MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE de Tobe Hooper (USA-1974) et de Marcus Nispel (USA-2003): sic/sick sputnik

Publié le par Le Marquis


(photo: "Je sors de la voiture (de gauche à droite: muse du cinéma)" par Dr Devo)


(voix de Abraham Simpson)
« Depuis la fin des années 70 il n’y a plus d’âge d’or du fantastique, d’une part parce qu’il n’y a plus d’école, plus de style particulier, et que d’autre part la mode, le goût excessif pour les effets spéciaux, les dérives électroniques, ont trop souvent joué la gratuité spectaculaire du « clip d’horreur »… sans « pub ». Le genre, en tant que genre, s’est rapidement dissous dans les banalités commerciales et médiatiques du festival d’Avoriaz créé en 1972 par un promoteur immobilier. On y a couronné, au nom du « fantastique », aussi bien MEURTRE À LA TRONÇONNEUSE, le sadisme rudimentaire, que E.T. de Steven Spielberg. » [sic]
Roger BOUSSINOT, « L’Encyclopédie du Cinéma » (Bordas).

C’est merveilleux, n’est-ce pas ? Il a raison, le vieux schnock, tout ça, ça ne vaut pas MASSACRE DANS UN JARDIN ANGLAIS. En parlant de banalités commerciales et médiatiques, on peut souligner, avant de parler sérieusement, que l’année où le film de Tobe Hooper était présenté en compétition à Avoriaz (avec Antonioni en président du jury venu faire du ski), aucun film ne reçut le Grand Prix : raisons invoquées par les esthètes siégeant au jury, aucun film présenté lors du festival ne méritait une telle distinction, la sélection étant de trop mauvaise qualité !!! Allez, le critique, en tant que critique, peut retourner boire sa
verveine.

Avant toute chose, il est toujours impératif lorsque l’on veut évoquer MASSACRE… de bien souligner au marqueur et avec des néons autour un fait évident totalement évacué par les ignares et par les amateurs amnésiques : MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE n’est pas un film gore. A aucun moment le film ne montre de plans d’effets spéciaux, les coups sont toujours escamotés par le montage, et le titre s’avère tout bêtement ironique et suggestif. Ras le bol de lire ou d’entendre des âneries du genre «c’est le film le plus gore de l’histoire du cinéma» ou «on n’a pas vu plus violent depuis MASSACRE ». Ce pré-slasher brillant est une
œuvre suggestive et non démonstrative, un essai ambitieux et expérimental sur la suggestion, sur le regard, sur la position du spectateur. Le seul élément graphique du film, ironiquement, est le doigt de l’héroïne, entaillé de la pointe d’un couteau (pas plus gore qu’un serment scout). Le malaise, l’inconfort soulevés par le film résident précisément dans ce qui se passe hors champs, dans l’atmosphère sonore extrêmement impressionnante, et dans la terreur de cette
fille observant sa main au bout de son bras, obligée à regarder, ligotée. L’œil finit par emplir l’écran, par le dévorer. Des idées fortes qui trouveront leur écho baroque dans OPERA de Dario Argento – pour ne citer qu’une référence parmi tant d’autres. Parallèlement à cela, on peut juste souligner en complément que le film n’est pas non plus qu’une enfilade glauque de séquences
cauchemardesques, et qu’il est permis, parfois, de rire devant une scène lorsqu’elle est manifestement conçue pour être drôle (voir les références à Tex Avery dans la dernière ligne droite). Certes, ce film n’est pas de tout repos, OK il faut être averti avant de s’asseoir devant (je crois que c’est un peu le rôle du titre du film, en fait). Mais MASSACRE est surtout et avant tout un classique formidable et incontournable des années 70, à ranger aux côtés d’œuvres aussi « nobles » que
DELIVRANCE. Comme s’il avait explosé trop vite, Tobe Hooper allait par la suite peiner à retrouver une telle inspiration.
Le film allait connaître par la suite plusieurs séquelles, dont un second opus toujours réalisé par Tobe Hooper (un film hystérique et assez mémorable), un troisième signé Jeff Burr sans grand intérêt et un quatrième film en forme deremake, que je mentionne plus bas.

Un mot sur le récent remake (2003) orchestré par Michael Bay. Ce n’est pas forcément la bouse qu’on pouvait attendre, ceci dit, ce n’est pas une merveille, loin de là. Avant toute chose, il faudra que quelqu’un m’explique la raison pour laquelle la mention lourdement assénée « ceci est tiré d’une histoire vraie » est supposée rendre le film meilleur ou plus percutant. Si l’original de Tobe Hooper brodait effectivement sur un fait divers ayant par ailleurs déjà inspiré le PSYCHOSE d’Alfred Hitchcock, cette version de 2003 n’en est que le remake et ne revient en aucun cas à des sources véridiques – surtout au vu du manque de plausibilité des rebondissements. Le film de Marcus Nispel est dans l’ensemble fonctionnel et ménage ses petits effets, notamment dans sa dernière partie, bien méchante – bien qu’on soit très loin du « cauchemar » et de la « boucherie » vantés lors de la sortie en salles, le film n’étant pas plus gore ou plus dérangeant que MAY ou DETOUR MORTEL (de bien meilleurs films que ce remake, soit dit en passant). Le scénario a le mérite de proposer des variantes au cours d’un récit attendu, même si ces variantes paraissent parfois un peu invraisemblables. Bref, on se trouve face à un film d’horreur d’assez bonne facture s’inscrivant dans la vague du « retour au sérieux » du fantastique de ces dernières années. Je suis tout de même assez réservé quant au manque de personnalité du produit fini, l’imagerie glauque et suintante se mariant difficilement avec une recherche un rien nombriliste de la belle image – les sous-bois de MASSACRE éclairés comme si on était dans LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, ça le fait moyen. Et les personnages, dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont inégalement interprétés, ils ont pour certains tendance à taper sur les nerfs à conserver leur ‘cool attitude’ juste un peu trop longtemps. Le résultat est honnête mais tire plus vers le film d’action et de divertissement que vers l’épouvante, avec un arrière-goût douteux en grande partie dû à son esthétique facile et superficielle qui finit par franchement agacer. Un pur produit de consommation, parfaitement oubliable.

A choisir, je lui préfère largement le remake de 1997 réalisé par Kim Henkel (scénariste de l’original) avec Renee Zellweger (!), un film certes imparfait, mais qui s’avère bien plus intéressant par sa liberté et son étrangeté, parvenant à restituer (sans l’égaler) dans un film de bonne facture ce mélange si particulier d’humour non-sensique et de malaise profond – un malaise renforcé par la brève apparition (non mentionnée dans le générique) de Marilyn Burns,
rescapée du film de 1974.


Le Marquis.

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Publié dans Corpus Analogia

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D
Bien sûr!
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T
Fallait le dire...
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D
Cher Tournevis,<br /> <br /> Je ne saurais mieux dire!<br /> <br /> Dr Devo.
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T
le son quasiment permanent d'un groupe électrogène en fond sonore dans les séquences extérieures me glace encore le sang...<br /> c'est ça le cinéma : utiliser a dessein une palette de trucs techniques, plastiques ou sonores pour atteindre son objectif. celui-là étant de nous foutre le trouillomètre à zéro ! chef d'œuvre !
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L
Insolent!
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