DESTRICTED, de Matthew Barney, Marina Abramovic, Marco Brambilla, Larry Clark, Richard Prince, Sam Taylor Wood et Gaspar Noé (USA, Yougoslavie, UK, France, 2007): Oeil Profond (épisode 1)

Publié le par Dr Devo

[Photo : "Bubsy Pornography" par Dr Devo et Bertrand du site Multa Paucis]

 

 

Chers Focaliens,


Si la pornographie (oui, je sais, moi aussi je trouve que ça commence bien...) a un intérêt, c'est bien de faire monter l'audience des sites, surtout ceux en voie de perdition, et c'est dans cette optique, pour redonner un coup de fouet à Matière Focale, que nous avons décidé, Dr Devo, ma personne et moi-même, d'aller voir DESTRICTED et de revenir à un nombre d'articles décent par semaine !

Je ne pense pas qu'on ait parlé sérieusement (ou pas sérieusement d'ailleurs) de pornographie dans ces pages, et voilà qui manquait, ou alors pas du tout, à Matière Focale. Nous sommes servis sur un plateau avec ce DESTRICTED qui est ouvertement, je cite, "une exploration des frontières entre pornographie et art", comme l’a dit le carton d’introduction en début de projection, ce qui me fit dire à mes voisins de siège ce spirituel : "Tiens, ils nous affichent le dossier de presse à l’écran avant de voir le film, maintenant ?", réplique immédiatement suivie par des petits ricanements sotto voce, mais cinglants, très attendus et vraiment snobinards, comme cela se fait quand on est quelqu’un d’important dans le bizness. Et Dieu sait que je le suis, du moins c’est ce que je suppose, sinon qui irait se lever trois heures plus tôt pour vous pondre un petit article, hein ?
Mais cessons cela. Du sexe, de l’art, de la vidéo, du porno, sept courts-métrages, c’est cela DESTRICTED. Alors, suivez-le guide, je vais vous montrer...


HOIST de Matthew Barney (USA-Brésil, 2006) : J’ai Reçu Dali en Héritage…

Matthew Barney, auteur du fameux cycle CREMASTER que j’avais vu il y a deux ans en salles, et c’était globalement très beau, voire insoutenable de beauté par endroits, a deux avantages : c’est un cinéaste malin, d’une part, qui fait des choses très belles, et de l’autre il n’a pas besoin de réveil puisqu’il vit avec Björk, la Jack Lang islandaise (au passage, je t’embrasse, ma cocotte). Pour ceux qui ne connaissent pas, voici comment travaille Matthew Barney.
Barney est une sorte de petit malin. Beau comme une statue grec, il était déjà mannequin dans sa jeunesse, en parallèle avec sa carrière professionnelle de footballeur américain. Quand vient l’âge de la retraite, il met en place un système malin. Il crée des objets fantasmagoriques bizarres mais ultra-design, issus d’un univers froid, à la limite du kitsch, et très inattendus. Puis il fait ce qu’il a envie de faire : des films ! Et pour les financer, il expose dans les musées ses fameux objets, puis les vend à des prix exorbitants ! Faire venir une expo Barney coûte la peau des fesses (faire venir ses films aussi d’ailleurs !), et les objets, très appréciés de l’intelligentsia économique et culturelle, sont également achetés pour des sommes complètement folles. Très vite, Barney peut faire un nouveau film, pour lequel il créera d’autres objets, etc… De fil en aiguille, et sa belle gueule, et son mariage avec la chanteuse de zouk islandais Fjörd qui a dû bien aider à la chose, Barney est devenu très apprécié de tout ce que le monde de l’art compte de branchouille, et en gagnant en popularité, le Barney a gagné également en moyens… Bien joué, p’tit gars !
Si le gars est malin comme un singe, et bien, il faut l’avouer, ses films sont absolument sublimissimes ! Il faut savoir être honnête, et Barney est plus qu’un businessman ou un homme du monde, né avec une pièce de tissu en or dans la bouche, c’est également un cinéaste remarquable ! Beau, pété de thunes pour 777 générations, un appartement en plein Manhattan grand comme le shopy au bout de ma rue, la gloire, et tout le reste, cinéaste vraiment original, Barney est un personnage vraiment répugnant ! Mais comme nous nous le disions avec Bernard RAPP récemment, il se pourrait, et c’est une hypothèse, mais il se pourrait fort bien que le gars ait peu d’humour ! [Ce n’est pas prouvé, en fait, mais probable…] Alors qu’ici, nous, à Matière Focale…

Dans une pièce étrange et fermée (un caisson ? la cale d’un bateau ?), un homme mi organique mi végétal est allongé. Nous ne voyons que son sexe. Tandis que nous entendons les grincements sourds de la pièce et quelques bruits qui semblent venir d’un extérieur lointain, nous assistons à un spectacle rendu étrange par la longueur de ce plan : le sexe de l’homme-chose grossit au fur et à mesure. Il semble d’abord bouger, sorte de grosse limace improbable et abstraite, puis, au gré des sons qui le motivent, il gonfle très sûrement mais absolument lentement. Le tout durant bien 4 minutes, facile !
Ensuite. Des ouvriers sur un chantier, en pleine nuit, images qui semblent volées au caméscope. Ils s’affairent autour d’une grosse machine-camion à l’arrêt mais dont les moteurs vrombissent à plein régime. Apparemment, la machine-camion est un dispositif qui demande l’attention. Alors que les roues de l’engin commencent à quitter terre, nous nous apercevons qu’un ouvrier pilote le dispositif dans une cabine située dans la partie haute dudit camion.
Ensuite. Fin de l’éjaculation pour le sexe de l’homme-chose.
Ensuite. Alors que la caméra parcourt les entrailles de la machine, nous retrouvons l’homme-chose caché et suspendu près d’un essieu qui tourne à plein régime. Sur l’essieu une matière plasto-blanchâtre, comme une espèce de préservatif énorme et épais. L’homme-chose commence à se masturber en frottant son sexe contre cette partie protégée de l’essieu.
Dehors, on comprend mieux le dispositif. Les ouvriers auraient déployé une énorme grue, dont le mat s’élance à des dizaines de mètres vers le ciel d’encre, machine qui soulève le dit-camion dans lequel se trouverait l’homme-chose. À moins que la grue et le camion ne soient qu’une seule et même machine. L’homme-chose continue à se frotter pendant ce temps-là à l’essieu de la machine, dans un univers remplis de sons sourds métalliques, et de bruits de moteur…

Ça commence bien. Comme à l’accoutumée, Barney met en place un dispositif abstrait, injustifiable et assez complexe, ou alors rendu complexe par la mise en scène. On est d’abord surpris de ce long plan d’introduction, celui où le sexe gagne lentement l’érection, plan bizarre qui s’abstractise très vite au bout d’une vingtaine de secondes (alors que le cadre ne bouge pas !). On regarde alors, finalement, une forme, une chose, peut-être animale, dont on serait bien embêté de dire ce qu’elle représente (je grossis le trait). Inhabituel chez Barney, le son guide ce plan, le sexe semblant se mouvoir grâce aux influx sonores ! Nous sommes soulagés ensuite de voir que le film n’est pas un plan fixe. HOIST ressemble bien aux travaux CREMASTER. Même recherche d’une esthétique alambiquée qui ne ressemble à rien (c’est un compliment), fétichisme maniaque des lieux, objets, et aussi dans la manière de nous expliquer le dispositif, tellement étrange qu’il ne saurait jamais tomber dans le dispositif audiovisuel d’art contemporain, et acquiert très vite le statut de fiction propre : Barney nous raconte des histoires !
La vidéo est très léchée, dans des tons beiges et marrons, assez beaux mais aussi moins flamboyants que ce nous avons vus dans CREMASTER. Lorsque Barney commence à nous montrer la grue-camion, je me dis : "Oh, tu le sens venir le petit montage alterné des familles ?". C’est une constante chez le réalisateur (et à mon avis un des facteurs concrets qui fait qu’on ne puisse pas éventuellement entrer dans ses films, même si ces montages alternés sont toujours assez beaux et malins). C’est un peu le cas, il faut bien le dire, là encore. Mais je fus surpris. D’abord parce que lorsque nous découvrons l’homme et son essieu, la séquence est introduite par une série de mouvements de caméra absolument magnifiques et resplendissants, et découpés en plus de ça. C’est dans ces mouvements, dans le corps même de la machine, qu’est toute la sève du film de Barney. On assiste là à un spectacle hallucinant, fait de plans qui semblent complètement inédits et incongrus dans ce qu’ils nous montrent, certes mais aussi dans le cadrage vraiment magnifique.
Cette série de plans introductifs dans la machine (et aussi ceux de conclusion, toujours dans la machine), deviennent une entité en soit, et cassent un peu la logique de montage alterné. Car il se passe en fait deux choses. Certes, toutes les actions, dans la machine ou à l’extérieur avec les ouvriers, se passent en même temps, mais la logique barneyenne est largement bousculée, car en fait, et la série de plans vagabondant dans les entrailles de la machine et dont je viens de vous parler le permettent, ne joue pas le rôle de "liant", comme dans les CREMASTER (où un événement-incident principal lie les actions simultanées). Ici, pour la première fois peut-être, ces mouvements de caméra vont jouer le rôle de séparateurs. [Cette séparation est aussi due au montage qui est plus claustrophobe, moins ouvert que d’habitude.] L’extérieur, le camion-grue, les ouvriers, et l’homme chose à l’intérieur de la machine sont des espaces presque clos… Et c’est drôlement malin dans le sens, cette fois ! La structure rejoint la narration, et Barney fait en fait autre chose et s’intéresse à brouiller les pistes, ou plutôt à explorer les extrêmes qui se frôlent : intérieur/extérieur - on serait dans un jeu de poupées russes déréglé mettant en scène : le cocon masturbatoire à l’intérieur de la machine, puis le camion-grue à l’extérieur, puis le cosmos lui-même, c'est-à-dire la boîte du monde qui contient les deux précédents ; plans assez longs/ plans courts, contenu/contenant, et enfin grand/petit, ces deux derniers aspects étant introduits par un plan en contre-plongée sur la grue qui s’élève dans le ciel, grue que forcément Barney a peinte en noir. Le pénis de l’homme-chose et la grue, parallèle grossier sur le papier, mais assez beau en projection qui finit de mêler une vision dalinienne du cosmos, dans une confondance (si je veux !) des temps et surtout des espaces qui sont, je trouve, assez proches de l’univers que Dali construisait dans
IMPRESSIONS DE HAUTE-MONGOLIE (et qu’on retrouve dans les livres magnifiques et drôlissimes de l’espagnol). Comme Dali, Barney estime que le cosmos est contenu dans un atome du stylo bic, et que l’infiniment grand et l’infiniment petit se contiennent l’un l’autre. C’est dans cette fraternité de concept que Barney surprend le plus : le montage alterné des CREMASTER, qu’on retrouve ici en partie, est mis au service de quelque chose de plus grand, et qui le perturbe ou plutôt le fait muter. Pour la première fois peut-être, le montage casse son alternance et vise plus haut : réunir les espaces antagonistes et construire le film autour de deux points, la construction physique d’un lieu impossible, et une exploitation des collages d’images et de sons qui est vraiment incongrue et fonctionne par elle-même. Comme si le film respirait plus de lui-même, enfin délivré, même partiellement, du montage alterné. Celui-ci n’est plus le héros du film. Barney attaque directement la juxtaposition d’images hétéroclites, bref, il s’attaque vraiment à la grammaire du cinéma en essayant de trouver une nouvelle "métaphore" comme disait Cronenberg. C’est une piste que déjà Barney explorait dans un de ses CREMASTER (mais je sais plus lequel) à savoir le plus beau, celui avec le ballon dirigeable au dessus du terrain de foot.
Notons enfin que le son est absolument essentiel dans la construction de l’espace et de la narration du film. Gageons que Barney continue comme ça dans ses prochains films. Il touche peut-être quelque chose du doigt avec ce HOIST !


BALKAN EROTIC EPIC de Marina Abramovic (Yougoslavie, 2006) : L’ami se terre, des voix vulgaires...

Bon, on va essayer de faire plus rapide qu’avec monsieur Barney, sinon je serai encore là demain, devant mon ordinateur !
Marina Abramovic joue dans son film son propre rôle et fait la narratrice. En plan américain, face à la caméra, avec un accent à couper au couteau, la réalisatrice nous explique à brûle-pourpoint quelques rites et remèdes de bonnes femmes utilisés autrefois dans les Balkans. Tous ces rites, rites de fertilité pour la plupart, servent à conjurer le sort et à retourner le cours des choses en sa faveur. Et tous ont été choisis par Marina car ils utilisent les choses du sexe ! Se masturber dans un pont troué au dessus d’une rivière pour ne pas être impuissant le soir des noces, toucher son sexe puis le dos du cheval pour le faire avancer alors qu’il est épuisé par sa charge, se masturber dans la terre pour rendre la récolte fertile, etc. Quelquefois même, ces remèdes de bonnes femmes sont carrément plus exotiques, mais je vous laisse le soin de découvrir ça ! BALKAN EROTIC EPIC alterne ces courtes explications avec des illustrations concrètes tournées dans la campagne yougoslave, mettant en scène notamment des femmes de tous âges et de tous physiques se masturbant les seins comme une offrande au ciel, ou les mêmes accueillant la pluie divine en soulevant leur jupe et dévoilant à l’eau de là-haut leur sexe nu, ou des hommes en costumes traditionnels se tenant fièrement, comme pour une photo, et ayant préalablement sorti leur sexe de leur braguette…

Je ne connais pas Marina Abramovic, mais je suis sûr d’une chose : la fille est sans doute issue de l’art contemporain. Juxtaposition de présentation type speakerine, et d’illustrations de ces propos in vivo (introduits d’ailleurs, comme ironiquement, par un remake du plan d’ouverture, très beau d’ailleurs, à l’origine de LA MÉLODIE DU BONHEUR de Robert Wise, mais attention, la fin du plan, pas le mouvement en hélicoptère, "pas de ça chez nous"), le film est l’illustration du petit-bourgeoisisme convenu. D’un point de vue strict, l’alternance des scènes n’a strictement aucun, ou si microcosmiquement, peu d’intérêt. L’art contemporain se nourrit ici de croyances populaires dont on se gargarise avec concupiscence, et de manière assez bourgeoise encore une fois, puisqu’il s’agit de mettre en place un système de scènes un peu loufoques et sans doute qui se veulent provocatrices. Or, et c’est là le problème, le film pèche par deux points. D’abord il n’y a qu’une idée, celle du dispositif. Tout le reste est soit très entendu (le travelling sur la rangée de femme, et la chanteuse tradi' qui apparaît dans le plan ! Au secours !), soit réalisé sans aucune volonté iconoclaste, et même pas de manière belle esthétiquement, l’effort esthétique justement ne se reportant que sur la photo qui fait déjà regretter Barney et ne pèse pas lourd aux yeux de celui qui a vu DANCER IN THE DARK. Le reste, le cadrage notamment, oscille entre le sans-intérêt et l’ignoblissime (la scène de la pluie). Ajoutons enfin un penchant net pour le folklorisme chic et qu’il est de bon ton de redécouvrir. Je suppose que le dossier de presse mêle modernité et tradition, et autres concepts fumeux du type "regard posé sur le monde", là où la chose est bêtement médiocre. L’insupportable est même complètement franchi avec l’utilisation "in cadro" (si je veux !) d’une chanteuse traditionnelle qui éructe des mélodies d’une pauvreté certaine (haaaa, la magie des chants des Balkans !) sur son lit de paroles bêtes/laides à pleurer, mais "tellement authentiques". Ensuite, on aura aussi le droit à des passages en animation (dans un scrap-book ! que c’est petit-bourgeois !), animation laide et classique au possible, et qui me fait marrer, façon giallo (si je veux, once again !) : là où la réalisatrice semble vouloir titiller le bon goût de son public des semblables en montrant des grand-mères de 75 ans se toucher leurs seins flapis (tu la sens, la provocation qui monte ?), ou en montrant les mêmes mamies édentées exhiber leur pubis face caméra, si elle fait cela, dis-je, la réalisatrice n’ose pas mettre en scène, même de façon elliptique, les scènes mettant en jeu des animaux (la scène du poisson dans le vagin de la paysanne) et celle avec un enfant ! Alors oui, elle a recours à cette animation pour illustrer ces scènes, là même où elle n’était pas obligée de nous les montrer après tout (certains rites sont prononcés par Marina, mais ne sont pas illustrés dans le film !), et dévoile ainsi que ces ambitions de fausse punk provocatrice ne vont pas bien loin et ont des limites quand même !

Mais, le reproche principal, rappelons le, à BALKAN EROTIC EPIC, outre qu’il est absolument imbu de lui-même et m’as-tu-vu, c’est de construire un film entier, fût-ce un court-métrage, sur une seule et unique idée ! Rendez-nous Matthew Barney ! Et rappelons, puisque c’est une belle occasion, que lorsqu’on se targue de faire du cinéma, du vrai, du poilu, on ne vise pas une idée par film ou par séquence, mais au minimum, et c’est vraiment le minimum syndical, une idée par plan ! Soyez un peu respectueuse du public, Madame. Allez hop, au suivant !


SYNC de Marco Brambilla (USA, 2006) : J’ai reçu, j’ai reçu, j’ai reçu, le sexe, le sexe, le sexe, en héritage, en héritage, héritage…

Drôle de zig que ce Marco Brambilla. Le Marquis avait justement défendu son DEMOLITION MAN avec Stallone, Sandra Bullock et l’improbable Wesley Snipes (est-ce qu’il est comme ça dans la vie réelle ?), film de série certes, à la réputation catastrophique, mais qui arrivait sans honte à distiller un parfum réel d’originalité et de décalage pas si courant dans les projets de ce type ! Un petit ovni très intéressant en somme… [En cherchant sur le site, je n'ai pas trouvé cet article sur DEMOLITION MAN... Peut-être je confonds avec une conversation avec le Marquis lui-même...] [Oui, je n’en ai pas parlé sur le site. J’ai trouvé ce film assez drôle. NdC]

Ici, le réalisateur fait carrément autre chose avec SYNC, court-métrage qui avoisine les trois minutes, démarche déjà bien plus pudique que BALKAN EROTIC EPIC !
Brambilla a fait là un film dispositif que le titre de mon article (j’ai reçu, j’ai reçu, j’ai reçu…) va vous aider à comprendre. Le réalisateur a en effet compilé des films pornographiques, des années 80 sans doute. Et pas du Marc Dorcel camescopé, ni du porno vidéo californien de luxe, mais bien des films en 35 mm, dont on s’aperçoit d’ailleurs qu’ils étaient quand même autrement photographiés, soit dit en passant ! Brambilla a donc réuni des dizaines et des dizaines de films et en a retiré des plans. Il a ensuite fait un montage qui respecte le principe suivant : il a monté à la queue leu leu les plans par thématique et ça donne ceci. Un plan de baiser, un plan de baiser, un plan de baiser. Un plan de déshabillage, un plan de déshabillage, un plan de déshabillage. Un plan de masturbation mammaire, un plan de masturbation mammaire, un plan de masturbation mammaire... Une fellation, une fellation, une fellation... Un missionnaire, un missionnaire, un missionnaire... Un visage en extase, un visage en extase, un visage en extase... Etc.
Chaque type de plan, bien sûr, est issu d’un des films recueillis par Brambilla. Ajoutez à cela que le rythme de coupes est hystérique, genre plans de 4 photogrammes seulement (1/6e de secondes). Ce qui fait qu’en trois secondes, on voit peut-être 24 plans ! Le film porno est par définition un film de série, et Brambilla s’est bien amusé à faire cette compilation de situations clichées. Le tout se déroule sur un fond sonore très rigolo : un solo endiablé et tout en rupture de batterie jazz ! Si le film dure trois minutes on voit peut-être défiler des extraits de plusieurs dizaines de films différents ! Les changements de plans jouent avec les limites de la perception rétinienne : on a le temps de deviner la situation (missionnaire, déshabillage…) mais pas le temps, et même loin de là, de scruter l’image. Du coup, on regarde le porno comme jamais : par grappe situationniste ! Même si on voit en une seconde 8 plans de fellations, on identifie donc "la fellation", dans sa globalité. C’est assez beau, d’autant plus que les changements chromatiques d’un film à l’autre sont eux nettement perceptibles et donnent de la richesse et de la texture au film de Brambilla lui-même. Et c’est bien de texture et de structure qu’il s’agit. Ce film joyeux (le seul ou presque de la compilation DESTRICTED, dans les films dignes de ce nom en tout cas) arrive assez facilement à enivrer, et produit un titillement intéressant, car on serait assez tenté, si on nous donnait notre avis, de ralentir la cadence infernale. En même temps, à chaque changement de séquence, on jubile ! Les ruptures rythmiques sont nombreuses et ajoutent de la malice au tout, avec une bonne humeur et surtout une franchise indéniables. On peut aussi se laisser aller dans cette berceuse hystérique qui peut provoquer des divagations assez mystérieuses (notre cerveau ne réfléchit pas plus rapidement pour le coup !) sur ce qui est en train de se passer. [Le film est si court qu’on a presque pas le temps de se rendre compte de ce qui nous arrive.] Le film, assez beau esthétiquement, est donc assez sensuel (pas forcément au sens sexuel, mais au sens strict) et surtout mène, et c’est un sacré paradoxe, à la divagation. Voilà qui en deviendrait presque érotique !

J’ai dit un gros mot ?

À suivre…

Intégralement Vôtre,

Dr Devo.


PS : DESTRICTED compte sept films courts. Dans le prochain article, je m’occupe des quatre autres !
 
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Publié dans Corpus Filmi

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M
Bravo pour cette chronique éclairée sur Matthew Barney et ses constructions maçonniques. Juste une remarque sur le Brambilla : il ne me semble pas que ce soient de simages de film pornos qui'l nous montre (ou du moins pas uniquement celà) mais aussi et c'est important de le dire, des scènes érotiques que l'on peut trouver au sein de film hollywoodiens classiques. Il montre ainsi les liens entre pornographie et caheir des charges, imagerie made in LA par exellence.
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I
Bah il me semble que c'est dans ce film où on affirme que dans le futur -qui est en fait le passé chez eux-que le père Arnold est devenu président des Etats-Unis, ce qui surprend Stallone et les spectateurs de l'époque autant que les coquillages à la place du PQ.
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L
Pour quelles raisons ? J'ai un peu oublié, et le film est interprété par Stallone...
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I
Parenthèse sur "Demoltion Man" : c'est quand même le film qui a annoncé 10 ans avant tout le monde la réussite politique d'Arnold Terminator.
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