça fait quand même du bien de voir un film français qui ne soit pas granuleux et qui ne fasse pas mal aux yeux. Du coup, DANS TES REVES prend des allures de production luxueuse. Une belle photo, c'est du luxe à pas cher, ça vous habille un film, il n'y a pas à chipoter. Sur ce plan là, donc, et franchement c'est déjà ça, on n'a pas l'impression d'être dans un téléfilm. Question montage, à mon sens, rien de bien passionnant ni de renversant. Quelques petits effets dans les deux premières bobines, puis roue libre jusqu'à la fin. C'est quand même gentiment anonyme.

 

 

 

Le problème donc, c'est le propos du film, très attendu, et moins bien décrit que dans la parodie rappeuse des Inconnus ! Ben oui, c'est triste mais on peut le dire. Ce n'est ni mal ni bien joué. Ou disons que, pour moi, l'histoire et ses développements sont tellement plats et réchauffés (en fait, c'est FLASHDANCE quasiment), que les seconds rôles notamment semblent complètement caricaturaux. Les acteurs suivent, ni bons, ni mauvais, format téléfilm. Béatrice Dalle est correcte, pour les mêmes raisons. Le seul qui fasse un peu d’effet, c'est Alex Descas, vu chez Claire Denis, et qu'on retrouve toujours avec plaisir. Malheureusement une fois de plus, ce n’est pas dans un super film. Mais quelle gueule, ce mec, quand même ! Vincent Elbaz a bossé comme un malade, et son imitation stupéfiante de John Turturro, idée saugrenue, est au final assez marrante et loufoque pour que ça fonctionne. Ça met un peu de vie, pourquoi pas. Quant à la musique, comme prévu, rien qui ne puisse m'accrocher, mais là, c'est plutôt normal, donc je passe.

 

 

 

La seule chose véritablement énervante dans ces océans de clichés, c'est l'incroyable complexe de supériorité de ce film. A la toute fin, on entend Ixe dire (de mémoire) : "Quoi qu'on fasse, notre culture sera toujours méprisée et regardée de haut". Alors là, les gars, je veux bien être sympa mais faut pas déconner quand même. S'il y a un domaine artistique qui cartonne, c'est bien le hip-hop et le rap. S’il y a bien une culture qui s'est parfaitement intégrée à la société, malgré son niveau j'ai envie de dire, c'est bien le rap ! Ça vend, ça cartonne. Essayez de faire de la musique industrielle (dans le sens années 80 du terme) ou des films un tant soit peu expérimentaux, et vous allez voir si on ne vous prend pas de haut. Le rap, et toute la culture qui va autour, ont quand même été, ces dernières années, extrêmement favorisés, notamment par le Ministère de la Culture et autres. Si vous, rappeurs, vous êtes des moutons noirs, allez voir le site de l'Institut Drahomira, écoutez leur musique et voyez si ces gens-là ont une chance de vivre de cette musique. Dans ces revendications à trois balles et injustes, on découvre quelque chose d'assez antipathique, dans un film pourtant moyen : une volonté opportuniste d'accéder à un monde artistique petit-bourgeois. Ça ne donne pas envie.

 

 

 

Toute tentative de s'établir en tant qu'artiste est difficile. La culture hip-hop, de très loin, ne me semble pas, mais alors pas du tout, la plus défavorisée.

 

 

 

Justement Vôtre,

 

 

 

Dr Devo.

 

 

 

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Publié dans Corpus Filmi

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A
Benny, voiklà qui est interessanr, car les amateurs de rap ont été trés faché par cet article. Mais tout le monde n'est pas dupe...Oui oui oui, c'est le Paroles et Musiques du rap!!!  Mais je crois que PAROLES ET MUSIQUES est quand même bcp plus drole et autrement plus splendouillet!Dr devo.
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B
Je découvre tardivement ce commentaire de "Dans tes rêves" que je le trouve très pertinent. Ce film est un fantasme de producteur  opportuniste qui désirait surfer sur une vague hip hop en prenant les fans de cette musique pour des cons.  C'est raté et c'est tant mieux. Pour moi ce film est  l'équivalent "rap" de "Paroles et musiques" de Elie Chouraqui,  le film le plus involontairement burlesque du siècle dernier. En effet voir des spectateurs devenirent hystériques sur les chansons de supermarchés interprétées en "yaourt" par Anconina et Lambert est une expérience comique irremplaçable, de même, voir Diziz la Peste ( rôle principal de "Dans tes rêves") faire son petit caca nerveux au cours d'un improbable show case organisé par une Béatrice Dalle à bout de souffle mérite le déplacement ou non( juste louer le DVD est voir cette scène). Au revoir et merci<br /> Benny (producteur en 1990 de Rapattitude)
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B
Monsieur De Pipolaki, je voudrais ici saluer votre perspicacité. Il ne vous a pas échappé en effet que le Docteur Devo connaissait tout. Vous reconnaissez de plus vous être enivré aux vannes grandes ouvertes de ces articles abondants et généreux en propos, et vous reconnaissez avec un certain dépit, il est vrai, qu'elles (les vannes) s'adressent sans doute à une certaine élite, dont - avec la plus majestueuse humilité - vous ne semblez pas vous ... octroyer (aïe, aïe, aïe) la possibilté d'accès. En vérité, je vous le dis, relevez vous et entrez ici jean moulin, vos paroles vous ont sauvé et on va tous se faire des millions de bisous maintenant.
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I
Pipolaki tu es une caricature.<br /> Bonsoir.
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L
Cher Pipolaki, le docteur est ici chez lui et parle comme il a envie de parler de ce dont il a envie de parler. Si ça ne te convient pas, tu peux aussi aller voir ailleurs. Bonsoir.
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