BON CHIC MAUVAIS GENRE #131 : spécial "Magicien Lynch"
BON CHIC MAUVAIS GENRE, votre soirée mensuelle double-programme consacrée au cinéma transgressif, rare, délirant et précieux –programmée amoureusement par les projectionnistes du Majestic- revient ce vendredi 14 février au cinéma Majestic de Lille.
Pour cette 131ème soirée BCMG, nous voulions rendre hommage à David Lynch, réalisateur que nous adorons et qui a eu le mauvais goût de nous quitter il y a quelques semaines. Et on en a passé des films de David Lynch à Bon Chic Mauvais Genre !
C'est pourquoi nous avons préféré aborder le cinéaste en faisant un pas de côté et en revenant sur un film qui a littéralement obsédé le réalisateur : LE MAGICIEN D'OZ.
Nous commencerons par découvrir ou redécouvrir l'hal-lu-ci-nant MAGICIEN D'OZ de Victor Fleming, grand film populaire, certes , mais qui reste, 85 après sa réalisation, un long-métrage absolument bluffant et totalement dingo !
Nous entrerons ensuite dans le vif du sujet grâce au très étonnant et très original documentaire LYNCH/OZ de Alexandre O. Philippe qui a demandé à une poignée de réalisateurs ( dont John Waters!) d'analyser l'incroyable influence du MAGICIEN D'OZ sur le cinéma de Lynch.
Si vous connaissez pas ces deux films, on va tout vous expliquer ci-dessous. Suivez le guide…
[Note de D Devo: cette bande-annonce est beaucoup trop longue. Coupez au bout d'une minute !]
18H15 : THE WIZARD OF OZ de Victor Fleming, George Cukor et King Vidor. – USA – 1939 – 102min – VOSTF – copie numérique (dcp)
Avec : Judy Garland, Margaret Hamilton, Frank Morgan, Ray Bolger, Bert Lahr, Jack Haley, Billie Burke…
Dorothy est une petite fille du Kansas qui dans la grande ferme de son oncle et sa tante. Tout irait pour le mieux si Mrs Gulch, une acariâtre voisine, ne cessait de se plaindre de Toto, le petit chien de la petite fille. Un jour que Mrs Gulch menace d’enlever Toto de la garde de Dorothy, cette dernière décide de fuguer avec l’animal.
Mais une tempête se lève. Dorothy et Toto sont même pris dans une tornade. Et à leur réveil, ils ne sont plus au Kansas mais dans un mystérieux pays, peuplés de personnages tout aussi étranges : Oz. C’est le début d’une grande aventure pour Dorothy…
On l’oublie parfois, mais LE MAGICIEN D’OZ est sans doute le film le plus populaires de tous les temps, bien devant PSYCHOSE ou STAR WARS pour citer quelques films très populaires et qui sont devenus des légendes au fil des ans.
Tourné par George Cukor, King Vidor et Victor Fleming (même si c’est ce dernier qui a mis en scène le plus gros du film), en parallèle de AUTANT EN EMPORTE LE VENT (un bien mauvais film si vous voulez mon avis, mais bon, c’est un autre débat !), la production fut également énorme avec un tournage très long, un nombre de décors complètement fou et beaucoup de figurants et de technicien.
Et les deux premières choses qui marquent dans …OZ, ce sont son immense succès au fil du temps (alors qu’à sa sortie, le succès fut plus modeste) et encore plus l’énormissime influence du film sur l’imaginaire collectif et sur le cinéma. Le nombre de films citant ou faisant référence au MAGICIEN D’OZ est tout bonnement ahurissant.
Mais en tant que simple film, que vaut…OZ ?
C’est d’abord LE film hollywoodien par excellence, et en cela LE MAGICIEN D’OZ est d’abord un film de son époque. La mise en scène, richement dotée, marque d’abord par des décors inventifs, très artificiels mais bougrement efficaces, voire carrément subtiles à certains endroits. Et ce qui frappe encore plus, c’est l’incroyable palette de couleurs et le Technicolor tout à fait chatoyant qui baignent le tout.
Film pour enfants (au moins au départ) , …OZ est aussi une fable initiatique qui peut paraître à certains yeux, très naïve, voire édifiante. Comme la mise en scène devient souvent hystérique à force de kitscheries, …OZ donne l’impression d’une œuvre à la fois complètement dingue et bourrative qui étale la puissance de son budget à chaque instant. Pour être clair : on a l’impression d’asssister à un repas pendant 15 heures où on s’applique à manger un gâteau au chocolat et à la crème chantilly de 15 mètres de haut !
LE MAGICIEN D’OZ est too much et pour lui, comme disait le poète, “trop, c’est pas assez”. On est parfois impuissant devant la naïveté abyssale du propos, et souvent les bras vous en tomberont devant tout ce miel et ses bons sentiments, et ce d’autant plus que la jeune Judy Garland est absolument phénoménale dans le rôle de Dorothy. Elle aborde son rôle avec tant de sérieux et d’émotion qu’on est parfois très décontenancé !
Mais…
Mais en même temps, LE MAGICIEN D’OZ, malgré tout ce qu’on vient dire, est bien plus subtil et plus malaisant qu’il n’y parait. A côté de la folie sucrée et bariolée de beaucoup de scènes , se cache des décors ou des situations bien plus ambigus et humainement beaucoup plus riche (notamment un passage assez sombre en forêt et bien sûr, la révélation finale sur le magicien). Dorothy aussi change et, au fil des péripéties, semblent au fond trouver enfin sa liberté et le cran de défendre ce qu’elle pense.
Et malgré tout, même si c’est parfois kitsch, même si son jusqu’au-boutisme est déconcertant, LE MAGICIEN D’OZ dresse un portrait assez lucide sur le monde adulte, bourré de failles.
Mais plus important encore : TOUT EST RÉUSSI !
Et oui, les règles artistiques de ...OZ paraissent bien vaines et pourtant, c’est exactement le contraire qui se passe. Tout fonctionne. Le film est très rythmé et sait être parfois frénétique, parfois plus calme pour laisser passer, notamment, les chansons fort bien écrites (attention : on est en plein style Broadway !) et faire place aux effets spéciaux, multiples (trappes, faux décors, jeu de perspectives, etc.) et très ingénieux, au point même que certains d’entre eux sont non seulement, encore aujourd’hui, magnifiques mais, parfois aussi carrément bluffants ! [Pour tout dire, on se demande même comment ils ont réussi à faire certains effets.] On note aussi un très belle photographie et une direction artistique qui oscillent avec talent entre sens de l'impeccable ou, au contraire, une artificialité volontairement mis en avant.
Et c’est ce sentiment qui emporte tout. Kitstchissime, naïf, certes. Mais encore plus, LE MAGICIEN D’OZ, loin de la féerie gnangnan qu’on devine au départ, est un grand spectacle malin, beau et où presque tout est réussi. C’est pour ça que le film a eu une telle résonance, générations après génération, et qu’aujourd’hui encore il reste une œuvre d’une grande influence.
En venant le voir sur grand écran, vous allez vivre un grand moment de cinéma et vous allez voir un film qui n’a aucun équivalent !
20h30 : LYNCH/OZ de Alexandre O. Philippe – USA – 2022 – 108 min – VOSTF – copie numérique restaurée (dcp)
Avec: David Lowery, Aaron Moorhead, Justin Benson, Amy Nicholson, Rodney Ascher, John Waters, Karyn Kusama…
David Lynch, à toutes les époques, et dans de nombreuses interviews, a toujours évoqué LE MAGCIEN D’OZ comme étant sans doute une de ses influences principales. Il disait penser tous les jours à ce film. Et c’est vrai que les fans de Lynch ont bien remarqué que le film de Fleming avait fortement influencé SAILOR ET LULA bien sûr (film qui compte le plus de références à …OZ et qui pourrait presque s’envisager comme une relecture du film), mais aussi une grande partie de son œuvre.
Le documentariste Alexandre O. Philippe a demandé à 6 réalisateurs de livrer leur analyse sur l’influence du film de 1939 sur le cinéaste américain. En livrant leur opinion, les réalisateurs Karyn Kusama (JENNIFER’S BODY), Rodney Ascher (ROOM 237) John Waters, David Lowery ( A GHOST STORY), Aaron Moorhead et Justion Benson (formidable duo de réalisateurs, notamment du splendide THE ENDLESS), mais aussi la critique Amy Nicholson ne font pas que parler de l’œuvre de Lynch ni du MAGICIEN D’OZ mais aussi de leur propre vie et du cinéma en général !
Le documentariste américano-suisse Alexandre O. Philippe a certes eu une très bonne idée en voulant explorer l’influence du MAGICIEN D’OZ sur le cinéma de Lynch.
Comme on l’a dit plus haut, Lynch n’a jamais caché son admiration pour le film, et encore plus l’influence qu’il a eu sur son travail.
Mais Philippe n’a pas véritablement fait une analyse de cette influence. Il a plutôt imaginé un petit dispositif qui va tout changer : faire parler des réalisateurs (et une critique) sur le sujet, tour à tour, c’est à dire les obliger à “jauger” cette influence sur le réalisateur américain plutôt qu’à analyser telle ou telle partie de …OZ.
Et ça change tout ! En effet, LYNCH/OZ devient alors un documentaire surprenant où chaque intervenant a le temps de livrer sa version de l’affaire, mais surtout où chacun à une vision assez différente des autres. Le fantôme de Oz chez Lynch que l’on pensait quantifiable et mesurable devient plus subjectif et plus étonnant. Car personne n’aborde cette thématique de la même manière. C’est passionnant.
Au fil du film, une autre dimension se met en place. LYNCH/OZ devient une réflexion sur les USA. Les différents interviewés livrent ainsi une vision plus large de l’impact qu’a encore LE MAGICIEN OZ sur le pays et sur le cinéma en général. C’est précisément là, dans cette la chimie tranquille mais inattendue que LYNCH/OZ se fait le plus touchant et le plus personnel.
De son côté Alexandre O. Philippe déploie un montage précis, riche en extraits de films (toujours bien choisis) ce qui permet de nous replonger dans toute l’œuvre de Lynch avec délice. Le différents témoignages sont classés par intérêt croissant jusqu’à rappeler ce qui fait tout le sel de l’œuvre de Lynch : non pas un sens caché , mais bien plutôt un mystère qui appelle le spectateur à constamment dialogué avec elle (l’œuvre) !
LYNCH/OZ, par ce biais, est une grande réussite et un documentaire aussi original que touchant.
Dr Devo.
Dress-code de la soirée (3 dvd et un blu-ray à gagner pour le meilleur déguisement !): tout ce qui a rapport avec LE MAGICIEN D’OZ ou les films de David Lynch, chien, petites personnes, sorcières, paysan, savant fou, gangster, maniaque, loubard, agent du FBI, Divine ou spectateur du Majestic. [D'une manière générale, tous les déguisements sont acceptés!]
Le prix pour le concours de déguisement est remis au début de la deuxième séance !
Réservations possibles dès à présent à la caisse du Cinéma Majestic à Lille ou sur le site ugc.fr.
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Soirée proposée par le site Matière Focale.com, le magazine Distorsion et programmée par les projectionnistes du cinéma Majestic.
Tarifs: 15 euros les deux films (réservations pour ce tarif uniquement en caisse du Majestic) / 1 film aux tarifs habituels.