LE FILS DE CHUCKY, de Don Mancini (USA - 2004) : Qui Ensemence le Vent...

Publié le par Dr Devo

(Photo : "Salut l'Artiste" par Dr Devo)

 

 

Chers Amis,
 
Hier, série A de belle facture (voir article sur HARVEY avec James Stewart), et aujourd'hui mercredi, jour des enfants, série B, avec LE FILS DE CHUCKY de Don Mancini, prélude à une semaine de cinéma très riche! Miam! A table, c'est prêt.
Chucky est un rescapé des années 80, époque où on osait encore sortir des séries B en salles, et non pas directement en vidéo. Epoque bénie donc, mais la série A ayant de moins en moins d'ambition, les gros films, ou supposés tels, jetèrent la série B à la rue comme une malpropre, en lui faisant les poches au passage. Les vidéoclubs se standardisant également, la  série B de belle facture  est un peu morte-vivante (par rapport aux années 80), avec quelques beaux sursauts (le cinéma fantastique international de temps en temps, le cinéma fantastique espagnol de plus en plus en forme). Les séries A, quant à elles, voient leur niveau baisser, pillant le B allègrement sans vraiment retrouver son efficacité. Bon, on ne va pas pleurer, c'est comme ça.
Déjà le cinquième film de la série Chucky. Le précédent, LA FIANCEE DE CHUCKY, était plutôt sympathique et avait correctement marché.  Pour ceux qui ne connaissent pas l'engin, Chucky est une poupée pour enfants, mais avec une sale gueule. Balafré, scarifié, des yeux fous de psychopathe, Chucky, ça ne tourne pas rond dans sa tête et ça se voit au premier coup d’œil. Doté d'un féroce humour noir, Chucky est un rebelle de la pire sorte, violent, tueur et psychopathe, totalement incorrect politiquement (et pas que politiquement) qui dézingue de l'humain à chaque occasion. Intelligent sans doute, mais  borné, Chucky exécute de fort belle manière les représentants les plus "établis" et les plus dégoûtants de notre société! C’est déjà ça, et on lui pardonne car après tout, ça fait du bien par où ça passe!
Dans le précédent film, Chucky s'était vu affublé d'une compagne, pas triste non plus, la poupée Tiffany, construite sur le même modèle. L'amour et la passion du meurtre faisant le reste, on s'est très vite attaché à la compagne de Chucky, et c'est avec plaisir qu'on retrouve le couple.
Ronny Yu a cédé sa place de réalisateur à Don Mancini, qui réalise ici son premier film pour le cinéma, mais qui est aussi le scénariste de toute la série. Avant de vous parler du début du commencement de l'intrigue, comme à mon habitude, il faut savoir qu'en V.O, Chucky et Tiff' sont doublés respectivement par Brad Dourif (très bon acteur qui jouait le bègue dans VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COUCOU, et qui depuis erre de série B en série Z, même s'il mérite mieux) et par Jennifer Tilly, très bonne actrice elle aussi, une fille originale et avec du caractère. [D'ailleurs, évoquons ici sa sœur, Meg Tilly, très grande actrice aperçue notamment dans BODY SNATCHERS de Abel Ferrara et VALMONT de Milos Forman, et qui depuis 1993 ne tourne plus, ce qui est un scandale complet. Tu nous manques, Meg.]
Le film continue de se passer dans le même univers que les précédents de la série. Mais, à l'instar de FREDDY SORT DE LA NUIT, le film au titre le plus crétin du monde (Merci les distributeurs! Bizarrement, le film s'est mangé une belle gaufre...), qui est en fait Freddy 7, et qui mettait en scène le réalisateur Wes Craven et les acteurs de la série dans leur propre rôle, LE FILS DE CHUCKY joue allègrement de la collision du réel et du fictionnel.
Voilà le topo. On décide à Hollywood de faire un film, "Chucky Pète un Plomb" (ça donne une idée du niveau) qui raconte les aventures de Chucky et Tiff', deux poupées qui, selon la légende urbaine, auraient tué énormément de gens. Parmi les acteurs de ce film dans le film, Jennifer Tilly (qui joue donc ici son propre rôle, et qui fait aussi la voix deTiff' dans la série! Vous suivez ? Tu la sens la mise en abîme ?) qui a un peu la vie dure sur le plateau. Jennifer est une femme gironde (et fort belle), mais sa carrière patine et ce n'est rien de le dire. Elle a 46 ans (mais elle en fait 8 ou 9 de moins), elle est un peu ronde, et elle se fait chiper tous les rôles par les actrices surpayées et surmédiatisées dont Julia Roberts qui en prend pour son grade dans le film! Son assistante essaie de lui faire faire un régime, mais Jennifer boulotte des Bounty en cachette entre les prises. Et pas un journaliste pour l'interviewer! [Scène très drôle : une journaliste préfère faire une fausse interview de Chucky plutôt que d'interroger Jennifer qui est quand même l'actrice principale du film!] Pas un fan pour lui demander un autographe dans la rue! La misère! Elle apprend que le rappeur Redman (voir mon article sur DA HIP HOP WITCH) va réaliser son premier film : une adaptation de la vie de la Vierge Marie(!). Jennifer veut le rôle, mais elle sait que, dans sa situation, la seule façon de l'obtenir est de coucher avec le rappeur qui, d'ailleurs, ne demande que ça! Pendant ce temps-là, en Angleterre, une poupée vivante comme Chucky et Tiff' (bizarre....) se met en tête de retrouver ses parents de cire et de son. Et quand tout ce petit monde va être réuni, tout va furieusement dégénérer!
Après un astucieux générique en images de synthèse, assez effrayant (avec un sexe qui a un visage, brrrr....), on comprend vite à quoi on a affaire. Le ton de la série se maintient drôlement bien, toujours incisif et pas correct du tout. Et si Chucky et Tiff' n'ont pas changé, la situation, elle, a évolué. Jennifer Tilly, poussée à l'arrivisme par Hollywood qui ne prête qu'aux riches, s'inflige ici un exercice d'autodérision, certes, mais aussi d'autocritique et de critique, car Hollywood dans son entier en prend plein la figure, avec une rigueur et une justesse impitoyables. Elle fait preuve d'un humour et d'un sens de la dérision absolus, et par ce film, elle confirme sa gourmandise cinématographique, son impertinence et surtout son intelligence. On aimerait voir plus souvent des acteurs avec autant de lucidité sur eux-mêmes et sur le système. Rien que pour ça, le film vaut largement le déplacement.
Mais derrière la critique cinglante de Hollywood, relayée également par le réalisateur John Waters, formidable acteur, qui joue ici le rôle d'un paparazzi (qui déclare dans une réplique : "Mademoiselle Tilly, vous êtes une actrice, pas une artiste, et votre avis nous intéresse"!), derrière cette critique, dis-je, se cache une réalisation absolument soignée. Le cadre est sympathique, le montage est nerveux et fantaisiste, avec plein de petites trouvailles plus qu'agréables (notamment le faux flashback). Tout cela a énormément de rythme. Le ton et l'histoire sont également très vifs, mais là où on est franchement surpris, c'est dans le traitement de l'histoire et du personnage du fils de Chucky. Le rejeton n'est pas forcément un psychopathe, et sa vie repose sur une recherche identitaire fort surprenante, et ce sur plusieurs plans (je vous laisse découvrir). Le film se remplit alors d'une étrange émotion, complètement factice certes, mais palpable, qui fait un peu se fissurer le film, et complique énormément la narration pour notre plus grand plaisir. Du coup, Don Mancini, malin comme un singe, a à sa disposition énormément de leviers sur lesquels il peut jouer, et il les utilise tous. Le film nous met alors de manière permanente en alerte. C’est nerveux, nerveux, nerveux! Comme la mise en scène est également soignée (cf. la scène où le fils de Chucky s'échappe en courant derrière un camion-benne : c'est magnifique et ça coûte tellement moins cher qu'une image de synthèse), alternant effets gore de rigueur (fidèles à l'esprit de la série), humour trash, et clins d’œil passionnés à certains maîtres (Hitchcock, Scorsese, Kubrick, Ed Wood, etc...), le plaisir pris par le spectateur est palpable et renouvelé à chaque plan ou presque. La lumière est très belle (très belle copie, c'est très rare), ce qui ne gâche rien.
Et derrière ce film, qui est une profession de foi, c'est évident, on retrouve plusieurs dichotomies qui innervent tout le métrage : série A / série B, réel / fiction, liberté / contrainte (du sujet), budget / qualité, fantastique / social. Don Mancini n'est pas dupe, et il se met en quatre pour achever un film de série, certes, mais intelligent, et surtout irréprochable. Un amour immense du cinéma nourrit son film de belle manière.  On rigole énormément, on est maintes fois surpris, et la mise en scène n'est jamais indigente. Du bel ouvrage, assurément, et un soin et une passion qui font plaisir à voir, et qu'on aimerait voir dans moult productions. Le plaisir du spectateur est immense, toujours renouvelé, exploité avec malice et maturité. On en ressort plus intelligent, certes, mais aussi avec la sublime sensation d'en avoir eu largement plus que pour son argent. Et on a envie de remercier chaleureusement Don Mancini, preuve vivante qu'il y en a encore quelques uns qui bossent à Hollywood (et en Europe ?), et qui se cassent ce que vous savez pour mettre en place un cinéma populaire, drôle inventif et intelligent. Un noble. On dit merci au Monsieur, et on enlève son chapeau, bien bas.
Et on se dépêche d'aller voir le film, qui apparemment se prend une raclée au box-office et qui, après une semaine d'exploitation quitte déjà l'affiche de mon mégaplexe Pathumont!
 
Remercieusement Vôtre,
Dr Devo. 
 
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Publié dans Corpus Filmi

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R
Ben si t'aimes bosser avec des bouts de ficelles tu va tripper sur le sténopé alors. C'est de la photographie dans tout ce qu'elle a de plus rudimentaire. Exemple, tu prends une boite à chaussure, tu fais un mini trou d'un côté et tu colles du papier photo positif de l'autre à l'intérieur. tu poses ta boite 5 minutes à l'endroit ou tu veux "prendre" ta photo. ça donnes des résultats assez proches de ce que tu fais. exemple de clichés http://www.chambre-claire.com/<br /> Je te laisse googliser si ça te branche :)
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O
Bonjour Dr Devo<br /> Voila longtemps que je te lis.<br /> Tu es en lien sur mes blogs.<br /> Je n'ai pas ton talent sur celui concernant le cinéma...<br /> <br /> Amicalement...
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L
Surtout qu'avant le 4e opus de Ronny Yu, les films de Chucky n'étaient pas bien passionnants - voire très nuls.
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D
C'est un film à voir... qu'est-ce que tu risuqes? Ce sera toujours mieux que les SOEURS FACHEES! Amicalement,<br /> Dr Devo
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P
Tu es très fort! tu donnes presqu'envie de voir ce film. Je n'ai vu que le premier de la série, signé Tom Holland.
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