(Photo : "La Parole est aux Scientifiques" par Dr Devo)
Chères Focaliennes, Chers Focaliens,
La vie continue, on croit se reposer, mais non, rien à faire, le temps ne s'arrête pas et détruit tout ! Malheur à nous pauvres mortels !
Maintenant que votre journée est bien minée grâce à votre docteur préféré, ce qui va suivre ne sera absolument pas grave. Vous êtes de superbe humeur, car vous êtes de la plus mauvaise humeur possible, le plus désespéré possible. Chaque nouvelle information ne peut que vous tirer vers le haut. Chaque changement ne peut être qu'une amélioration. Merci qui ? Merci, Docteur ! Soyez Devo chez vous !
Tiens, allez regarder là, chez No.Logos ! Voilà un texte parfaitement juste, et donc complètement déprimant. Mais en fait, vous êtes content, vous vous enrichissez à son contact, et vous vous dites que oui, la prochain fois, vous ne donnerez pas de pièce à ce jongleur de rue, à ce cracheur de feu ou à ce joueur de djembe... Et que vous n'irez pas voir SHORTBUS, ça suffit les arnaques ! Mais globalement, au fond de vous mêmes, vous êtes sinon contents, au moins stables... C'est rigolo. Ah Iñarritu ! On avait parlé il y a peu de
21 GRAMMES, relativement visible, avec de très bonnes choses, notamment des préjugés temporels absolument délicieux et très originaux. Et un net soin global. Iñarritu, ce qu'il aime, c'est le film choral, les vies qui s'accrochent par hasard, nécessité ou coïncidence, les accidents, le papillon qui flatule dans le Vercors et provoque une tempête (jeu de mot !) de neige dans le Pas De Calais. Qui dit hasard dit construction, et dit cinéma, le calcul n'est pas mauvais, et pourquoi pas ? Voilà au moins, se dit-on, qui devrait l'obliger à construire comme un petit fou et à se désolidariser de Scénario, Prince des Ténèbres, Chien Sanglant de Banalita, princesse gothique et attendue de l'Ennui. Avec 21 GRAMMES, on a vu que ce n'était pas forcément le cas. Passons.
Brad Pitt et Cate Blanchett vont au Maroc régler leur problème de couple, afin de mieux se retrouver chez soi. Manque de bol, au moment où ils allaient enfin se faire un bisou, Blanchett pose sa tête, mélancoliquement, contre la fenêtre du bus, et reçoit une balle perdue. Elle perd immédiatement beaucoup de sang. Ses jours sont en danger sérieux, mais nous sommes en plein désert, l'hôpital le plus proche est loin, ce n'est pas gagné. Aux U.S. de A., deux petits enfants, une fille et un garçon, format small (genre 5 et 6 ans, dont la sœur de Dakota Fanning, quelle horreur ! Comment peut-on prétendre faire du cinéma et faire un choix pareil ! Elle est aussi nulle que sa sœur, en plus ! Remboursez !), tout blonds, passent leurs journées avec leur nounou mexicaine qui est la meilleure du Monde ! Le papa des enfants appelle la nounou pour lui annoncer qu'ils ne seront pas là ce soir et qu'il va falloir qu'elle garde les enfants. La bonne est désespérée, car ce soir, elle devait aller au Mexique tout proche pour aller marier son grand fils ! Mais le patron est formel : ce soir, elle gardera les enfants ! ["Je vous paierai un autre mariage, plus grand, une autre fois", dit-il dans Tijuana déserte...] Salaud de patron ! C'est dégueulasse, ces bobos dégueulasses ! N'ayant pas le choix, la bobonne emmène les enfants avec elle assister au mariage. Pour ce faire, elle se fait conduire par un neveu volage mais rigolo... Ça sent le plan foireux, je vous le dis.
Désert marocain, en plein cœur de Plouc-Land, non loin de Pauvre-City. Un marocain vend à un de ses voisins (à dix kilomètres, quand même) une carabine contre un paquet de nouilles usagées, un verre de Ricard et une chèvre. Le voisin est content, car il est berger et avec la carabine, il va pouvoir éloigner les chacals qui attaquent son troupeau de chèvres. Et hop, il confie la carabine à ses deux gamins, taille médium (10 et 12 ans), car ce sont eux, les gosses, qui font transhumer le troupeau dans la journée. Des gamins, une carabine, l'ennui... Ce qui doit arriver arrive... Le plus jeune s'exerce à tirer pour vérifier la longue portée supposée de l'arme, en visant des voitures, mais il semble que Papa se soit fait arnaquer, car la carabine ne tire pas à trois kilomètres, non pas du t... MERDRE ! J'ai tiré dans un bus de touristes à trois kilomètres ! Nous voilà bien !
Japon médiéval, en pleine campagne, dans un village. La récolte n'a pas été bonne car il a trop plu. En plus, il fait froid. Il faudrait que les villageois achètent des doudounes en coton s'ils ne veulent pas crever comme des baleines, mais comme les récoltes sont médiocres, ce n'est pas possible, d'autant plus que le Seigneur dont ils dépendent veut organiser une fête monumentale pour le mariage de sa fille Eiko, et donc l'impôt sur les récoltes sera particulièrement élevé, les condamnant à une mort certaine ! Ils redoutent le moment où les troupes seigneuriales vont venir chercher le blé. Finalement, les villageois louent les services de 77 robots-ninjas qui passaient par là. Mais Perfusia, vieille princesse gothique de Satan, ne l’entend pas de cette oreille. Ce n'est pas gagné.
Japon contemporain. Kôji Yakusho, excellent acteur vu dans une multitude de films, dont les films de Kyoshi Kurosawa (le fabuleux CURE par exemple), a perdu sa femme et élève seule sa fille, ado perdue en plein âge con de 17 ans, qui lui fait la gueule tout le temps avant de rigoler comme une folle avec ses copines en buvant un coca à 12 dollars dans un bar spécialisé pour les ados qui adorent les boys-bands. Là, parce qu'elle se sent rejetée par les garçons qu'elle kiffe parfois à mort, mais qui ne l'aiment pas à cause du fait qu'elle est sourde-muette de maladie (Zoumbole !), elle décide d'aller aux toilettes pour enlever sa culotte, geste audacieux car elle est habillée avec une minijupe ultra courte, mais plissée, l'honneur est sauf. De retour à table avec ses copines, elle montre son sexe poilu en faisant des grimaces sérieuses aux autres garçons, mais au fond, elle est malheureuse. De son vagin (mange Google, mange), sortent lentement deux membranes diaphanes qui font penser à un monstre marin ou reptiloïde venu d'un autre âge, prêt à terrasser la ville avec ses aisselles radioactives, mais non, ce n'est qu'un papillon qui s'élève majestueusement dans le bar pour ados branchés et vient lamentablement se griller contre le tube cathodique d'un écran plat 98 cm. C'est lamentable, les gens exigent d'être remboursés. C'est alors qu'un deuxième papillon vaginal (Zoumboooooole !!!!) fait son apparition, s'avance vers les ados d'un vol gracieux, pendant que la caméra se rapproche dans un élégant zoom, et là, le fougueux mais superbe animal émet une minuscule flatulence, très belle en 5.1. Quelques secondes après, c'est le drame : une usine de slips ferme ses portes dans une ville moyenne du Pas-de-Calais, suite à une délocalisation en Inde, et le déménagement forcé des machines par un patron peu regardant et plus occupé à marier sa fille... Ce n'est pas gagné...
Oui, mais là, Docteur, c'est pas du boulot ça ! C'est pas des articles ça, c'est pas le travail d'un critique "honnête". [Sachez les amis, et grâce à l'un d'entre vous, qu'un réalisateur français m'a écrit pour me décerner, malgré un article assez sévère mais juste, le label de "critique honnête" ! Je veux dire à ce Monsieur, publiquement et sans dévoiler son identité secrète de super-héros, que son mail était délicieux et touchant, et que sa réaction ne trahissait qu'un trait de caractère : LA CLASSE ! Je voulais juste lui dire "merci", alors : "Merci !".]
C'est quoi cette habitude de sagouiner son boulot de critique, docteur, devez-vous vous dire... Et bien je vais vous expliquer, mais avant cela... Ding Dong Ding ! Tourne la page !
(photo: "Sans Commentaire" par Dr Devo)
Oui, je sais, j'en ai bien conscience, c'est pas vraiment du boulot, mais je suis tiraillé entre deux sentiments. Vous le savez, j'adore aller voir des films dans les deux ligues du cinéma : commercial et art-et-essai qui, en fait, devrait s’appeler Grand Commerce et Moyen Commerce. Or, en ce moment, je ne sais pas ce qui se passe, malgré quelques films sympathiques, voire très bons (LE DAHLIA NOIR, LE LABYRINTHE DE PAN, LE PRESTIGE et son scénario merveilleux ou du moins remarquable...), je ne vois que de la crucherie dernier degré, et j’en ai marre. Quelques bons films pour 98,24% de films lamentables qui, en ce moment, ne s’inscrivent que dans deux catégories : le film à thèse (et ses subdivisions, "films commémoratifs" (INDIGÈNES, WORLD TRADE CENTER, UNE VÉRITÉ QUI DÉRANGE et "films de la Collectivité du Réel" (SHORTBUS, UNE VÉRITÉ QUI DÉRANGE, BABEL...) ou alors des films qui appartiennent à la catégorie "Cinénovellas-Gros Mélos" (cf. les mêmes films !). Alors, je dis stop au nom de l'Amour... Stop, ou je vais voir des comédies françaises !
[Photo : "Je ne monte pas des images,
je monte des spectateurs (le syndrome Bruno Dumont)
par Dr Devo]
Non, arrêtons de plaisanter deux secondes. Je fais la grève aujourd'hui, mais la grève utile à mon lecteur ! Iñarritu va m'envoyer des mails en me disant que c'est lamentable, que je ne fais pas mon boulot, et pourquoi ça tombe sur son film, c'est malin, BABEL va s'effondrer en deuxième semaine parce qu'il n'y aura pas eu de critique digne de ce nom sur MATIÈRE FOCALE, et patati et patata...
Pas grave, il peut râler, ça ne changera rien. Voici ma déclaration à la Presse, aux Médias et à la Profession :
"Monsieur, Madame, en ce jour et devant la recrudescence (un mot où il y a décence, je vous ferais remarquer) du vol d'euros dans le porte-monnaie des spectateurs, je décide, moi, Dr Devo, de faire grève de la critique pour une durée d’une journée, peut-être reconductible. Ou Pas. Tant que les films ne seront pas cadrés. Tant qu'ils ne seront pas montés de manière signifiante ou de manière à imposer un rythme, fût-il lent, au film, tant que le son ne sera pas exploité autrement que de manière illustrative et banale (dans BABEL, une chanson à la Almodovar, genre "Pensia en mi portefeuille d'actions en Suisse" sur des images de Mexicains en train de manger, faut pas déconner quand même...), tant que ces films ne feront AUCUN effort de mise en scène originale et signifiante sans s'appuyer sur le scénario, tant que l'échelle de plans sera réduite aux plans dits rapprochés et gros, tant que le jeu sur les axes sera nullissime et tant que la photo sera lamentable, et tant que le cadre sera si banalement laid, tant qu'il n'y aura pas plus de trois ou quatre idées par film, et tant qu'il n'y aura pas au moins une idée par plan, je dis, moi Docteur Devo, qui considère dans la générosité la plus absolue le spectateur qui vient s'égarer volontairement ou pas sur ces pages comme l'Élite la plus absolue, je déclare que je me refuse de faire tout article sur ces films, au nom du respect de mon prochain. Par conséquent, je fais grève, et assume les conséquences de mon acte ! Monsieur Iñarritu et Monsieur Cinéma, faites des films, et pas de la Choucroute, de la Broderie ou du Macramé ayant pour Expression le Support Audiovisuel !
Enfin, un mot pour le spectateur égaré... Mon biquet que j'adore (tout ça, c'est pour toi !), choisis tes films au hasard, en jouant aux dés par exemple, ou en demandant dans le hall du cinéma à un spectateur inconnu de te donner un chiffre allant de 1 à 15 (si ton cinéma a 15 salles, bien sûr). Si le gars te répond 3, va voir le film de la salle 3 ! De cette manière, tu verras bien plus de bons films qu'en suivant les conseils des professionnels de la profession ou en choisissant toi-même, et tu éveilleras ta curiosité face à des films que tu n'aurais jamais vus... Je l'ai fait pendant un an, et ça marche... Bisous à toi !
Quant à tous les réalisateurs et aux dentistes qui me lisent, je leur dis : "Allez, hop ! Au travail !"
Solennellement Vôtre,
Dr Devo.
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