HANNIBAL LECTER : LES ORIGINES DU MAL, de Peter Webber (USA-UK-France, 2007) : Le Saint des Sewioles-Killahs au rayon frais...

Publié le par Dr Devo

[photo: "Critique Participative" par Dr Devo]

 

 

Chers Focaliens,

Hollywood a ses tendances, depuis toujours. Un jour, les stars entérinent le retour du bob, ce chapeau ringard des campings années 80, maintenant instrument chiquissime des faubourgs de Beverly Hills, et dont la cote (la cote du bob, je veux dire) a augmenté en conséquence de 885% si j'en crois les indicateurs du site Le Quotidien de la Tendance Vêtement, qui, me diriez-vous, n'existe que dans mon imagination. [Remarque : depuis mercredi dernier et David Lynch, on sait qu'imaginer quelque chose, c'est déjà lui donner une vie concrète !] Après le bob, le bracelet rouge, artefact cabalistiquo-bouddhiste lancé par Richard Gere et Madonna (nous sommes peu de choses finalement), fut du dernier chic. Oui, mais ça, c'était avant la mode suivante : le t-shirt à tête de mort, mais avec des paillettes. Et puis, depuis le 6 janvier, et ne me demandez pas pourquoi car je n'en sais rien, les observateurs de tendances, dont moi-même, sont arrivés à la conclusion suivante : après plusieurs tentatives, on peut désormais affirmer que la préquelle est un vrai mouvement et non une coïncidence !
 
Et oui ! Cette semaine, pas moins de deux préquelles sur nos écrans : HANNIBAL LECTER, LES ORIGINES DU MAL et MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE : LE COMMENCEMENT. Prenez le temps de vous faire un café ou de fumer une cigarette (c'est mal). C'est le moment de cet article où vous pouvez aller faire un tour dans le jardin ou aller aux toilettes, opération qui sera profitable à la lecture de ces pages, mais aussi profitable à votre compréhension globale du cinéma.
Voilà, maintenant que vous êtes totalement détendue, chère lectrice, maintenant que vous avez pensé à autre chose que le cinéma, relisez le début du paragraphe précédent : que remarquez-vous ? Et oui, ça vous saute aux yeux : vous remarquez que la tendance est effectivement à la préquelle (je l'ai déjà dit, notez-le !), et surtout la préquelle a ceci de particulier qu'elle porte toujours un titre à rallonge interminable ! Moi personnellement, quand le tout Hollywood est venu chez moi pour avoir mes conseils et mes avis (car le tout Hollywood lit Le Quotidien du Cinéma), je leur avais conseillé, d'un simple point de vue logique et marketing, de s'inspirer du système asiatique (cf. la numérotation de la série des RING) et d'appeler une préquelle de CRIS ET CHUCHOTEMENTS (c'est un exemple) de la manière suivante : CRIS ET CHUCHOTEMENTS ZERO. Ou alors, pour que ce soit encore plus clair, une préquelle pourrait s'appeler comme ceci : CITIZEN KANE -1, pour une préquelle au film célébrissime de Orson Welles. La suite de la préquelle pouvant porter éventuellement le numéro -2, ce qui permettrait, au moins virtuellement, de parier sur l'éventuelle suite de préquelle, en cas de succès. Aux USA, c'est plus facile, culture comics oblige. Et un HANNIBAL RISING ou un BATMAN BEGINS ou BATMANS RETURNS se comprend aisément chez le grand public. Pour l'Europe, c'est plus compliqué, et mon système était, n'est-ce pas, très clair. Malheureusement, les cadres des majors ont rejeté ma proposition, préférant s'installer sur une autre tendance : le titre à rallonge. Il a deux avantages. Tout d'abord, il évite la connotation du signe "moins" qui pourrait signifier dans l'inconscient de la Masse "moins bien", ou "moins passionnant" ou "n'y allez pas, il y a moins de moyens !". Secondo, il donne à la préquelle, pas forcément fortunée, ou du moins pas forcément née sous des meilleures auspices que le film-matrice de la série, un petit air de prestige. C’est comme un écrin. Si la boîte est aussi ciselée et luxueusement décorée, on se doute que dedans il y aura un bijou 50 carats, et pas une bague en plastique. Ainsi, en cas de préquelle, préférez un titre pour votre film comme TITANIC : LA CONSTRUCTION FABULEUSE DU NAVIRE TRAGIQUE DE L'AMOUR, si vous faites une préquelle du film de James Cameron. Ceci étant posé, approchons-nous...
 
C'est la seconde guerre mondiale, et par voie de conséquence, également en Lituanie. La famille Lecter habite un luxueux château, mais le temps n'est malheureusement pas à la rigolade. C'est le début de la débâcle, les combats font rage, les russes arrivent, ça mitraille dans tous les coins, et il faut fuir. Hannibal, sa petite sœur (dans les cinq ans environ), et ses parents se réfugient dans une petite maison perdue dans la forêt. Il ne sera pas facile de vivre là, car l'hiver est déjà rude, mais au moins, la petite maison dans les bois fleure bon l'anonymat et le charme discret des endroits qui n'ont rien et donc même qui n'ont rien à se reprocher. Hélas, le repos est de courte durée. Les Russes repèrent la maison et font sortir tous ses occupants, sauf les enfants. Pendant qu'ils pompent de l’eau au puit pour le char, les nazis arrivent en avion et attaquent ! Une belle pagaille s'ensuit, et elle finit sur un match nul. Les soldats russes du char et les soldats allemands de l'avion meurent tous pitoyablement en essayant de s'entretuer. En guise de dommages collatéraux, ce sont les parents de Hannibal et Mishka, sa petite sœur, qui trinquent ! Les parents des deux merveilleux enfants décèdent après avoir été touchés par une foultitude de balles perdues ! C'est la guerre, même si c'est la fin ! Voilà donc Hannibal, pas bien grand, et sa sœur, prisonniers de l'hiver et réduits à attendre que ça se passe, sans réserve de nourriture et de bois, seuls au milieu de la grande forêt, comme dans un conte. Un malheur n'arrive jamais seul, et voilà que débarque une bande de pillards qui profite de la débâcle pour voler des bijoux et de l'argent sur les cadavres des champs de bataille et dans les maison abandonnées à la va-vite. Ils se réfugient dans la maison et attendent avec les enfants Lecter. Mais bientôt, la nourriture vient à manquer. La sœur de Hannibal est malade et Grutas (oui, oui, je sais !), le chef des pillards, décide de commettre l'irréparable : il tue Mishka et la mange !
Quelques semaines plus tard, les russes sauvent Hannibal, même si les pillards peuvent s'échapper. Il s'échappe de l'orphelinat où il est placé pour rejoindre la France où vit son oncle, marié à une femme japonaise, Gong Li quand même ! [Ben oui, quand même : elle est chinoise, Gong Li ! NdC] Là aussi, décidément, ce n'est pas de chance, l'oncle est mort, et ne reste que la jolie veuve qui va le recueillir et l'éduquer. Mais Hannibal est hanté par l'horrible dévoration de sa sœur. Et la vengeance est un plat qui se mange, c'est bien connu. Fût-ce froid...
 
Sans qu'on s'en rende compte et petit à petit, la série des aventures de Hannibal Lecter, grand méchant popularisé par les livres de Thomas Harris et propulsé au devant de la scène par Jonathan Demme (à l'époque où il signait de très bons films) avec LE SILENCE DES AGNEAUX, est en train de se multiplier comme les livres de la saga des Oui-Oui, c'est-à-dire en nombre ! On se dira que tout ça n'est pas forcément bon, et qu'au fur et à mesure, le personnage se banalisant, il est de plus en plus difficile de renouveler la franchise qui tend à se perdre dans une série de gimmicks, et qui un beau jour franchit la ligne séparant le côté lumineux du côté obscur du cinématographe et du bon sens sans qu'on s'en rende compte. Et en général, il est déjà trop tard ! Et hop, on se retrouve avec un Freddy Krueger plus proche de Krusty le clown que du célébrissime ogre des temps modernes qui fichait la trouille à tout le monde !
Et outre le bob, le bracelet rouge et le t-shirt à tête de mort, la dernière tendance en matière de héros récurrent à Hollywood, c'est le fameux "retour aux sources", qui en général sert de recentrage du sujet, dans une perspective plus sombre, comme le BATMAN BEGINS de Christopher Nolan qui lorgnait plus du côté du BATMAN RETURNS de Tim Burton que des machineries fluo et des combinaisons callipyges de l'époque Clooney. Ce qui n'empêchait pas le film, soit dit en passant, d'être à peu près aussi bien mis en scène que les épisodes de Joel Schumacher, notamment en ce qui concerne les scènes d'actions, absolument épouvantables. Passons.
Ici, c'est un peu différent. À moins de faire se dérouler un nouvel opus des aventures de Hannibal en Floride, pays des retraités, il était un peu difficile de réembaucher Anthony Hopkins, qui est d'ailleurs à l'abri du besoin depuis longtemps, et qui n’a aucun besoin de faire un spot polydent pour survivre. Et d'une. Et puis, il fallait revendre sans doute l'histoire sous un aspect original ! Alors, l'enfance d'Hannibal, pourquoi pas, s’est dit une poignée de producteurs à l'affût. Un malheur n'arrivant jamais seul, on s'est dit que ça serait pas mal si on pouvait faire une coproduction internationale. L'Angleterre et le France ont répondu présent, plutôt deux fois qu'une et bien trop contents d'accueillir un "vrai film américain" ! Un petit tournage en Lituanie et à Prague, paradis des films pas chers, et c'est joué !
 
C'est Peter Webber, réalisateur anglais et plutôt rangé "art et essai" du film convenable LA JEUNE FILLE À LA PERLE, qui s'y colle. Si on est prêt à y croire relativement dans les premières minutes, ce HANNIBAL RISING s'avère par la suite beaucoup moins sûr. C'est avec un certain malaise qu'on se croit tout d'abord prisonnier du film à costumes, et même du film de guerre. Avions qui crachent la mitraille, chars fonçant à fond de chenilles, explosions, et même des scènes plus familières comme les méchants nazis manipulateurs et arbitraires, exil des familles, et photographie à obturation réduite (un peu), ce qui est la norme depuis GLADIATOR ou IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN, puis dans tous les films de guerre à gros budget qui ont suivi, photographie qu'on aimerait grise et froide comme une journée de neige ! On est donc en plein décorum. Pas forcément maladroit d'ailleurs, juste banal, sans vraiment de saveur, si ce n'est des effets spéciaux sans réel intérêt mais honnêtes. Mais que voulez-vous, nous, public, on est censé avoir des ronronnements de plaisir dès qu'on voit de l'effet spécial ! Et un producteur, des intuitions géniales comme ça, il en a plein, comme la suite va le démontrer. Et puis petit à petit, on sent bien que ce début pompeux (car c'est du film à costumes) mais relativement pêchu, comme on dit à l'armée, est en train de s'enliser. Ça commence à sentir les sables mouvants, étais-je en train de me dire, sans vraiment me rendre compte que plus je remuais sur mon siège, plus je m'enfonçais dans le n'importe quoi. Je me dis dès l'arrivée des pillards dans le film, dont le chef est Rhys Ifans, grand comédien vu notamment dans HUMAN NATURE de Michel Gondry, mais qui depuis quelques temps est plutôt abonné aux coproductions européennes, et à qui, ici, on a demandé de faire le grand foufou en roulant des yeux et en prenant un accent "de l'Est" très crédible (je plaisante bien sûr ; Grace Zabriskie dans INLAND EMPIRE caricature très bien ces faux accents made in Hollywood). Oui, quand les pillards débarquent, on a quand même un peu peur, mais quand ils rejoignent le petit Hannibal et la petite Mishka, alors là oui, on sent que l'eau est déjà en train de grimper jusqu'aux chaussettes ! Tant qu'à faire, avec tous ces filtres et ces symbolismes à la petite semaine (enfants enchaînés comme dans les récits d'ogre des contes merveilleux, barreaux de prison figurés par les barreaux de l'escalier et plein de choses originales vues au moins dix mille fois), Peter Webber aurait dû demander un jeu vocal aussi caricatural que le jeu physique à ses acteurs ! Ça aurait donné des trucs sympas dans le genre : "Toi chef Dimitri, découper la petite baboooooooouuuushkaaaaa avec la hachette, et toi la mettre en marmite pour nous bon miam-miam" ; sur ce, Hannibal aurait crié au hasard, un "Noooooooooonnnnn" tonitruant sur les 5 voies d'enceinte de l'installation Dolby SRD de votre salle de cinéma préférée ! Le russe, à l'instar du nazi, est souvent méchant, sale et veule ! C'est la régression complète. À l'époque du James Bond OPÉRATION TONNERRE de Terence Young, au moins, le malabar russe le plus rustre était stylé, inquiétant et bien habillé dans un costume impeccable ! En 2007, le russe hollywoodien a régressé nettement : il vole des pulls en laine pourrie sur des cadavres, il a une dentition misérable, il s'exprime à peine en français, il joue comme une patate ! [Ce jeu m'a fait penser à ces méchants des affreux dessins animés de Walt Disney !] Ses collègues de pillage rient grassement et bavent en voyant la sœur d'Hannibal. "De toute façon, elle a la tuberculose, hahahahaha, hahahahahahahaha, hahahahahahahahahaha, hahahahahahahahahhahahahahahaha !" Et hop, la petite passe à la casserole, sur le papier du moins car il y a là ellipses, moins pour des raisons d'autocensure (il est strictement interdit depuis une quinzaine d'années de gifler ou de tuer des enfants dans le cadre d'une fiction, comme vous l'aurez sûrement remarqué) que pour des raisons scénaristiques. Car dans la dévoration de la petite Mishka, et dans sa digestion si j'ose dire, se trouvera le seul élément moteur du scénario. Quoi ? Vous ne comprenez pas ce que je veux dire ? Aucune importance, car Thomas Harris (qui signe ici l'adaptation de son propre livre, écrit pour que le film sorte probablement, et, ne l'oublions pas, pour vendre des t-shirts et des bobs HANNIBAL RISING) nous le répétera toutes les 3 minutes : "Ils ont tué Mishka ! Noooooooooooooooon !", phrase matricielle, certes, mais qu'on nous balance quand même une petite soixantaine de fois dans le film, ce qui ne nuit pas du tout à sa crédibilité, non, non, non, non, et ce qui le place auprès des grands classiques du cinéma qui fait peur (non pas LE SILENCE DES AGNEAUX, mais plutôt SUPERMAN IV, SUPERGIRL, SUPERSONIC MAN, LE ROI LION, LES RATS DE MANHATTAN, MON CHIEN SKIP, les films avec Gérard Jugnot, etc.).
 
On l'aura compris, le scénario tient sur une feuille de petit cahier. Post-collationum, Hannibal triste, en quelque sorte. Hannibal se venger. Hannibal enquêtant pour retrouver les bourreaux de sa sœur. Hannibal apprendre les techniques samouraïs pour accomplir sa vengeance (merci Gong Li, qui une fois de plus fait la japonaise et qui est train de toshiromifuniser à grande vitesse), Hannibal tuer méchants mangeurs de Mishka !
Si on entre dans le moteur, le doute se confirme. La photo décline les filtres à la mode et danse le jerk sur une musique branchée, sans qu’aucune personnalité n’en ressorte, voire de manière très moche par instants, comme dans les scènes incessantes (une dizaine pour tout le film ?) de flash-back traumatique où l’image est particulièrement travaillée au corps par des filtres pourtant lavasses, tandis que le son met de la réverbération partout, comme 98,57% des scènes de flash-back filmées depuis les débuts du cinéma, comme c’est original, ces scènes de flash-back étant de loin les plus insupportables, mais omniprésentes. La photo est un peu mieux, et encore, sur la péniche lors de la scène finale, et encore, en intérieur ! Mais là, on chipote, et pour tous les spectateurs non équipés d’un microscope, la photo est globalement laide et sans personnalité. Il faut dire que le cadre n’aide pas, complètement anonyme lui aussi, et avec son cortège de banalité : une foultitude de plans rapprochés et gros plans, et en début de scène et en fin de scène, un plan de demi-ensemble pour situer géographiquement l’action. Vous dites ? Oui c’est ça, vous avez raison, c’est ce que font 98,56% des metteurs en scène. Je suis d’accord. Ben tant pis, ça fera un film médiocre de plus. Le son purement illustratif n’a aucune espèce d’intérêt, ni le montage global d’ailleurs, complètement aux ordres du scénario. Nous assistons donc à un simple déroulé narratif, en images et en sons, plutôt médiocre.
 
Peter Webber filme Gaspard Ulliel mécaniquement, lequel de son côté répète toutes les trois minutes « ils ont tué Mishka ! ». Ulliel, que je découvrais dans ce film, complètement à la ramasse. D’abord mutique, il apprend au fur et à mesure le langage qu’il a châtié. Les phrases de style ampoulé par des dialoguistes qui n‘ont jamais lu Flaubert ou Huysmans se succèdent dans sa bouche avec une lourdeur toute hollywoodienne. Des dialogues aussi médiocres sont censés nous faire comprendre, à nous spectateurs incultes, que le gars Lecter, il cause riche et même précieux ! Malheureusement, nous ouvrons un bouquin de temps en temps, et ces dialogues sont seulement lourds, et Ulliel seul, même en faisant son regard mystérieux de petit Valmont, et même en soulevant ses sourcils pleins de sous-entendus, ne peut rien sauver. Le pauvre garçon est complètement noyé dans un script monocorde, dans lequel il cabotine à tout va : jaw-acting, regard contre-plongeant, hair-acting plein de mèches folles, serrage de poing et rire machiavélique qui fait « Hahahahaha, Hahahahahahahahahaha, hahahahahahah ». Original, non ?
La pauvre Gong Li, décidément très peu inspirée dans le choix de ses rôles occidentaux, essaie de souffler un peu de naturel dans l’entreprise. Mais son rôle assez cruche de maîtresse du Levant, digne et troublée devant le « petit maître » Lecter, est tellement limité qu’il n’y a plus rien à sauver. Quant à Rhys Ifans, grand acteur anglais, il est sans doute perdu pour la science. On ne lui confie que des rôles d’abrutis losers dans des coproductions improbables et internationales. Ça sent, à mon regret, la fin de carrière. Le voir se débattre ici, enfermé dans le rôle du méchant stupide, voleur, avide, violent, misogyne, cannibale, n’en jetez plus, est absolument triste.
 
Quant à Thomas Harris, que dire ? Son HANNIBAL RISING, adapté avec ses petites mains de son propre roman, enchaîne les mauvaises idées. Simple intrigue de vengeance dont n’aurait sans doute même pas voulu un Charles Bronson justicier, le déroulé narratif déploie des fils si ténus qu’ils deviennent presque drôles. Les mauvaises idées s’enchaînent. Le meurtre complètement gratuit du gros Français (joué par un acteur de l’est visiblement) qui arrive là comme un cheveu sur la soupe, l’entraînement samouraï de Hannibal qui rappelle BATMAN BEGINS (pas dans ce que ce film avait de meilleur, d’ailleurs), la splendouillette utilisation du fameux masque, jadis imposé par le FBI et ici masque de samouraï (si si !) choisi par Hannibal lui-même, ce qui est très fort, la métaphore de « M le Mishka », une idée qui m’a fait hurler de rire en salle, etc. Que des bonnes idées qui nous rappellent de justesse qu’on est dans une adaptation manquée du SILENCE DES AGNEAUX. Alors oui, Hannibal a les cheveux coiffés à l’arrière, il a un masque, il dissèque des cadavres, il pousse des petits rires quand il tue ses victimes, il a le masque, il écoute du classique et il cause riche la France… Mais c’est tout ! Sinon, rien. Il n’est pas spécialement ressemblant au Hannibal de Jonathan Demme. Ce doit être un cousin ! Mais qu’importe, se dit le producteur peu regardant, les symboles physiques et psychologiques sont assez nombreux (au moins cinq !), et le bas-peuple reconnaîtra qu’il s’agit de Hannibal Le Cannibale… Et il y aura des sous dans la caisse !
 
Quel cynisme ! La parenté « de sang » avec les films incarnés par Hopkins est donc bien mince. Sur le fond, HANNIBAL LECTER : LES ORIGINES DU MAL est une contradiction. Simple récit de vengeance où on attend sagement sur son fauteuil que le bourreau suivant soit retrouvé et châtié, le film dégage une idéologie et des réflexions stupides, notamment celle, et c’est le ressort principale de ces deux heures de projection, que Hannibal était gentil au départ, et que c’est la vie qui l’a rendu méchant ! Il aurait pu passer chez Macha Beranger, et tout se serait arrangé. Mais non, il préfère manger des gens. Il y aura, comme de bien entendu, un twist final tellement débile et mal amené que je croyais que c’était effectivement ce qui s’était passé dans les premières minutes de film. Le réalisateur arrive et nous dit : « En vérité… TWIST à Saint-Tropez, l’horrible vérité était que ceci cela, blablabla… ». Et nous, nous avons envie de lui répondre : « Mais c’est ce que j’avais compris dans la deuxième scène ! » Après le twist en forme de n’importe quoi qui bousille le film en le plongeant dans l’absurde, Webber et Harris inventent le twist qui révèle une vérité cachée, mais pas vraiment puisqu’elle nous était annoncée (involontairement, mais la mise en scène est tellement laide) tout de suite, par maladresse. Le clou du film est sans doute le suivant. Avant de mourir, un des méchants demande à Hannibal ce qu’il aurait fait à sa place. Hannibal répond : « la même chose ! ». Ce qui fait perdre à Hannibal toute son aura mythique de personnage maléfique (en fait, il se comporte comme tout un chacun), et qui place le tueur le plus effrayant du siècle comme un simple imbécile mu par ses petits sentiments personnels gnangnan, qui place ses intérêts avant son Art (le contraire du personnage du SILENCE DES AGNEAUX), et dont la grande vengeance est en fait provoquée par une logique de collégienne : « T’avais qu’à pas commencer ! »
 
On voit le niveau. HANNIBAL RISING n’a rien de l’efficacité hollywoodienne dont il s’inspire. C’est un prétexte de plus pour attirer le gars naïf, moi par exemple, et pour piquer son argent du porte-monnaie (une place coûte quand même huit euros !). Le film de Peter Webber fera sans doute monter la vente de t-shirt à l’effigie de son héros cannibale. Mais côté cinéma, cette grosse mélasse rappelle les pires heures des co-productions européennes à gros budget. C’est gros, c’est moche, c’est du film de banquier, totalement opportuniste. Quant à Webber, c’est sans doute son dernier film. En voulant être calife à la place du calife, il brûle la petite aura sympathique qu’il avait pu gagner grâce à LA JEUNE-FILLE À LA PERLE… Tout ça pour être Brett Ratner à la place de Brett Ratner ? On pourrait espérer plus d’ambition de la part d’un artiste ! En tout cas, pour le coup, c’est pathétique. Sortez les clowns et dites non au dealer !
 
 
Spécifiquement Vôtre,
 
Dr Devo
 
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Publié dans Corpus Filmi

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V
J'ai vu ce film et la mission d'effrayer est totalement ratée mais c'est normal : dès qu'on se met à psychanalyser les méchants, à leur trouver une logique, une excuse (traumatisme initial : on a mangé sa soeur, donc il mangera les autres) ils sont immédiatement dédiabolisés, ils font la même chose dans les derniers James Bond, longtemps, le monstre était monstrueux et basta! Ceci dit, j'ai trouvé les images, les tons, l'atmostphère pas désagréable à regarder, j'ai vu bien pire.
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D
Je comprends pourquoi les salles françaises se portent bien : c'est parcequ'il y a le pauvre quidam qui va voir son film "Hannibal" parceque le premier "c'était grave une tuerie" et que il y a plein d'affiches dans le metro ; et d'autre part il y a les types plus distanciés qui vont griller leurs carte illimitée (le plus souvent MK2 oblige, on va pas non plus se fourvoyer chez ugc !) pour s'amuser, se moquer de Krawzick, Schoendorffer ou Brett Ratner . Je m'adonne moi même à ce plaisir le dimanche soir (à UGC, je ne me refuse rien) après des week end d'exès, comme pour finaliser l'orgie avant de reprendre les bonnes résolutions et le sérieu pour le début de semaine.<br /> Mais là j'ne peux plus, trop marre d'Hannibal (vraiment la pire bouse de ce début d'année), du Massacre à la tronçonnneuse (quoique le remake de Marcus Nispel n'était pas tout à fait pourri et j'attendais un peu de celui-ci), de la vague de polars français. Alors oui les exploitants vont bien, les français vont au cinéma, pour voir des films français en plus ! Hé bien voilà les français vont plus au cinéma et c'est pour se remplir de daubes qui soulagent. Ne nous étonnons pas si ce type de fréquentation persiste que l'offre suive.<br /> Bon appetit à vous et merci de faire vivre le cinéma par votre amour de l'art et du rire (on se donne rendez-vous pour Taxi 4 ? qu'est-ce qu'on va se marrer entre gens intelligents !).<br />  
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N
Gaspard Ulliel il faut le voir dans Jacquou le Croquant, si vous avez trouvé Hannibal... drôle, alors vous allez pleurer !
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L
Ah voila une experience à tenter : s'adonner au cannibalisme en regardant ce film lors de sa diffusion sur TF1 en prenant bien soin d'aller faire pipi à la coupure pub.Une autre idée du cinéma.
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M
Certes, Ludo, mais j'ai tout de même très envie de voir ce méchant russe, et mieux encore, Gaspard Ulliel en cannibale (il est tout de même très drôle sur les photos). Enfin, je ne suis pas non plus maso à ce point,vous avez raison, je pense qu'il est préférable que j'attende qu'il passe sur une chaîne hertzienne, je ferai au moins une économie de déplacement (et je pourrai faire autre chose en même temps, comme cuisiner mon petit frère).
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