FRAYEURS de Lucio Fulci: les enfants, il est temps d'aller vomir

Publié le par Le Marquis

(Photo: "SwissArmyKnife Choir - Dresden 1986" par Dr Devo)

 

Enfin, mon ami Le Marquis, le Pape de Toutes les Cinéphilies, auquel je fais souvent allusion dans ces pages, et dont vous avez souvent pu lire les commentaires toujours pertinents, enfin, dis-je, Le Marquis passe à l'acte en rédigeant cet article. Matière Focale s'enrichit donc d'un nouveau collaborateur régulier! Chic, chic!

Dr Devo.

 

Début des années 80. Nous sommes au cœur  de la grande époque de Lucio Fulci, celle au cours de laquelle il s’est véritablement fait un nom en déclinant, après le succès du ZOMBIE de George Romero, une poignée de films gore franchement atypiques, avant de retomber malheureusement dans l’anonymat de la série Z et de la télévision. Nonobstant (j’adore ce mot), ses réussites sont toujours là  pour témoigner de son authentique talent (ce qu’il faut bien souligner car on a beaucoup tendance à  l’ignorer ou à  le mépriser). Dans cette période post-ZOMBIE, Fulci sort du lot par ses excès : il ne donne pas seulement dans l’hémoglobine BCBG à la VENDREDI 13, puisqu’il va ici jusqu’à  montrer une jeune fille vomir ses entrailles dans une séquence rien moins que suggestive (lire : résolument dégueulasse). Ce faisant, il perd bon nombre d’amateurs potentiels que ces  excès pour certains rédhibitoires détournent souvent de la réelle poésie de son cinéma. Chez Fulci, le mort-vivant n’a en aucun cas le statut social et philosophique des films de George Romero. C’est un semi-fantôme qui apparaît et disparaît sans raisons logiques, un messager des enfers ouvrant leurs portes sur notre monde, d’où une tonalité apocalyptique et ouvertement pessimiste dans L’ENFER DES ZOMBIES, L’AU-DELA et FRAYEURS. L’aspect le plus intéressant dans FRAYEURS est ainsi presque conceptuel, puisqu’au fond, le film de Fulci parle bien d’une contamination du monde et de la fiction par le regard. Les personnages sont ici souvent saisis d’horreur face à un espace vide, leur regard fixe l’invisible, et l’innommable se manifeste dans le contrechamps par une apparition à  la Méliès. La séquence la plus éloquente de ce fonctionnement est celle du bar occupé par trois hommes (qui n’en sortent pas de tout le film, malgré les événements se déroulant dans leur modeste patelin). Ici encore, un personnage est terrorisé par le néant derrière la vitrine du bar. Un néon rouge clignote. Un mort-vivant apparaît (et « clignote» lui aussi, apparaissant/disparaissant avec les reflets du néon). L’homme ferme les yeux, terrorisé, et tourne la tête vers l’intérieur, au centre de la pièce. Il rouvre les yeux, et le zombie apparaît alors au beau milieu du bar : l’invasion commence, on peut dire adieu à ces personnages qui n’auront eu aucune autre fonction définie dans le récit. Dans de telles séquences, la structure du montage et la cohérence formelle ne laissent pas de doutes sur les intentions de Fulci , loin des effets de tâcheron qu’on veut souvent lui prêter. Hormis quelques maladresses (l’emplacement choisi par le héros pour enfoncer son pieu et détruire ainsi le prêtre suicidé  qui  est à l’origine de l’horreur me fait toujours hurler de rire), et un plan final hautement nébuleux et incompréhensible (sauf si l’on interroge notre propre regard), FRAYEURS s’impose comme une très belle réussite formelle, un film d’horreur comme on n’en fait plus (gore jusqu’à l’absurde) et l’une des rares incursions de Fulci sur les rives de l’écrivain Lovecraft qui n’est pas adapté ici, mais très certainement mis à contribution dans la mesure où la petite ville dans laquelle se déroule l’action n’est autre que Dunwich. Un film qui continue à distiller sa petite influence souterraine, puisqu’une de ces séquences (Katherine McColl enterrée vivante) sera l’objet d’un très bel hommage dans KILL BILL vol.2 de Quentin Tarantino. Le film est édité par Neo Publishing, dans une copie un peu sombre mais de bonne facture. Soyez quand même indulgents pour les exécrables sous-titres, retranscrivant la VF (et ses grossières erreurs de traduction).

Le Marquis.

Publié dans Corpus Analogia

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Commenter cet article
L
Marquis je t'aime ty Bô ! belle chronique pour une belle perle du genre ...l'auto-promo c'est mal ... mais  cette chronique est tellment belle que ça vaut l'autoflagellation  "Frayeur, mon curé chez les zombies" =>http://www.canardvexe.com/articles/185_frayeurs_la_peu.php
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A
J'ai pas tout compris ...<br /> <br /> pourquoi certains enfants sont "masqués" ??<br /> <br /> ils sont encore vivants :-)<br />
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E
tiens j'avais jamais entendu parler de ces films, faudra que... (note : oh la jolie photo, mais où est grand-père?)
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B
Je suis un jour trop tard pour vous féliciter de votre chronique d'avant-hier. Très pertinent, bravo.
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F
Comment la jeune fille vomit-elle ses entrailles ? Pourrait-on avoir quelques précisions sur la manière dont ses intestins passent dans son estomac ? Et voit-on son foie ? Merci.
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