TOURNEE de Mathieu Amalric (France-2010) et CHONGQUING BLUES de Wang Xiaoshuai (Chine-2010): Cannes Focale 2010, Jour 1...

Publié le par LJ Ghost

Jury Cannes 2010 devo

[Photo: "Jury (jusqu'à ce que je m'arrête)" par Dr Devo.

 

 

 

 

La focalie plante de nouveau son drapeau sur la Croisette, dans les suites royales du Martinez et juste devant les starlettes, grâce à un badge pas très beau d'ailleurs, dont je vous raconterai peut-être l'obtention par Matière Focale dans un autre compte-rendu, et l'histoire est croustillante ! Juste pour te faire saliver, lectrice bien-aimée, lecteur adoré. En attendant ce moment tant attendu, entrons dans le vif du sujet avec deux films en compétition officielle.

 

 

 

TOURNEE de Mathieu Amalric (France-2009)

Mathieu Amalric a une moustache. Accessoirement, il est producteur de shows de "new burlesque", où des femmes plutôt rondes s'effeuillent par le biais de petits sketches comico-sensuels, et qui font fureur dans les petits théâtres de quartier avides de provoc et de grotesque. Il les a fait venir des USofA, et les emmène dans une tournée (jackpot !) européenne, en passant bien entendu par la France. Le Havre, La Rochelle, Nantes, Amalric les fait passer par les villes portuaires, contournant allègrement la capitale, dans laquelle il a vécu quelques années auparavant. Et pour cause, puisqu'à Paris, ce sont des ennuis qui l'attendent, et il semble ne pas y avoir laissé un bon souvenir. Après tout, pourquoi avoir amené les performeuses en France ? N'y aurait-il pas un peu, comme disait le poète, Ang Lee sous France Roche ?

 

 

Acteur fétiche des films pas très beaux d'Arnaud Despleschin, que vous avez aussi pu voir chez Spielberg (MUNICH), Resnais (LES HERBES FOLLES) ou Besson (ADELE BLANC-SEC), Amalric semble un peu être la caution intello du cinéma français, ce qui ne lui va pas trop mal et ce dont il semble s'amuser et profiter, grand bien lui fasse. J'avoue même le trouver plutôt bon, ce garçon. Après une poignée de films en temps que réalisateur (notamment LE STADE DE WIMBLEDON), il repasse derrière la caméra (et devant, par la même occasion) pour ce TOURNEE, étrange dépiction du monde du new burlesque. Ou du moins, c'est ce que l'on pourrait croire.

 

 

Parce que finalement, ce que fait Amalric, c'est qu'il se suit lui-même. Fatigué, colérique, courant toujours partout, sorte de Droopy qui aurait bouffé Klaus Kinski (ou l'inverse), il hante le film comme une ombre. De ce fait, il ne s'intéresse pas tant aux performances burlesques, ni à ces femmes en particulier, mais plutôt à ce qu'elles représentent : l'échappatoire définitive de ce personnage. Il se sert d'elles, dans un premier temps, pour voir si sa vie peut changer, pour essayer, juste pour essayer, autre chose que ce qu'il a fait jusque là, ou plutôt pour échapper à tous ces gens qui lui en veulent, à tout le mal qu'il a pu faire dans sa vie d'avant. Il y a un film entier avant le film, mais on n'en saura jamais rien, j'y reviens un peu plus bas. Bref, nous sommes dans le nouveau paradigme de cet homme, dont nous ne savons rien, et que nous regardons s'ébrouer, suer, s'égosiller, tout cela dans le vent. Puis, le film dérive vers (un peu) autre chose, une sorte de chronique familiale, avec Amalric dans le rôle du père et deux ignobles gamins dans le rôle des enfants, qui évidemment sera semée d'embûches, de râtés, de non j'ai jamais été là pour vous mais je vous aime quand même, tout ça. Je ne vais pas vous dévoiler le reste, bien que je pourrais, tant tout cela n'a aucune espèce d'importance, mais j'y viens tout de suite.

 

 

TOURNEE aurait pu être un film réussi. Le problème, enfin, un des problèmes, vient du nombre d'informations donné sur le personnage, sans que jamais ils ne s'incarnent dans la narration. Je m'explique. Tous les évènements ayant eu lieu avant le film, et il y en a beaucoup, ne sont que suggérés et ne se matérialisent pas, ne s'expliquent pas, Amalric ne donne aucune raison aux problèmes que rencontre son personnage, il nous montre simplement le résultat de ses actions passées. Dit comme ça, ça intrigue, ça sent la bonne idée, du mystère" pas si mystérieux parce que l'on arrive tout de même à deviner ce qu'il a fait", et on nous évite les psychodrames de deux heures (en écrivant, je me rends compte que chacun de ces "problèmes" aurait pu servir de sujet à n'importe quel film sociologique français sur les trentenaires bobos parisiens pour qui la vie, elle est trop dure ! Amalric les balaie d'un revers de la main et ne montre que l'après, et c'est pluôt bien vu – sur le papier...). Sauf que finalement, ce trop-plein de non-dits est plus inconsistant qu'autre chose. On se retrouve avec un personnage léger, lisse et filiforme, sans vraiment d'aspérités, qui se contente d'aller voir à droite et à gauche pour trouver les causes de ses traumas, mais sans y faire quoique ce soit, et sans que cela ne solidifie le personnage ou n'apporte la moindre petite contradiction. Le personnage est monocorde, et ressemble à une coquille vide. Amalric reste à la surface de son sujet, de son personnage, et ne creuse jamais plus profondément. Il fait du surplace, et le film avec.

 

 

Du côté de la mise en scène, ce n'est vraiment pas très bon. Les cadres sont à peu près tout le temps hideux, avec acteurs coupés, morceaux inutiles d'éléments de décor, et même s'il fait parfois quelques efforts (l'ascenseur avec le pilote), tout cela est très paresseux. Le mixage sonore est aberrant, la musique et certains sons d'ambiance étant bien trop forts, et s'il semble varier quelques fois en fonction du point de vue (quand Amalric regarde les spectacles, par exemple), il le fait pour deux ou trois plans puis abandonne l'idée quand on revient finalement sur le champ initial. Malgré le montage dirigiste et monotone (sauf dans le Buffalo Grill, où le contre-champ sur la fille qui pleure vient juste un peu trop tard, ce qui casse totalement le rythme et apporte saillie et aspérité, donc émotion), il y a une vraiment belle idée de photographie, pas renversante, mais qui fonctionne totalement : vers la fin du film, Amalric est allongé dans le lit d'un hôtel, seul, dans le noir, mais pas exactement. Le plan commence dans la pénombre puis le rideau de la fenêtre à l'arrière plan bouge, laissant entrer le soleil, qui éclaire le visage d'Amalric, qui est allongé de côté, face caméra. Il y a donc, dans le même plan, le visage du personnage qui est éclairé de face par une lumière qui vient visiblement de son dos, ce qui offre un petit côté fantastique qui n'est pas désagréable et qui élève vraiment la scène et l'enjeu de ce qu'il s'y passe. Une dernière chose, à part Amalric et parfois les filles du new burlesque, les acteurs sont mauvais comme des cochons, ils pédalent dans la semoule, la gelée, la descente, tout ce que vous voulez, mais c'est une horreur.

 

 

Je suis peut-être un peu sévère, mais il y avait du potentiel dans ce projet, la possibilité de faire quelque chose de plus grande envergure artistique, et toucher au coeur. Au lieu de cela, Mathieu Amalric s'arrête à la peau.

 

 

 

 

 

CHONGQING BLUES de Wang Xiaoshuai (Chine-2010)

Un père de famille, marin passant la moitié de l'année dans l'eau, apprend que son fils d'une vingtaine d'année a été tué par la police suite à une prise d'otage. Il décide donc de rentrer dans sa ville d'origine et d'enquêter, afin de découvrir la manière dont s'est passé le drame.

 

 

Premier film de Wang Xiaoshuai que je vois, bonjour monsieur, mais mon oreillette me dit qu'il a gagné un prix du Jury en 2005 pour SHANGHAI DREAMS, bravo monsieur.

 

 

Nous suivons donc le père dans ses errements, marchant tel un fantôme dans cette ville chinoise grise et brumeuse, à la poursuite de celui de son fils. L'idée, c'est que le puzzle est reconstitué d'entrée, les journaux ayant relayé l'affaire en long et en large, le père va essayer de déconstruire les morceaux afin de comprendre les raisons qui ont poussé son fils à agir comme il l'a fait, mais également à apprendre à le connaître, lui qui le connaît à peine. Il part donc à la recherche des témoins, victimes, amis de cet enfant, et ainsi accéder un peu à ce qu'était ce cher inconnu. Le souci, c'est que si l'idée est intéressante, faire le chemin à l'envers, elle n'est pas aidée par la mise en scène, qui se contente d'être une longue succession de caméras portées, collées entre elles sans vraiment de jeu (sauf à certains endroits, mais j'y reviens), ce qui a tendance à être rébarbatif au bout de la centaine de minutes que dure le métrage. Mais le problème vient plutôt de la narration, qui aurait pu être éclatée et empreinte de subjectivité, mais c'est tout l'inverse qui se passe à l'écran. L'enquête du père se déroule dans l'ordre chronologique de la prise d'otages fatale, c'est-à-dire que le père trouve une personne qui lui raconte quelque chose qui la concerne, puis s'arrête, puis il trouve quelqu'un autre, qui reprend exactement où la précédente s'était arrêtée, et ainsi de suite. Ce chapitrage qui ne s'avoue pas clairement est un peu dommage, dans la mesure où il n'y a alors plus d'aspérités ni de contradictions : chacun explique sa partie, et n'est jamais remis en cause par personne. L'article du journal sur l'incident disait vrai, et en gros, il n'y avait rien à ajouter quant au déroulement du crime. Le réalisateur perd donc là, malheureusement, un peu de jeu, et un peu d'intérêt quand on comprend, rapidement, où il veut en venir avec cette enquête. Il y a malgré tout, vers la fin du film, des scènes qui montrent un peu plus en profondeur les liens qui unissent (qui désunissent) le patriarche et sa progéniture, et quand finalement on comprend que c'est cela qui intéresse le metteur en scène, le film se termine déjà. C'est un peu dommage.

 

 

Il y a quand même quelques belles choses dans ce film, comme l'idée de la photo du fils, dont je ne peux pas trop parler pour ne pas tout dévoiler, mais qui s'étiole un peu, l'idée elle-même dure trop longtemps, est trop appuyée pour toujours fonctionner. Il y a également ce très beau contre-champ en ellipse : le père et une jeune fille discutent sur un banc, quelques champ/contre-champ, puis plan sur la fille, contre-champ sur le père dans un tout autre endroit, à un tout autre moment, parlant à une toute autre personne. Autre beau contre-champ en ellipse, à la fin du film, entre le père et le fils. Quelques trucs, cependant, sont un peu gros, comme ces changements "chromatiques" selon les époques : noir et blanc avec une teinte marron pour les flashbacks, légère désaturation pour le présent et saturation des couleurs pour le "futur", ce qui n'est quand même pas très fin, vous l'avouerez, même si au final cela apporte une légère cassure.

 

 

Finalement, cette première journée n'a pas été si mauvaise, simplement un peu morne. Rien de très reluisant. Cela ne peut donc qu'être mieux, allez, il faut y croire !

 

LJ Ghost.

 

 

 

 

 

Découvrez d'autres articles sur d'autres films en consultant l'Index des Films Abordés.

Retrouvez Matière Focale sur 
Facebook.

Publié dans Corpus Filmi

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
<br /> <br /> Salut, cher lecteur!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Quel commentaire constructif! ceci dit, une chose me chagrine. Comme tu sais pusique je ne doute pas une seconde qye tu aies lu l'article en entier, celui-ci traite de 2 films. Ma question est<br /> donc: mais de laquelle des deux critiques parles tu?<br /> <br /> <br /> Et, si jamais tu nous postes ta réponse, peux tu préciser pourquoi ça pue? ca permettra de mieux comprendre et de faire ta connaissance dans un esprit de franche camaraderie!<br /> <br /> <br /> Sinon, un bon été!<br /> <br /> <br /> Dr Devo.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
T
<br /> <br /> Quelle mauvaise critique. Ça pue.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre