DESTRICTED, de Matthew Barney, Marina Abramovic, Marco Brambilla, Larry Clark, Richard Prince, Sam Taylor Wood et Gaspar Noé (USA, Yougoslavie,France,UK, 2007) : Oeil Profond (épisode 2, suite et fin)

Publié le par Dr Devo

[Photo : "La Vie Est un Immense Fauteuil en Forme de Fesses"

par Dr Devo, d'après une photo tirée d'un spectacle de Laurie Anderson]

 

 

 

Chers Focaliens,

Vous reprendrez bien un petit peu de fesse ? Oui, merci mais juste une louche s'il vous plaît... Par ici, Monsieur, je vous mène à votre table...


IMPALED de Larry Clark (USA, 2007): La Bête dans la Belle...

Et, comme par hasard, quand on parlerait de sexe, de pornographie et d'art, il ramènerait sa fraise, le Larry Clark. En participant à DESTRICTED, Clark joue bien sûr à domicile. Larry Clark est une sorte de David DeCoteau trash. Le réalisateur/producteur de LEECHES!, ce qu'il le botte, c'est de faire un film d'horreur ou fantastique avec des superbes filles et surtout de beaux apollons. En faisant semblant de tourner des personnages de manière conventionnelle, on devine très bizarrement que ce qui l'intéresse, c'est de filmer des minets athlétiques en Calvin Klein ! C'est très étonnant (reportez-vous sur l'article concernant LEECHES!) nous les gars, si on veut voir ce que ça fait, un film dont le sex-appeal est normé à l'envers, c'est-à-dire vers nous, les mâles ! C'est très étonnant, et je crois que voir ce film, un des meilleurs de DeCoteau, c'est quand même se mettre pendant une heure et demie dans la peau d'une femme regardant le cinéma hollywoodien. Voir un homme-objet (mais pas seulement objet) être le produit d'appel de la séduction d'un film est une étrange expérience.
[En fait, parler de LEECHES! alors qu'on s'apprête à parler de IMPALED n'est pas forcément pertinent, mais j'avais envie de parler de David DeCoteau ce matin...]
Clark lui, ce qui l'intéresse, au fond, et je le dis avec humour car ça n'empêche pas le talent, c'est de voir des petits jeunes, garçons ou filles, faire des galipettes dans tous les sens. Quand il s'est adonné au genre fantastique dans TEENAGE CAVEMAN, là aussi, il y avait une nette propension à mettre tout le monde en soutifs et en boxer, et fissa, ce que le sujet permettait largement du reste. Et la pornographie, il s'y est déjà attaqué, à travers KEN PARK où, au travers d'une histoire scénarisée et avec une mise en scène de cinéma, Clark s'intéressait surtout au sexe, et ses jeunes acteurs, si on ne les voyait pas toujours nus (je me souviens d'un coït avec un garçon qui gardait son caleçon et une fille qui gardait sa culotte, techniquement c'était pornographique, dans le sens où les acteurs ne "simulaient pas". Il y avait actes sexuels sur plateau, donc pornographie). Je trouve que c'est aussi dans ce film que Clark s'est montré le plus faible. Est-ce à cause de cette volonté de faire un film "normal" avec des actes techniquement pornos ? C’est sans doute un peu vrai. Je me souviens d'une remarque très juste de Tournevis, notre collaborateur (que je salue d'ailleurs). Il me rappelait une scène de fellation où Clark en début de plan avait établi un cadre, pas laid dans mon souvenir en plus, et avait demandé à l’opérateur, toujours dans le même plan mais après un certain temps, de panoter la caméra vers le bas pour qu'on puisse voir le sexe de son acteur. La caméra panote, le cadre n'est pas très beau, mais plus que ça, c'est cette intention bizarre, recadrer in vivo, qui rendait mal à l'aise : comme s'il y avait là une certaine complaisance chez Clark. Le réalisateur a toujours été attiré par la chair fraîche, c'est sûr, et c'est son problème, je n'y vois pas d'inconvénient. Mais dans ce plan et dans ce film, peut-être pour la première fois, Clark plaçait le sexe, ici "réel" en quelque sorte, avant la mise en scène, ou le film ! L'idée était donc dérangeante : la pulsion érotique passait avant l'esthétique... Erreur ! J'avais donc quitté Clark sur cette impression mitigée, ce qui, à mes yeux, n'enlevait aucun mérite à ses autres films.

IMPALED est une sorte de documentaire. Et Clark est peut-être celui qui est au plus près du cahier des charges de DESTRICTED. Le réalisateur a en effet passé une annonce dans un journal californien demandant à de jeunes garçons adultes, autour de la vingtaine, consommateurs de pornographie, s'ils voulaient bien passer une espèce de casting informel, une interview en fait, au cours de laquelle on leur poserait des questions sur la pornographie. À l'issue des entretiens, tous filmés bien sûr, et menés par Clark lui-même, le réalisateur choisira un des gars à qui on proposera de rencontrer des actrices pornos professionnelles. Lors de ces rencontres, ce n'est plus seulement Clark, mais le "lauréat" (je m'excuse par avance de ce terme) qui mènera l'entretien. Il sélectionnera ensuite celle avec qui il voudra avoir un rapport sexuel, et je choisis ce dernier terme avec soin, là, par contre.

Oui, dis comme ça, et c'est sans doute la vérité, le film de Clark paraît absolument provocateur. Je pense que le fait d'avoir découvert le film en salle en ne sachant pas du tout, mais alors vraiment pas, ce qu'était la démarche, que l'on découvre petit à petit, comme une chute par palier, dans cette perspective innocente, dis-je, donc, je crois que le film est sûrement plus violent, mais permet aussi de découvrir le dispositif sans a priori, ce qui n'est pas du tout une mauvaise tactique.
IMPALED est un film complètement hors-norme, certes, mais aussi ahurissant. Ce qui stupéfait votre serviteur, c'est l'absolue franchise de Clark, peut-être pas dans ses intentions sourdes (ça, je vous laisse juges), mais par rapport au film lui-même. Extrêmement construit sur le plan sémantique, IMPALED annonce très clairement et en toute franchise la couleur. Il s'agit de tendre la main à une génération ! Clark a 64 ans. Sa jeunesse, c'était les années 50-60. Au début du film, Clark le dit clairement à un de ses candidats : ce qui l'intéresse, c'est de voir comment s'est construite une génération de petits mecs qui sont nés dans un monde où l'industrie pornographique était déjà une institution ayant pignon sur rue. Clark veut comprendre, et mieux, voir et entendre (dans tous les sens du terme) comment on peut fonctionner dans un tel contexte, là où lui, dans sa propre jeunesse, n'a pas eu accès, et n'aurait pas pu avoir accès, au matériel pornographique qui circulait déjà à l'époque ("C'était impossible", dit-il). Et Clark va être servi ! Et nous, spectateurs lambdas, dix mille fois plus !
Les interviews sont effarantes, mais curieusement, le climat dans lequel elles se déroulent, est d'une extrême courtoisie. Clark pose des questions précises, et les jeunes y répondent avec un sérieux et une franchise impressionnants. Pour ceux d'entre nous qui ne consomment pas de pornographie du tout, nous avons l'impression de débarquer peu ou prou sur une autre planète bien sûr, mais assez calme, pas du tout dans un climat d'hystérie sexuelle telle qu'on aurait pu l'imaginer. Clark avance à pas calculés et pose exactement les questions-clés, parfois en ayant l'air de ne pas y toucher. À quel âge ont-ils commencé à voir des films pornos ? Dans quelles circonstances ? Pourquoi ont-ils répondu à l'annonce ? À quel âge ont-ils été dépucelés ? Dans quelles circonstances ? Que leur apprend le porno ? Qu'est-ce qu'ils aiment dans les films ? Quelles sont leurs habitudes sexuelles lorsqu'ils couchent avec une fille ? Etc. Et de temps en temps, Clark pose des questions plus anodines, moins graves en quelque sorte, mais qui, presque toujours, sont quasiment les plus pertinentes, car elles mettent en lumière certaines conséquences, certaines découvertes théoriques, sous des jours absolument terrifiants. Je m'arrête là quelques instants. La question qui amène les réponses les plus significatives et les plus violentes arrive comme par hasard (mais ce n'en est pas un). Clark demande à chaque candidat de se déshabiller. Et là, la même question revient. IMPALED est un film d'une effroyable violence, mais c'est dans cette question que Clark a été pertinent. Il a simplement demandé, une fois les jeunes nus, pourquoi ils rasaient ou tondaient leur pubis. Rien de plus, et tout bêtement. Le film contient une violence verbale de temps à autre, mais le ton, comme je le disais, est toujours courtois. Le film contient une certaine violence physique dans sa dernière partie, c'est aussi certain, et cette violence est multiple, on le verra. Mais dans cette simple question, plus anodine, moins cruciale que les autres, Clark montre à mon sens la "pertinence", ou plutôt "l’intelligence" de sa démarche. Cette question intervient à la fin du premier tiers du film. On vient de se "manger" toutes les questions que je donnais en exemple. Mais là, avec la question du pubis, Clark entérine tout ! Après tout, après le Verbe, on touche là, symboliquement et concrètement, à l'intimité totale de ces garçons. Là, dans leur corps, pour la première fois, on s'aperçoit CONCRÈETEMENT de la réalité quotidienne et crue qu'implique l'importance de la pornographie pour ces jeunes. Et Clark met le doigt avec force sur quelque chose de simple mais d'essentiel, et bougrement incarné bien sûr : loin d'être le simple divertissement anodin et "ludique" vendu, la pornographie transforme les hommes ! C'est une usine. Plus qu'un objet de consommation, c'est un moule, une norme. Nous venons de voir des garçons ayant tous des personnalités différentes, des looks souvent travaillés et originaux, des démarches et des systèmes de pensée qui ne ressemblent pas les uns aux autres, et là, en un instant, buck naked, que découvre-t-on ? Ils sont tous exactement pareils. Dans leur intimité la plus stricte, la plus secrète, dans leur chair même, ces jeunes gens sont absolument tous pareils. Le corps est devenu une nomenclature, une norme et, c'est le mot qui m'est venu pendant la séance, un uniforme. La pornographie a transformé le corps de ces gars en un uniforme, et les a normés avec plus de force, sans doute, (en tout cas avec le plus d'efficacité, car ces jeunes semblent, en apparence, libérés et libres, justement, de toute contrainte) que n’a pu en avoir leur éducation ! Ces jeunes mecs ont mis leur sexe et leur cerveau dans un moule ! Bien sûr, inspirés par les films qu'ils ont vus, pas un d'eux, même pas un seul, ne s’est pas rasé ou tondu le pubis... Clark n'est pas né de la dernière pluie et il sait très bien que le rapport à la sexualité fait partie de l'identité elle-même, la construit. Ces plans et ces sons, au moment où la question du pubis vient sur le tapis, sont absolument effrayants. Je sais très bien qu'un des sujets qui me touchent et qui revient souvent dans le cinéma américain est l'écrasement de l'Individu par la Société, par la violence du nombre qui écrase les identités propres. J'ai rarement vu un exemple aussi concret, et l'image est d’une violence, alors, complètement inouïe, d'une puissance insoupçonnée. Le vrai scandale est là, dans ce qu'a fait la Société à ces jeunes (et dans ce qu'ils se sont faits eux-mêmes), et vous l'aurez compris, ne serait-ce que pour ce grand moment de violence (qui n'en empêche pas d’autres dans la dernière partie du film), IMPALED n'est jamais une chose ludique ou une partie de plaisir, c'est un trou désespérant du monde. Âmes sensibles s'abstenir, donc.

Plus prosaïquement, le film de Clark dresse un portrait triste, banal et violent (encore !) de cette jeunesse. C’est la force de la première partie du film. On se dit, dans les premières minutes, que Clark a forcément entre les mains les individus les plus "motivés" par l'expérience pornographique. Et on découvre au film des interviews, et même parmi les plus abrutis de ces petits jeunes, une lueur complètement enfantine. Ces gars sont des gamins et pas de jeunes adultes. Ils semblent tous paumés, à plus ou moins grande échelle. Ils me rappellent un peu ces vieilles photos de gamins de douze ou treize ans qui travaillaient dans les mines ou dans les champs au début du siècle dernier : les faciès sont jeunes mais le regard est usé, déjà décati. Ici, c'est la même chose. Clark, pendant ce temps-là, compte les points. Et il met le doigt sur les tenants et les aboutissants de la consommation pornographique. Untel baisera ses copines en prônant la violence des rapports humains tels que montrés dans les pornos. Un autre sera sensible aux aspects de soumission de la femme, objet de plaisirs et en abusera sans doute. Untel se révélera complètement socio ou psychopathe. Un autre avouera sa fascination pour les femmes et leur plaisir (quand même !). Untel, et c'est un moment très touchant et d'une tristesse infinie qui montre bien que Clark sait aussi être d'une délicatesse réelle, et qu'il n'est pas dupe des enjeux sociaux à l'œuvre dans la société des teenagers, rapports eux-aussi violents mais qui ne sont pas présents dans le microcosme qu'est le film, Untel dis-je, participe au casting du réalisateur simplement pour perdre sa virginité. [C'est un joli moment qui rappelle aussi qu’un des enjeux du porno réside dans le fait que beaucoup, pour des raisons sociales (le look, le physique notamment), n'ont pas accès, tout bêtement, à la sexualité, thème très peu souvent abordé je trouve, et qui pourtant me semble absolument primordial dans la vie sexuelle ET affective d'un jeune individu... Les lecteurs et lectrices de Matière Focale qui ont la chance d'être gaulés comme des dieux me pardonneront cette parenthèse !].
Des gars perdus, des petits anges abîmés. Et des choses qui choquent par leur absence. Chacun fait ce qu'il veut avec ses fesses, bien entendu, et encore heureux (!), mais on note un certain nombre de faits que ces jeunes n'évoquent jamais. Pas une fois ne sont prononcés les mots "parents", "femmes" ou le mot "couple" par exemple. Pas une fois on ne parle de sentiments, même affectifs sans être amoureux. Pas une fois le mot "masturbation" (la pornographie est vraiment une activité de consommation sociale avant d'être le lieu de plaisirs qu'on nous vend). Rien sur la jouissance ou le plaisir, ou presque. Les mots du vocabulaire affectif n'arriveront, et encore, pendant un acte sexuel extrêmement normé et rendu artificiel par l'expérience documentaire elle-même, qu'avec la présence de l'actrice porno, et uniquement pendant l'acte, mais ce seront les rares mots de dialogues (ce dialogue semble directement sorti du doublage d'un porno !), lors de cette séquence mécanique. C'est une société de vieux jeunes ou d'adultes infantiles qui nous est présentée, une génération perdue d'une tristesse sans borne. Et qui n’ont finalement aucune éducation (au sens de "parcours" aussi) sexuelle. Il faut voir quand même ici et là comment Clark essaie de dire des choses simples, évidentes pour tout un chacun. Je pense par exemple à ce gars qui pense que son sexe est minuscule. Evidemment, comparé aux standards monstrueux de l'industrie...

La deuxième partie du film, c'est celle du casting des actrices pro par le jeune sélectionné lui-même. C'est aussi là le moment le plus mécanique du film, et c'est bien logique. Clark fait alors se confronter l'univers fantasmé des jeunes pornophiles à celui des actrices, qui n'est rien d'autre qu'un univers du travail. Conditions de travail, fréquence des jours de labeur, dessous techniques de certaines pratiques. Là aussi, malgré leur "professionnalisme" (elles sont là en V.I.P, et aussi en tant que travailleuses, et donc elles sont en représentation), on sent, surtout chez certaines, qu'elles sont usées et brisées, mêmes si elles sont jeunes. Mais curieusement, on a aussi le sentiment net que ces femmes sont des adultes, elles. Et pour cause, se dit-on, ce sont des ouvrières, elles sont dans le monde du travail, ce qui change bien les choses.
La toute dernière partie, c'est la scène de sexe entre le jeune et l'actrice qu'il a choisie. Ça se passe de tout commentaire. Cette scène pornographique tournée là sur le pouce pour ainsi dire, est monstrueuse. Pas de musique, pas de dialogues post-synchronisés, rien que le mouvement, et là aussi le labeur. C’est un travail. Le jeune "travaille" sa partenaire, on a l'impression que la séquence dure éternellement et que la jouissance, triste, ne viendra jamais. Il faut un temps infini à ce jeune pour arriver à terminer. De son côté, l'actrice une femme d'une quarantaine d'année, encore très bien conservée, elle, travaille. La servilité est mécanique, mâtinée, il faut bien le dire, d'un jeu d'actrice (sourires, amabilité, mise en confiance, mais le tout dans des proportions trop marquées pour ne pas être la marque du professionnalisme). On s'aperçoit alors de deux choses. Faire du porno est une activité qui, sur le simple plan physique, broie les corps et les violente de manière insoutenable. Et d'autre part, cette partie de jambes en l'air glauque met en lumière de manière évidente le fait suivant : comme le dira Gaspar Noé, mais dans un tout autre contexte, je ne fais que reprendre ses mots et les détourner, "on baise seul". Arrivé au bout de son fantasme, le jeune homme ne fait que se masturber quasiment. Il aurait une poupée gonflable entre les mains que cela ne changerait sans doute pas grand chose. Qu'il ait choisi une femme qui a quasiment l'âge de sa mère, plutôt que celles qui ont le sien, rend la chose encore plus triste.

Il y a évidemment quelque chose de dérangeant dans la démarche de Clark. Mais en même temps, le réalisateur, avec rigueur et sans vergogne, démonte tous les enjeux de la consommation pornographique qu'il dévoile sans fard, dans la banalité la plus quotidienne. Filmé au camescope, sur un divan dans une salle aussi minuscule que ma chambre, Clark insuffle à son film un élan assez nerveux, notamment grâce au montage (pas toujours assez tendu à mon goût d'ailleurs). Il insiste aussi de manière ostentatoire sur les conditions du tournage (on entend souvent la voix de ses collaborateurs dans les pièces avoisinantes), et rien au final ne nous convainc de l'aspect documentaire ou pas du film. Ça pourrait très bien être une fiction ! Le virtuel rejoint le réel, ce qui est somme toute assez logique. [Je pensais aussi que certains personnages du documentaire, si c'en est un, sont à la limite de l'actorat. Ce qui ne me dérangerait pas !] Le film en l'état est en tout cas le plus violent de Clark. Pour ma part, j'aurais sans doute raccourci quand même un peu les interviews des actrices. Sans militantisme, et sans cacher, sans doute, une certaine fascination pour cette génération qui l'intrigue, Clark signe là un portrait quasiment inhumain, et pourtant sans doute commun, du sexe. Mais dans sa volonté de montrer la réflexion en cours, de démonter le meccano pornographique avant de se mettre au charbon, Clark fait aussi preuve d'une certaine honnêteté. Le film n'est en tout cas pas spécialement aimable et laisse au spectateur, à moi en tout cas, le sentiment d'une ultra-violence qui pourra dans certains cas je pense, faire penser que c'était là une drôle d'idée de mettre ce film à cet endroit là, en plein milieu de DESTRICTED, tant on se sent épuisé à la fin de IMPALED. Il va être dès lors très intéressant de voir vers quelle direction Clark va se tourner pour ses prochains films. Plus qu'un cinéaste de la fascination sexuelle, Clark est, faut-il le rappeler, un cinéaste de la violence.


WE FUCK ALONE (france-2006): Le Cerveau qui Voulait Jouir...

Allez, je bouscule la chronologie de la séance, et propose de suite le dernier film de DESTRICTED. Là aussi, c'est un choix curieux. Voir DESTRICTED est quelque chose d'assez dense, qui consomme parfois beaucoup d'énergie, et finir par le Noé est, encore une fois, une étrange idée. Beaucoup n'ont plus d'estomac à ce moment de la projection, et pour ma part, lors de la séance, j'ai assisté au départ (bruyant d'ailleurs) de 15-20 personnes, soit les deux tiers de la salle. Et bien tant pis pour eux ! Ils ont loupé quelque chose d'intéressant.

Dans un tout autre style et dans le cadre de la fiction, Noé non plus, et tant mieux, n'y est pas allé de main morte ! S’il rejoint beaucoup de ses collègues dans la mise en place d’un dispositif imposant et solide (Barney, Brambilla et Prince comme nous allons le voir), Noé sait aussi faire avec WE FUCK ALONE (dont par chance j’ignorais le titre à la projection, ce qui fut un certain moment d’émotion lorsque le carton final est apparu) un film assez troublant qui arrive à trouver sa respiration hors de sa structure et par elle, justement. [Ce qui est toujours un peu limite, et qui fait aussi le charme de certains films de Matthew Barney, qui lui joue carrément sur cette frontière !].

Dans une chambre d’adolescente, une jeune femme nue, brune, maquillée en lycéenne, se caresse. Elle utilise notamment comme compagnon de plaisir un gros ours en peluche dont elle glisse la tête entre ses cuisses. Curieusement, sur un meuble, est posée une petite télé qui diffuse une bien étrange scène…
Il s’agit d’images en gris et noir (position «nightshot » de la caméra vidéo, ou plutôt une stylisation qui y fait penser), tournée dans une espèce de cave. Un homme fait assez sauvagement l’amour à une femme dont on ne sait pas si on la force. L’ambiance est quasiment glauque, le rapport sexuel est très tendu (sans jeu de mot), empreint, sans qu’on puisse mettre complètement mettre le doigt dessus, d’une certaine violence, très stylisée. Film porno amateur ? Snuff movie ? La femme souffre-t-elle ? Pourquoi cette soumission ? Dur à dire…
Dans une autre pièce. Il s’agit d’un petit appartement. Un homme d’une trentaine d’années se masturbe en regardant cet étrange film pornographique sur sa petite télé. Le montage alterne alors, en de compliqués mouvements d’appareil (ça n’arrête pas, yummy yummy !) le passage dans ses trois espaces, revenant à la jeune fille seule, passant dans cet étrange porno, et revenant dans l’appartement du gars qui se masturbe (ordre très variable d’ailleurs, pas de règle). Après s’être simplement masturbé, le type dans son appartement sort sa poupée gonflable (brune) et lui fait l’amour dans toutes les positions, et va jusqu’à menacer celle-ci (la poupée) avec un revolver. Le film porno à la télé change d’aspect et de photographie, et tout en restant très étrange, il change de statut…

Noé, comme à l’accoutumée, et c’est tant mieux, a choisi un dispositif de mise en scène très marqué. Mouvements de caméra rappelant les transitions de IRRÉVERSIBLE, photo à la Benoît Debie (ou peut-être même de lui, je ne sais pas, mais ça ne m’étonnerait pas), et espaces abstraits. La bande-son, très travaillée, contribue avec efficacité à l’ambiance dérangeante puis étrange du film entier. Elle produit des bruits bizarres, un bébé qui pleure comme dans la pièce d’à côté (chez la jeune fille et chez le gars qui se masturbe), pulsations, etc. Je vous laisse découvrir ça, c’est délicieux. Et puis, cerise de la taille d’un tractopelle sur la délicate gaufrette, Noé a choisi de réutiliser un procédé qui lui plaît pour la photographie. Pendant tout ce long court-métrage, l’image est interrompue sans cesse par un effet stroboscopique, non pas blanc comme en discothèque, mais noir. Comme si vous battiez des paupières à assez grande vitesse ! C’est très étonnant, et justement, voilà qui rend le battement de paupières du spectateur assez ludique et très sensuel ! [Rappelons que Raul Ruiz dit que chaque spectateur refait le montage du film en clignant des yeux et en rajoutant ainsi des images noires ! Ainsi un film vu deux fois n’est jamais tout à fait le même film ! Je souscris évidemment à 100% à cette théorie absolument exacte et pertinente !] Ainsi, c’est du lourd, c’est beaucoup de parti-pris que ce WE FUCK ALONE.
 
Le résultat, une fois plus chez Noé, est complètement admirable. Le parti-pris est couillu (sans jeu de mot, là non plus), les idées sont très marquées, mais l’expérience est assez subjuguante. L’effet stroboscopique, la narration du film, se fondent complètement avec le montage, très sensuel au sens propre. Le montage d’ailleurs, et le cinéma, n’exploitent pas assez cette piste bien qu’on en voit de beaux exemples sans cesse dans L’ARCHE RUSSE de Soukourov (qui d’ailleurs est encore en compétition à Cannes et va encore repartir les mains vides, comme d’habitude !), le montage, dis-je, est très précis et très mouvant, car il est allié sans cesse aux mouvements de caméra. Si le dispositif construit un plan-séquence fantasmagorique, les basculements de point de vue qui ne cessent jamais, même dans une seule pièce, le film fait, par conséquence, du montage par l’incessant recadrage induit par ces mouvements. Et ça, faire du montage in vivo par les mouvements de caméra puis reprendre la main par le montage en post-prod, est un processus riche, poétique et offrant d’infinies possibilités, que j’adore. On peut donc faire du montage en filmant ! Qu’on se le dise. Rien que pour ça, on peut aller voir le film !
Et puis, il y a la narration, comme toujours chez Noé (et c’est la marque des grands), qui est extrêmement liée et soumise à la mise en scène, qui décrit ici, comme chez Barney d’ailleurs, un espace fantastique et onirique très étonnant. Le poste de télé avec son étrange film porno (qui d’ailleurs change d’aspect en cours de route, c’est très bien vu sémantiquement) fait le lien entre les deux personnages se masturbant. Ainsi, on a deux personnages, et donc deux cerveaux, mais aussi trois lobes pour ainsi dire (chambre de la jeune fille, film porno télé et appartement du mec). Le fantasme qui n’est jamais directement lié entre les deux personnages est alors quelque chose de mouvant, d’incertain et de changeant au fur et à mesure des auto-caresses. Comme si la séance de plaisir, de chaque partie, modifiait le déroulé de l’autre, et changeait aussi une espèce de lieu commun du fantasme (le film porno). Noé casse l’ordre des changements de pièces et introduit de manière impressionniste les changements de nuances, de tonalités. Très vite, c’est le film lui-même (et donc la réunion des trois espaces) qui devient LE fantasme global, peut-être partagé (mouais, loin d’être sûr ça…), en tout cas simultané. D’après là où on se place avec Noé, les points de vue changent, certes, mais l’expérience semble commune. Le changement de ton du film porno vient perturber superbement le cloisonnement des espaces, change la donne largement. Reste au final dans ces confusions, dans cet enchevêtrement coulé de sentiments et de sensations, la certitude que l’homme et la femme baisent effectivement ensemble, d’une étrange manière. Bien vu ! Quand on fait l’amour, on baise effectivement seul, ou au moins "à distance". Très belle idée, rarement exprimée. La pénétration a lieu, et donc le coït aussi, dans le poste ! C’est bluffant, et précis.
On note également des gourmandises absolument délicieuses, comme ce plan sur la télé qui bascule sur son axe. Au bout d’un moment (et ça colle parfaitement avec le sujet), l’image dans le poste bascule aussi, la caméra de Noé s’immobile, et le plan dans la télé continue de basculer pour se remettre dans le bon sens ! Que c’est magnifique ! Ça, oui, ça c’est de la narration et c’est de la mise en scène, parmi les plus gourmandes. Dire quelque chose dans un film, c’est d’abord travailler la forme !
Et bien moi je dis qu'on a beau le critiquer comme de bien entendu et de plus en plus, le père Gaspar Noé, son parcours est de plus en plus impressionnant, et je ne veux pas être mauvaise langue, mais c’est quand même un sublime sans-faute ! Ce type est un de nos plus grands cinéastes sans aucun doute. Bravo, bravo, bravo !


HOUSE CALL de Richard Prince (USA, 2006) : Oui, Bonjour, C’est le Docteur...

HOUSE CALL est la fabuleuse surprise de ce DESTRICTED, non pas que les autres films soient forcément tous en dessous, mais dans le sens où je ne connaissais rien et donc n’attendait rien de Richard Prince. Prince a en fait réutilisé un ou des vieux films pornos des années 70/80 (80 probablement), pornos alors tournés en pellicule et qu’il s’est fait projeter, je pense. Il a re-filmé ça au caméscope en recadrant toutes les images. Enfin, dernier processus que j’utilise moi-même beaucoup et que j’adooooooore, il a repassé son montage sur son écran de télé qu’il a filmé en plan fixe ! L’image est sublime : couleurs chatoyantes de la pellicule de départ ici déformée par la captation vidéo primaire puis secondaire, et encore perturbée par le tramage de l’écran de télé, c’est superbe. Côté son, c’est également superbe. Prince a composé la musique (omniprésente) lui-même. Elle est très prenante, très belle, déconstruite au possible, presque bruitiste. C’est déjà très beau mais en plus, Dieu bénisse Prince ( !), le réalisateur a eu l’idée magnifique et qui vaudra à lui et à sa descendance pour 777 générations le paradis sans discution, d’enregistrer la musique sur le master final en direct, en passant les morceaux sur sa chaîne, dans son appartement, sans rien ré-équaliser ! C’est très très beau, et totalement conçu pour ! Bravo !
Vous imaginez que j’étais déjà complètement bouleversé. Et en plus, le résultat est passionnant. Prince commence par nous montrer une séquence deux fois de suite pour expliquer PAR LA MISE EN SCÈNE (et par le montage) comment il va fonctionner. Il s’agit d’une scène où une femme nue touche ses seins, allongée dans un transat au bord d’une piscine, tout en se mettant de la crème solaire. Puis elle se lève et se donne du plaisir et caressant ses seins de nouveau. Prince passe une première fois la séquence, puis la repasse, mais attention, accrochez-vous, en recadrant différemment la scène, et en changeant un peu le montage ! La scène a changé de statut, et Prince a expliqué sa méthode. C’est classe.
Une fois les présentations faites, le film peut démarrer. Il s’agit d’une scène classique de porno. La jeune fille complètement nue appelle le docteur. Celui-ci débarque, l’ausculte et la femme lui met la "main au panier" comme on dit. La suite voit alors une scène d’examen médicale très ludique, avec divers attouchements et gâteries, puis finit par un rapport sexuel complet en bonne et due forme, car le docteur n’est pas farouche non plus !
C’est très beau, et là aussi, cadrage et montage sont mères de vertu et de beauté ! Prince détourne la séquence initiale, la transforme à son goût, la recadre souvent de manière serrée mais sans oublier l’échelle de plans (chapeau car c’est quand même un film porno), et transforme, sans jamais cacher que le film est pornographique (on voit donc les sexes et autres organes sous toutes les coutures) le film porno de base en quelque chose d’autre. C'est-à-dire que le film garde son statut pornographique, stricto sensu, mais devient aussi une vraie séquence sensuelle et belle sur ce couple faisant l’amour. C’est très troublant, à la fois trivial et superbe. Et Prince s’attache beaucoup à montrer le plaisir, l’extase, la jouissance en plus du côté strictement mécanique de l’acte. Je pense notamment à ce point de montage magnifique qui fait s’enchaîner un gros plan très vulgaire où le docteur introduit un thermomètre dans l’anus de sa partenaire (c'est pas palace !), suivi d’un plan sur le visage de celle-ci absolument magnifique, filmée comme une icône religieuse ou quasiment. HOUSE CALL devient au fur et à mesure très émouvant. Il prouve aussi ce que nous répétons ici : le film pornographique n’est quasiment jamais, à une ou deux exceptions près, une œuvre d’art, et d’autre part, on peut quand même en faire du cinéma et en faire une histoire avec un point de vue fort. Ici, le spectateur se trouve dans un entre-deux, un no man’s land étonnant entre le support de départ (peut-être ancien support de désir d’ailleurs !) et l’acte sexuel banal (de la vie de tous les jours, allais-je dire). Le film possède donc une charge érotique assez impressionnante.
Le son, je le rappelle, est magnifique, quoique rentre-dedans. Prince, malicieusement, se permet même d’enregistrer le son du changement de la cassette ! Mr Prince, vous êtes délicieux ! Très beau film. On veut en voir d’autres.


DEATH VALLEY de Sam Taylor Wood (USA , 2006) : Eloge du Branleur

Et enfin... [Je précise que pour cette deuxième partie d’article, je n’ai pas traité les films dans leur ordre de projection !] Et enfin, DEATH VALLEY. Je ne sais pas comment Sam Taylor Wood, que je ne connais pas et qui vient du clip apparemment (Kylie Minogue !) s’est retrouvé là. Fils de producteur ? Jet-setteur ?
En tout cas, je ne vois pas pourquoi il fait partie de DESTRICTED.

DEATH VALLEY montre en plan de demi-ensemble une zone semi-désertique. La caillasse au sol. Le ciel bleu au dessus, et au fond du plan, des montagnes. Un mec arrive en t-shirt et jean, s’agenouille, défait a moitié son pantalon, et… se branle ! Le tout est fait en un seul plan fixe, le cadre ne bouge pas, et est capté en temps réel, soit sept ou huit minutes.
Ben voilà, c’est tout, c’est la fin de ma critique. Je suis au chômage technique. Lumière sans intérêt, cadre même pas beau et d’une banalité à pleurer. Rien de notable dans le son. Ce film n’a rien. Rien. Rien. Rien. Même pas l’intérêt virtuel d’un dispositif ou d’une position symbolique sur ceci ou cela. Ça n’aurait pas sauvé le film, mais bon…
Il est évidemment complètement détestable de voir quelque chose qui soit aussi vide. Ce film n’en est pas un, c’est un happening théâtral sans intérêt. Je trouve lamentable qu’un producteur puisse investir là-dedans, tant c’est nul. Un film qui se fait, c’est dix qui ne se font pas. Sam Taylor Wood vole la place de quelqu’un d’autre. C’est donc complètement détestable, ça alourdit une projection déjà dense (presque deux heures de film quelquefois pas faciles), et ça m’a rendu absolument furieux, bien sûr, car je suis quelqu’un d’absolument honnête. Je suis grand admirateur de Warhol, qui a aussi joué sur les limites extrêmes des films, j’ai un respect total pour tout ce l’art compte de punk. Mais je ne peux pas supporter qu’on nous fasse les poches, qu’on fasse celles de réalisateurs qui n’attendent qu’une chose, avoir la possibilité de s’exprimer par leur art, et qu’on prenne le spectateur pour un total mongol. Comment les producteurs de DESTRICTED et le distributeur ont-ils laissé passer ça ? Sans doute pour éviter des poursuites judiciaires en cas de non-diffusion. De toute manière, cette chose sur support audiovisuel est vulgaire, arriviste, et ne mérite qu’une seule place : la déchetterie. Sortez le clown !
[Je râle souvent pas mal de films me mettant en colère pour les raisons que je viens de nommer, et aussi à cause de la mise en scène, mais là je crois qu’on a la plus belle saloperie depuis que Matière Focale existe !]
 

Et bien voilà, nous avons fait le tour. Je rappelle pour ceux qui n’avaient pas suivi que les autres courts-métrages sont traités dans un article indépendant : cliquez ici !

Au final, DESTRICTED est une compilation dense mais passionnante. Et malgré mes deux énormes réserves (enfin, ma réserve du BALKAN EROTIC EPIC et mon coup pied aux fesses sur MORON VALLEY), et celles que d’autres pourront justement émettre, il y a largement de quoi manger dans DESTRICTED, et de manière riche et variée en plus. C’est donc, globalement et largement, une vraie bonne surprise !


Sexappealement Vôtre,

Dr Devo.
 
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Publié dans Corpus Filmi

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Commenter cet article
A
<br /> <br /> Sam Taylor-Wood est en réalité une femme, ce qui confère une autre dimension à son film Death Valley, paroxysme du fantasme/désir féminin ou relents féministes passés à<br /> la moulinette arty? Superbe article à part ça. <br /> <br /> <br /> <br />
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P
clark est surtout un cinéaste chrétien, comme selby ou dostoievskiet, plus que la violence, c'est du mal en général, métaphysique, qu'il s'agit dans ses films
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E
Coucou DocTrès interessant(s) ton (tes) article(s).Dans l'ensemble assez d'accord avec toi, même si c'est en descendant de deux bons crans dans l'enthousiasme. Ensuite je sais pas ce que peut bien vouloir dire "descendre de deux crans dans l'enthousiasme" quand on parle de Death Valley, qui effectivement est un néant filmique que même ma grand-mère elle s'en sort mieux.Pour le reste, Mes préférés restent le Barney - que je ne connaissais pas du tout, je vais essayer de voir le reste - et le Larry Clark - dont j'aime beaucoup le Kids et dont tu as cent fois raison d'affirmer qu'il est un cineaste de la violence.Barney joue sur une certaine étrangeté, c'en est même poétique (je pensais jamais dire ça d'un porno ^^) et très organique malgré les matériaux en présence (un arbre de transmission, une grue à piston, un tractopelle,... il n'y a que l'étrange ognion que l'homme a dans l'anus pour contrebalancer le tout). En fait de l'ensemble, c'est le seul film a vraiment dégager une vraie sensation de matière et une présence. Pour le plus abstrait de tous, c'est déjà un exploit.Clark au contraire est très mécanique et rigoureux. Mettre en évidence sa démarche à travers son film est surement la grande idée qui tient le film ; je ne peux m'epécher de penser que c'est aussi sa limite. Car si il en donne une bonne illustration, ce qu'il souligne dans son film ne sont finalement que des évidences. Et un peu de provo pour le fun.Concernant Noé - celui que j'attendais le plus, adorant ses films "traditionnels", tout en m'en méfiant comme la peste, n'ayant aimé aucune de ses précédentes realisations porno - je suis pas forcément convaincu. Des chouettes idées, rien à dire sur la photo, le cadre ou les mouvements de caméra, ni même sur le "montage à proprement parler". Et j'adhère à 100% sur le son. Mais c'est vraiment ce stroboscope qui me sort par les yeux et me semble parfaitement inutile (tu lui trouveras toutes les justifications que tu veux), et surtout très fatigant. Pour prendre une exemple dans ce même omnibus, l'effet quasi-stroboscopique obtenu dans le film de Brambilla (c'est pas exactement la même chose mais bon) est beaucoup plus réussi. Mais ce qui me gène avec ce qu'en fait Noé, c'est que j'ai l'impression qu'il avait déjà utilisé un procédé similaire, et avec davantage de bonheur, dans Irréversible, dans la boite de nuit (deuxième scène si ma mémoire est bonne). Dans We fuck alone, on retrouve ses délicieuses sensations de décrochage et de pertes de repères (voui, le clignement d'oeil frénétique), en particulier lors d'un plan sorti de nul part sur la fille vue de haut (me souviens plus exactement, je me souviens juste avoir fait "waaah !"), mais l'effet me semble finalement plus un élément rapporté au film que réellement contructif. Alors que dans Irréversible c'est la construction d'un espace, irrationnel et complétement non-euclidien, qui prépare le spectateur et le présente totalement désorienté et surtout "vierge" devant le climax de la scène (en fait, si je suis assez sceptique sur un certain nombre d'éléments d'Irréversible, je trouve se film exemplaire dans sa manière d'agir physiquement sur le spectateur et de le mettre en situation).Je sais pas si c'est clair.Je vais pas m'étendre sur les autres films qui à part deux trois fulgurances de temps à autre (la reprise du début du film dans le Richard Prince), me semblent en fin de compte assez vains. C'est d'ailleurs l'impression que j'ai de l'ensemble. Des bons éléments ici et là, mais pas forcément convaincant.Voilà, c'était pour relativiser la chose :DE.  =^..^=
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N
Encore un film interessant que je ne verrais jamis sur grand écran, puisqu'il ne passe dans aucune salle de ma région ! -coup de geule-
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D
Eh bien, moi qui ne voulait pas aller voir ce film, tu me donnes finalement envie d'aller y jeter un oeil. La partie de ta note relative à Larry Clark est absolument magnifique et je ne crois pas avoir lu de choses aussi justes sur ce cinéaste jusqu'ici (même si nous aurions matière à discuter autour de Ken Park que j'aime plutôt bien). Bravo docteur!
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