LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE, de Wes Craven (USA - 1972) / FRISSONS de David Cronenberg (Canada - 1975) : dernière ligne droite...
(photo sélectionnée par Le Marquis)
En préparant un article consacré au documentaire THE AMERICAN NIGHTMARE, j'ai réalisé que quatre des six films autour desquels le propos du documentaire en question se construit ont été chroniqués sur le blog (LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, ZOMBIE, HALLOWEEN). En guise d'avant-propos (et parce que je suis très en retard sur la rédaction d'AMERICAN NIGHTMARE!), je vous propose donc aujourd'hui un bref regard sur les deux films qui complètent le programme.
Premier long-métrage du cinéaste Wes Craven, LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE, qui dépeint le récit du kidnapping et du meurtre brutal de deux adolescentes, puis la vengeance des parents de l'une d'entre elles (tout aussi brutale), reste aussi l’un des meilleurs films d’une carrière très inégale. Le film est pourtant loin d’être parfait, et comporte de nombreuses maladresses visuelles, souffrant également d’un scénario bizarrement charpenté en deux actes distincts. L’intérêt du film réside dans l’énergie viscérale qui s’en dégage à travers des séquences souvent dérangeantes, voire franchement bouleversantes : la mise à mort de Mary par ses tortionnaires, au cœur d’une forêt et au plein centre du récit, est une des plus belles séquences tournées par le cinéaste, et l’une des images les plus frappantes du cinéma américain des années 70. Mettant un terme à de longues séquences de sadisme et de violence gratuite, cette scène désarçonne totalement le spectateur par ses tonalités singulières, mêlant douleur, honte, tendresse et infinie tristesse, pour la victime comme pour les bourreaux, la furie laissant soudain place à un silence pesant, proche du reccueillement. La dernière partie du film, mettant en scène la vengeance – sadique au dernier degré – des parents de la jeune fille est intéressante en ce qu’elle montre que la violence humaine n'est pas le seul fait de désaxés, confrontant aux actes barbares des kidnappeurs la violence réfléchie, calculée, savourée, orchestrée par un couple d’âge mûr aux allures paisibles et tout-à-fait respectables. Une dernière partie surprenante, mais plus maladroite : le cœur du film, qui justifie pleinement sa vision et son statut de film culte, reste bien situé autour de Mary. Un film étrange.
Avec FRISSONS, qui est également son premier long-métrage "officiel" et distribué en salles, David Cronenberg pose déjà les bases du cinéma et des thèmes qu'il développera tout au long de sa carrière, à travers cette histoire de parasite contaminant les habitants d'appartements luxueux, les transformant peu à peu en détraqués sexuels. Loin d’être un petit film d’horreur, FRISSONS étonne constamment par la froideur de sa mise en scène et par le trouble soulevé par ses idées et par certaines séquences. Récit proche des histoires de zombies et de contamination lancées par le succès de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, FRISSONS intègre à son scénario un propos ouvertement érotique – les victimes du parasite se transformant en déments lubriques, ce qui passe par de très belles scènes suggestives (le monologue de Lynn Lowry, la femme mariée séduite par sa voisine lesbienne – campée par la divine Barbara Steele) et par des scènes choc très déviantes (deux enfants nus promenés en laisse, un homme violé par une femme et par sa fille de huit ans…). Le tout est conçu avec le plus grand sérieux, et parvient souvent à faire naître un bon malaise, jusqu'à un dénouement à la tonalité inédite, en forme d'apocalypse silencieuse - et presque heureuse, apaisée. Sans être maîtrisé comme le seront CHROMOSOME 3 ou SCANNERS, FRISSONS s’avère en outre mis en scène avec intelligence, parvenant à ne pas trop souffrir des ravages du temps malgré son cadre très seventies. Impressionnant.
Le Marquis.
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