BRICE DE NICE de James Huth (France-2005): l'odeur du napalm

Publié le par Dr Devo

(photo: "Princess Caine" par Dr Devo)

 

 

Chers Concitoyennes, Chers Concitoyens,
 
Quand les événements sont mouvementés, comment agir ? Hier, dure journée, avec cet article sur Dr KINSEY de Bill Condon, évaporé dans les limbes du net, bien contre ma volonté, article sublime bien sûr, et encore plus puisque perdu, où l’on abordait la gaucherie physique des acteurs, leur bon jeu, les retrouvailles semi-réussies de Tim Curry, l'exploit phénoménal de la direction d'acteur en ce qui concerne John Lithgow, sobre ou presque pour la première fois, le portrait de John Lithgow en nouveau Klaus Kinski, le film comme contraire à LORENZO de George Miller (un scientifique qui fait autre chose que de la science – des statistiques chez Kinsey – contre un non-scientifique, profane, qui découvre une théorie scientifique, chez Miller), et enfin une analogie avec LA VIE AQUATIQUE de Wes Anderson, dans la mesure où leurs deux héros se cognent à la peur et surtout à l'échec, programmé et inévitable, pour avancer là où les autres sont pétrifiés... Plus deux trois petites choses : culpabilité d'avoir aimé le film, notamment. Mais la machine à broyer binaire est passée par là... Bah, ça vous a fait un joli JEU DU FILM MYSTERIEUX No6 (ici), avec une photo No3 assez passionnante à décortiquer.
Demain, jour de l'anniversaire de votre bon Docteur (pour l'envoi des dons en espèce et des cadeaux, voir "Contacter Dr Devo" dans la rubrique lien). Bref, que des nouvelles du temps qui passe et dysfonctionne. Que faire quand tout va mal ? Aller encore plus profond, mettre son petit pull marine et toucher le fond de la piscine, comme disait la poète, pour mieux remonter, et encore, seulement peut-être. Arrivé en retard à la séance de L'ANTIDOTE, le nouveau Christian Clavier, je dus me rabattre sur BRICE DE NICE de James Huth, c'est sûr c'est plus chic, beaucoup plus chic que Max Pecas par exemple. Moi qui ai plongé au fond de l'abysse pour chasser aussi le requin-jaguar qui a bouffé ou qui bouffe une paire de mes meilleurs amis impliqués dans le bizness du show, une fois à la surface, moi, qu'est-ce que j'en tire, en plus de cette volonté de mouvement qui prouve, in praxis (faux latin), ma non-peur de simplement bouger et plonger ?
 
La suprise est de taille. BRICE DE NICE est un film sublime de bout en bout, et c'est, on peut déjà le dire, la surprise de l'année, chose d'autant plus étonnante que le film est français. Des comédiens plus que surprenants, lorgnant curieusement davantage du côté de Peter Sellers que d’Eric et Ramzy. Un scénario pythonesque (mazette!) dont l'exploit consiste à faire un film cohérent de ce qui aurait pu ou dû être une suite de sketches. Belle photo de Phillipe Piffeteau, pourtant opérateur sur YAMAKAZI, cette grosse bouse. Montage alerte. Split-screens. Une superbe idée : le film en 1.85 change de format quand un contrechamp survient sur le personnage principal, c'est-à-dire en 1.33 (plutôt 1.37 en fait) pour un hommage rigolo, potache mais néanmoins ému à Murnau (!!?!) et consorts. Une des meilleures idées du film d'ailleurs que d'isoler ce personnage dans un format antique quand tout le monde autour de lui est en 1.85 ! On peut être jaloux.
Alors, l'histoire... Brice de Nice, fils de milliardaire louche, ne fait rien. Il "casse" avec humour la société de nantis et de parvenus dans laquelle il a vu le jour, par son idiotie vitale. Puisqu'il a été privé de culture (une seule œuvre qu'il ait vue et qu'il repasse en boucle : POINT BREAK de Kathryn Bigelow, et encore, en VF), il se la réapproprie, et fait avec les moyens du bord. Tel Don Quichotte de la Plancha, tout les matins il prend son board de surf, délicieusement recoloré à l'image de son univers intérieur, et va sur la mer pour attendre une vague qui sera la vague mythique, puisque, en Méditerranée, à moins d'un tsunami, on n'a jamais vu un rouleau. Surfeur donc, mais qui ne connaît que l'eau plate. Quand son père est incarcéré pour malversations, après avoir traité son Brice de Nice de fils de con, quand même, notre héros se retrouve "en-bas" et rien ne pourra l'en tirer, ni le travail (chose évidemment inconnue), ni l'échappée musicale (seul gros emprunt de ce film original à DANCER IN THE DARK de Lars von Trier, avec un Björk inversé, si j'ose : garçon, pas chanteur et sans but ! Jolie trahison ! La séquence de la banque reprend quasiment plan par plan la scène du tribunal de chez Trier, dans sa partie musicale!). Derrière l'enjeu de ce film pour faire rire, c'est la métaphore de la Mort (symbolique, au moins) qui attend Brice. [On note d'ailleurs que Brice n'est pas intéressé par le Sexe, bizarrement. il fuit la compagnie des filles (et des garçons) comme la Peste.]
 
Le cul par terre, la honte dans les yeux, j'avoue : Brice de Nice est le film français le plus surprenant depuis très longtemps et c'est un des plus beaux films de l'année, fût-ce un film comique, avec, rappelons-les (les films de l'année) : THE MACHINIST, INNOCENCE, LA VIE AQUATIQUE, PALINDROMES que vous retrouverez tous en rubrique "corpus filmi".
 
Désolé, mais c'est comme ça. Vous êtes contents ? Ou pas ?
 
Fidèlement Vôtre,
 
Dr Devo.
 

 

(photo initialement prévue pour l'article d'hier : "(de gauche à droite) Père, Fils et Saint-Esprit" par Dr Devo)

Dr Devo,
Enfonce ton clou ! Chemin de croix station 7 ou 8, je ne sais plus trop. Jean Dujardin (Brice) est un mec qu'on ne peut pas qualifier de traître. Responsable et incarnation, à la vie comme à l'écran, avec sa "complice" Alexandra Lamy, des personnages de Chelou et Relou de la série télévisée québécoise UN GARS UNE FILLE, il a prouvé par cette activité qu'il est ce qu'il dit. Cette série incarne parfaitement la période 1995-2007. Violent, bête, méchant, plein de thunes (salaire moyen du personnage : 1800 €/Mois, poste cadre), son personnage télé et sa femelle incarnent un des rares, sinon le seul portrait vrai de la France contemporaine : acculturée bien que dans la classe dominante (historiquement, ce sont les élites économiques qui étaient élites culturelles), acculturée, dis-je, au profit des salles de sport (ou plutôt de muscu), intéressée à rien, apolitique, matérialiste, sexiste, violente, en butte avec tout le monde, méfiante envers le peuple qui pique dans son portefeuille (épisode de Chelou et Relou avec la bonne ; mais c'était une blague !!!!), cultivant Casimir et Gloria Gaynor (mange, Google, mange), allant à l'expo Picasso et au club med' (ou plutôt faire du surf, entre autres activités moins remarquables, sur les côtes des pays tsunamiens pour lesquels elle récoltera plus tard les pièces jaunes), votant Chirac au deuxième tour soudainement effrayée, et achetant les disques des E.....és pour les restos du cœur, etc.
On a sans doute les héros qu'on mérite, et puis c'est tout. Cinéma de crevure pour les crevures (sur cette notion voir le site Kuhe in halbtrauer), BRICE DE NICE, film inoffensif bien sûr (bien sûr, si ça vous rassure) est LE film (non, malheureusement, un des films) du pré-fascisme de demain. La bêtise est adulée jusqu'au dernier degré. Le racisme s'y déploie dans toute une première bobine, même pas frontalement, suivi, bien sûr, CQFD, par une splendouillette ode à la tolérance, Monsieur, ça rime avec France ! On rate des plans (les fameux plans 1.33) mais on les monte quand même, on ne fait aucun effort sur la lumière, on essaie de distraire avec des chansons qui seront ensuite vendues à prix d'or aux mêmes gogos satisfaits (notamment en sonneries de portables), on fait l'éloge de sa nullité de langage, on critique la Police et les avocats en même temps que les ripoux... Pré-fascisme, je vous dis. Drôle jamais, BRICE DE NICE, degré zéro de tout, en plus de mettre de vrais artistes hors circuit, fait tomber les masques et transcende les classes sociales. Les pov' naz' qui, dans le film, lècheront les bottes presque militaires du héros (la fameuse Kass' étant quasiment un signe hitlérien, et le système de la planche n’étant ni plus ni moins qu'un pouce césariste, césarisant et césarien) se ruent en masse dans la(les) salle(s) que je scrute : aussi bien faux loulous-banlieues que li-li-bo-bo trentenaires (libéral libertaire bourgeois bohème, et non pas l'incomplet et vide bo-bo), tous enfultes, tous-ensemble tous-ensemble tous-ensemble-tous, tous enfultes donc, « enfultes » et sa déclinaison verbale étant ici le mot extrêmement juste. Ils se pressent, dis-je, pour faire partie de la fête n'ayant plus assez d'esprit pour se rendre compte que leur asservissement volontaire est la condition sine qua non pour que Brice et ses frères existent et leur marchent dessus, d'une part, et également incapables, d'autre part, de se rendre compte qu'ils n'entreront jamais dans cette private party (le show-bizz, et la hype), parce que, et le film le montre très bien, les jeux sont faits dès le départ : sois t'es de la famille, sois t'es mignon(ne) et tu te soumets au droit de cuissage, sans réserve d'embauche. Brice est LE personnage français, sans conteste, c'est le Nouvel Astérix, le nouvel emblème. Il porte d'ailleurs les mêmes cheveux blonds. Pourquoi lui ? Parce que, pour la première fois depuis le Coq du drapeau (pulvérisé par deux guerres sanglantes, comme l’a très bien stigmatisé Michel Sardou et son "France"), et depuis Astérix, symbole gaullien et bien désuet, pour la première fois, dis-je, Brice réunit en une même aspiration la France des pauvres cloches et la France des Nantis (cadres et au-dessus). En matière de symbole de cette union derrière le leader, et en terme de cinéma, nous notons la collaboration de Elodie Bouchez, ex-prolo chez Erick Zonca, (ex ?) idole Art et Esai, incarnation de l'exception culturelle. Elle prouve simplement et sans se cacher, elle, que tout ça, les Zonca, Chéreau, et autres Alexandra Leclère, que tout ça, les films sur les prolos ou sur les bourgeois (classe qui n'existe presque plus) ou sur les deux, elle prouve, dis-je, la Bouchez (nom-symbole), que tout ça, c'est de la posture et de l'apparat, tout autant que les aventures sentimentales des Nobles qu'on peut lire dans GALA (ceci est un exemple). Les arguments de la France des Auteurs, leur credo, c'est bullshit. [D'ailleurs, si leur engagement était sincère, ils feraient, de temps en temps, des films entre l'art et essai et le film populaire, à la Wes Anderson ou à la Lars von Trier, et non pas un faux cinéma commercial.] Tu parles que ça les arrange, l'exception française ! Tu parles que ça les arrange, le cinéma social ! Tu parles que ça les arrange, les film d'excision ou les films d'affaire Ben Barka ou de pygmées!
 
Ben, oui ! Tout simplement. Ça leur évite une chose ? Tu vois ? Non ?
Ça leur évite de faire de la mise en scène, chose dont ils sont, pour 99% d'entre eux, incapables. Car dans tout cela, où est la cause ? L'acculturation des élites et des autres, puisque justement il ne faut plus parler d'élite, comme le fait si noblement Jean-Christophe Averty dans un autre domaine. Un objet qui trahit son Art, et prône l'inculte, que ce soit BRICE DE NICE ou Chéreau Patrice (de Nice ???? Hahaha... Oui bien sûr. C'est déjà moins drôle.), est en soit, germe de totalitarisme. Le cinéma pré-fasciste à son idole : Brice. On ne pourra pas dire qu’on n’a pas été prévenus. Choisissons notre camp.
 
Oui Oui, ça passera, ne vous inquiétez pas.
 
 
Bon anniversaire,
Dr Devo
 
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Publié dans Corpus Filmi

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C
Et ben, tout ça pour ça!
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J
monsieur, brice de nice a demandé des années de travail - je vous prierai d'arrêter ça tout de suite <br />
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L
Le problème de Brice de Nice? <br /> <br /> Un concept frais et sympa de petits films comiques gratuits et sans prétention sur Internet (la partie 1 de l'article) transposé grossièrement dans une grosse machine cinématographique et commerciale (fin de l'article)...<br /> <br /> Maintenant faire rire est sans doute l'art le plus difficile... mais le rire n'a pas sa place dans un rayon de supermarché... sais de quoi je cause ;o)
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F
C'est vrai ce que dit Nil, arrêtez d'être péremptoire, et arrêtez d'employer l'impératif !<br /> <br /> Comme dsait Besson : "Les films sont des objets gentils."
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L
Je me souviens avoir vu en salles ABSOLUMENT FABULEUX, film lamentable adapté de la brillante série de Jennifer Saunders, et les gens riaient dans la salle. Pas moi. J'enrageais. Nil, vérifie les articles dans l'historique (voir KUNGPOW par exemple). Je ne trouve pas ici une vision préformatée du cinéma et de ce que doit être ou ne pas être un bon film, qu'il s'agisse d'une comédie, d'une série Z ou d'un classique. Il y aura toujours des gens pour aimer et d'autres pour détester. BRICE DE NICE sera remplira bientôt des bacs à l'effigie de son héros crispant et trouvera sa place dans le caddy entre les BN et les patates nouvelles. Consommer, c'est bien, c'est super. Et si le film en fait rire certains, grand bien leur fasse. Ceci dit, rien ne justifie qu'on jette aux ordures un soupçon d'esprit critique.
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