WORLD TRADE CENTER, d'Oliver Stone (USA, 2006) : désespérantes housewives (si j'avais des jumelles, je verrais mieux ces bobos)
(Photo : "Le Plus Grand Attentat Pâtissier du Monde" par Dr Devo)
Chers Focaliens, Chères Focaliennes,
C'est exténué mais content que je me présente à vous, accaparé que je suis par des projets externes qui commencent à prendre des proportions stupides, et sur lesquels nombre de focaliens sont impliqués. Je vous expliquerai ça en temps voulu. Mais en tout cas, c'est bien malgré moi, en quelque sorte, et pour des raisons assez stupides, que je suis retenu un peu loin de Matière Focale, et que je laisse la boutique aux mains de Mr Mort et du Marquis, que je salue au passage pour leur patience. En tout cas, espérons que tous ces efforts porteront leurs fruits. Suspense... Je vous tiendrai au courant.
S'il n'y a pas beaucoup de temps pour écrire des articles, j’essaie quand même de me traîner en salle, en calant des séances à des heures impromptues. Hier, ce fut donc WORLD TRADE CENTER, le nouveau film d’Oliver Stone, personnage bizarre s'il en est, petit malin mais qui sait se rendre attachant. Capable du meilleur et du pire. Le pire : JFK, WALL STREET, PLATOON. Brrrrr... Le meilleur : U-TURN, et bien au-dessus encore, TUEURS-NÉS, film absolument magnifique quoique un peu de traviole dans sa dernière partie. [Et un des plus beaux plans de cinéma au monde : la hache qui brise la vitre, avec sa bande sonore superbe !] Le dernier Stone, ALEXANDRE, était épouvantable. Dans mon article à l'époque, je rappelais cette anecdote : un proche de Matière Focale a travaillé sur le mixage sonore du film. Et il paraît que le premier montage de Stone était, très largement, complètement merveilleux et hallucinant, sans doute un de ses meilleurs films, et de loin. Malheureusement, il y a eu deuxième montage... Même si je ne suis pas fan hardcore de Stone, ALEXANDRE faisait partie de ces films boursouflés, réalisés par des gens tout à fait capables et qui se plantent bien sûr devant l'énormité et la bêtise du projet, oubliant par exemple qu'avant de raconter une épopée avec huit cents figurants et trois heures de film, le cinéma, c'était aussi mettre un plan après l'autre, coller quoi ! La palme du plus mauvais étant sans doute THE AVIATOR de Martin Scorsese, médiocrissime et qui signe surtout la mort définitive de son très inégal réalisateur, très clairement. [Règle N°72 : savoir chauffer le public !]
ALEXANDRE s'étant un peu mal vendu, Oliver Stone refait ses classes et doit sans doute se racheter une conduite. Pourquoi pas d'ailleurs, c'est le jeu. Et hop, c'est sur lui que ça tombe, donc.
Nicolas Cage est policier à Manhattan. Il fait beau ce jour-là. Une journée comme les autres. Je mets un boxer noir de marque Athéna qui a cet avantage d'assurer un maintien parfait, mais aussi une souplesse remarquable. Je me lève, je prends mon café, je te bouscule. La journée s'annonce sans problème. J’achète Porcelaine Mag au café-journaux du coin. J'achète un croissant et je me cure deux fois les trous de nez parce que ça gratte. Ça arrive, le matin. J'ai mis mon beau T-shirt Gérard de Suresnes, et je descends fièrement Broadway, jusqu'à la 42ème rue, où je tourne afin de passer devant la gare, bâtiment que j'aime bien. Puis je me dis que tiens, j'achèterai bien un DVD. Dans le magasin, j'hésite : ...SOLDAT RYAN, LE JOUR LE PLUS LONG, MALCOLM X, LUCIE AUBRAC, LA LISTE DE SCHINDLER, LA TOUR INFERNALE, PHILADELPHIA, LE GRAND MEAULNES, Y-A-T-IL UN PILOTE DANS L'AVION, LA CONCIÈRGE EST DANS L'ESCALIER ?... J'hésite. Bref, une journée comme les autres, avec ses donuts et sa chicorée sur le tableau de bord de la voiture.
A 8h43, et 22 trames, un premier avion percute la gare de Perpignan. Pas le temps d'essuyer le sucre dans la moustache, il faut y aller toute sirène hurlante. Nicolas, c'est LE spécialiste de la Tour (comme par hasard !) : il connaît toutes les répliques de Steve McQueen, il est fan des Beatles (réfléchissez...) et en plus, il a survécu aux attentats de 1993 sur cette même-dite tour. Il décide d'aller sauver les gens. Arrivé sur place, c'est pas joli-joli : des papiers partout, des figurants qui jouent mal le contrechamp, du bruit, des bonobos qui expliquent qu'ils ont oublié leur monolithe et leur portable dans leur bureau du 69ème étage...
Cage fonce et demande des volontaires pour aller avec lui, alors que la tour craque de partout dans de grands grincements sourds. Rodriguez, Kilkenny, Fibonacci, Chang, Schwartzman et Vashnerpraahathiie acceptent. Ils entrent dans la tour, Cage éternue, Kilkenny se gratte la tête, quand soudain la tour s'écroule sur eux, condamnant le pauvre Cage à un monstrueux ralenti qui sauve la vie de deux autres de ses hommes, en plus de la sienne. Voilà les trois policiers coincés sous les 500,000 tonnes de béton et de poly-titane expansé qu'avait rajoutés deux ans plus tôt l'architecte Jean Nouvel au-dessus du toit de la Gare de Perpignan, pour célébrer le bicentenaire de la puberté de Victor Hugo. "C'est malin", se dit Nicolas. Il a raison, en fait. L'opération de sauvetage a duré 17 secondes, et le résultat est édifiant : 6 victimes de plus !
Bon, en fait, ce n’est pas si grave, et tout irait pour le mieux si... Cage et ses deux compagnons d'infortune n'avaient, malheureusement, chacun une femme, voire de nombreux enfants. Et là, c'est le drame...
On va pas en dire plus, pour ne pas gâcher le suspense.
Les Américains ont inventé plusieurs genres, et pas des moindres, mais il y en a un auquel on pense moins : le film commémoratif. Ce genre se confond presque avec le "film-définitif", autre genre. Tous les commémo-films sont des films-définitifs, mais 98,58% seulement des films-définitifs sont des commémo-films. LE film sur la 2nde guerre mondiale. LE film sur Gandhi. LE film sur l'Afrique du Sud. LE film sur la famine. LE film sur le couple (QUAND HARRY RENCONTRE SALLY, bien sûr). Bref. Les films-définitifs sont ceux qui règlent une fois pour toute la question. Les mauvaises langues diront que ces films, qu'ils s'attaquent à un grand sujet collectif et mondial (LE film sur le sida !) ou à un grand sujet privé (LE film sur les mineurs drogués et prostitués et âgés de 3 ans, ou encore LE film sur le mariage : QUATRE MARIAGES ET UN ENTERREMENT), inscrivent dans le marbre la somme des pensées collectives sur le sujet, et qu'ils sont en quelque sorte une forme de révisionnisme du sentiment ou de l’historique. C’est connu, on le sait bien, ça s'est passé comme ça. Heureusement, le film commémoratif est en général une vraie catastrophe (genre auquel il est souvent lié, le film-catastrophe, je veux dire), une œuvre qui nage dans la splendouilleterie la plus dérisoire, et donc le commémo-film, en général est tellement ridicule qu'il évite soigneusement d'atteindre sa cible. Très souvent, il s'oublie vite, ce qui évite toute tentation de récupération politique directe. [Quoique... En France, on emmène facilement les élèves voir des films commémoratifs, notamment en cours d'Histoire, ce qui est quand même le comble, ces films étant en général sur-documentés, certes, mais aussi complètement tartignolles ; ce qui rend aussi utiles ces films qu’un roman Harlequin pour apprendre la physique quantique.]
Stone ouvre bien. Une jolie mise en place, classique, qui ne laisse aucun doute sur ce qui va suivre, certes, mais marquée par quelques ellipses de bon aloi, ici et là. On sent déjà que les acteurs ne vont pas valoir tripette, et que le directeur de casting a confié son travail à IFOP qui lui a fourni un beau panel, ce qui expliquerait la présence de l'épouvantable Michael Pena, acteur monstrueux et péniblissime, révélation de ce nouveau siècle qui joue à peu près aussi sobrement que Gary Coleman ou Soleil Moon Frye (à l'époque, bien sûr). Mais, ceci dit, le cadre est joli, la lumière assez belle, les plans cut, et je me dis que je retournerais bien à New York, pour une fois que c'est filmé comme ça (en début de film, et à hauteur d'homme, en jouant avec les ombres : dire qu'il a fallu 100 ans de cinéma pour arriver à faire ça, Woody Allen excepté, et encore, dans un seul film !). Donc, ce n’est pas trop mal. On sent que le réalisateur joue à fond sur les gaz lacrymo (quel fayot !), en introduisant le café du matin et le grattage de la moustache dans le Grand Destin du Monde, impitoyable et broyeur d'hommes. Comme disait Homer Simpson : "Ce jour-là, le moindre geste avait de l'importance, et on le savait même pas ! Flûte, alors !". [Un beau plan quand même : mettre les figurants devant le poste de télé pour recadrer l'image de la tour afin de la faire ressembler à une tache maronnasse très jolie. Lors du briefing, ok ?]
Ensuite, on peut détacher les ceintures. Le film a donné son meilleur et peut maintenant atteindre son rythme de croisière.
Il y avait deux solutions. Soit Stone faisait ses 140 minutes de film dans les 5 mètres cubes où sont emprisonnés les héros, dans le noir quoi, et basta. Ça, c'était vraiment la solution sublime. Soit il montrait des scènes de la vie des proches mais avant qu'ils allument la télé, quand ils ne sont au courant de rien. Stone choisit le pire, il fait les deux !
Le problème quand tu te maries, c'est qu'à un moment donné, tu ne reconnais plus ta femme. Où est passée la fille sexy, avec des lunettes extraordinaires, avec qui tu sortais ? Celle qui était si jolie avec ses souliers vernis et son pull de cheerleader. Elle était vachement bath, rigolote, elle se marrait pour un rien, et elle avait la pêche. 10 ou 20 ans plus tard, tu t'aperçois qu'elle est dépressive, qu'elle a réclamé à corps et à cris d'arrêter de travailler pour pondre et regarder le télé-achat, et que finalement, ça l'ennuie. Elle est devenue moche, elle est blonde maintenant, elle fait la gueule et bloque toute conversation en invoquant "l'intérêt des enfants". Et autant le dire, le voilà, le vrai sujet de ce WORLD TRADE CENTER. Le héros, avec sa femme, il sent que quelque chose ne va pas, mais que cette épreuve va les rendre plus forts !
Nous, spectateurs, nous apercevons que finalement, ce qui est dit sur la Société Occidentale est effrayant. Que tout se fonde sur une valeur "couple" qui cache en fait la lie des sentiments humains. Albert Dupontel disait hier au zapping que pour lui, le plus violent de la Société, c'était de voir des gens qui pleuraient quand ils perdaient un jeu télé, ou qui sautaient de joie quand il gagnaient ! L'ensemble, quoi. Nous. Ensemble. Quand je gagne, je veux que tous les êtres humains de la Terre soient joyeux, tous ensemble, tous ensemble, tous ensemble, ouais, ouais. Mais quand je suis malheureuse, je veux que tout le monde souffre, toute l'Humanité sans exception. Et je peux me comporter de manière dégueulasse, j'ai tous les droits en tant que Maman (ou Papa) qui souffre !
Les gentils non-américains se sont inquiétés, à l'époque, que les événements du 11 septembre soient un prétexte pour les dirigeants américains de mener les pires exactions, au nom de la Liberté et au nom des Morts ! C'était, certes, un danger. Mais Stone montre que le danger véritable, le tatoué, est ailleurs. Sur le plan individuel. L'homme ou la femme qui souffre a tous les droits, personne n'ose lui rabattre son caquet, et de fait il/elle traite tous les autres comme de la merde ! En fait, les inquiets de la Démocratie ont eu un sacré instinct en voyant que cet horrible événement allait pouvoir justifier les pires exactions, et que cela allait fertiliser les graines de vengeance plantées dans le cœur humain. Ils se sont dit : "attention, politiquement, ça va faire mal." L'idée était bonne, mais n'était pas appliquée dans le bon champ d'observation. Avant d'être la pire des conseillères d'un point de vue politique, la graine de vengeance est d'abord un vrai cancer sur le plan individuel ! Ce que montre parfaitement le film de Stone, qui repose là-dessus et qui trouve cela non pas dangereux, mais tout à fait normal. [C'est le seul élément effrayant du film, mais il fait extrêmement peur, et il est résumé dans le seul plan anxiogène du film, une machine à laver qui tremble un peu trop dans un garage ! Insoutenable ! J’ai cru que j'allais crier dans la salle.]
Une scène décrit exactement ce que je suis en train de dire. Maria Bello, ici d'une laideur hallucinante, méconnaissable et à gifler, arrive dans le commissariat où travaille son mari, Nicolas Cage. On lui avait dit au téléphone que son mari était sauvé, et elle s'aperçoit que non, en fait, on sait qu'il est vivant, mais il est coincé sous des milliards de tonnes de gravats. Bello s'énerve et engueule tout le monde, les traite d'incapables, de salauds, et leur jette à la figure : "Mon mari est en train de mourir, et vous ne faites rien ! Vous me dites que vous ne pouvez rien faire !??!"
Tout est dit. Cette phrase est troublante, tant elle résume notre Société, d'une part, et tant elle résumé le mécanisme hollywoodien dans ce qu'il a de pire. Bello se comporte comme une merde, profitant un maximum de son statut de victime et débranchant son cerveau pour se plonger sans vergogne dans le tout-sentiment, le tout-émotion, comme une truie se vautre dans la boue en couinant de plaisir. Et la société (dans cette scène, une femme obèse et noire qui fait l'accueil au comptoir du commissariat) trouve ça normal, fait des petits yeux coupables et compatissants, au lieu de filer une grosse bonne baffe à Bello pour qu'elle revienne sur Terre, et lui dire qu'au lieu d'insulter le service public, elle ferait mieux de le remercier, car ce sont des couillons comme elle (la femme obèse noire) qui essaient de dégager son mari des décombres ! Mais non, il ne se passera rien de la sorte. C'est beau, une femme qui pleure, c'est beau, un humain qui souffre, et c'est forcément digne. Évidemment, le film mettra aussi les enfants en première ligne, justification extrême, là aussi, de toutes les dérives. D’ailleurs, le fils Cage est tout aussi con que sa mère. À 15 ans, lui aussi a volontairement débranché la moitié de son cerveau, réclamant, même porcinet, son auge de boue. Il fera du chantage à sa mère, la traitera de salope (c'est dit !), de conne, d'incapable. C'est donc chacun pour soi. Cage n'a pas de chance : sa famille, ce sont tous des ordures ! Aïe ! En fait, ce qui manque à ces personnages qui se vautrent dans l'inhumain, c'est précisément la culture, ce lien qui permet d'équilibrer l'hémisphère droit et gauche (thématique du beau A SCANNER DARKLY, on y reviendra), permettant d'équilibrer le Sentiment (sacralisé donc, à notre époque) et la Raison (ou l'intelligence si vous préférez).
Stone a un avantage : il a compris que le résultat de l'attentat terroriste se jouait non pas dans la force militaire, non pas dans les répliques politiques, non pas dans la manipulation ou au contraire l'information médiatique, mais dans la maison du Brave : le foyer familial américain. Où l'Épouse organise la vie, où elle sacralise les enfants (importance du lien du sang, bien entendu, par voie de conséquence), et où ces derniers en profitent pour violer toutes les Lois ! ["Tu honoreras ton Père et ta Mère", le commandement biblique, est bien absent, on le voit !]
En bref, loin d'avoir un intérêt cinématographique immense, WORLD TRADE CENTER n'est pas vraiment un film de cinéma. C’est un document audiovisuel, une photographie de notre espace contemporain. Un portrait de la Maison de la Larve. Du point de vue du cinéma, aucun intérêt : c'est de la soupe. C'est sans rythme, répétitif, et aussi persuasif qu'un téléfilm à thèse pour ménagère repassant l'après-midi. Pas vraiment de montage. Et surtout un relâchement général dès que le film démarre vraiment. Ensuite, ce sera du bout à bout sans intérêt, laissant la part belle à des acteurs unanimement mauvais et immondes. Cage, au moins, est froid comme une image de synthèse. C’est déjà ça. Les autres sont nuls et en font des caisses. C'est Fantasia avec des tractopelles. En fait, WORLD TRADE CENTER est un documentaire sur nous, les occidentaux. Si ce film ne dit absolument rien sur le 11 septembre (enfin, autant qu'un reportage télévisé en direct le jour des faits : c'est-à-dire strictement... rien !), il est indéniable qu'il s'inscrit dans le mouvement du Cinéma du Réel. Il dit en effet avec précision notre état, celui de la Désunion (alors que les apparences montrent une société fondée sur les couleurs unies de Benetton !). Je n'ai pas lu Debord, et je le regrette. Parlait-il de la Matrice de la Société du Spectacle comme étant la Mère au Foyer ? Disait-il que le Divertissement prenait sa source au sein de la Maison Familiale, Home of the Brave ?
L'apparence est devenue l'essence du réel. La fiction fonde notre logique, notre morale et notre intelligence. Ces divertissements nourrissent notre âme et notre éthique. C'est le reflet qui décrit le Réel. Le bien se justifie dans le mal, et réciproquement. C'est Wynona R. qui avait raison, sur la notion de sacrifice. C'est ce type de discours anti-drogue, disait Keanu R., qui pousse les gens à se droguer, et c'est remarquable et même admirable de voir comment on peut prôner une valeur en faisant mine de défendre son contraire, comme disait Robert D. C'est déjà foutu, on y est déjà. Le Monde est déjà enregistré et surveillé en vidéo en son entier et 24 heures sur 24, et pour cause : la fiction est désormais notre Réalité. Tout est désormais limitable. Tout fait partie du Domaine. C’est nous qui sommes le Reflet, et c'est de l'Autre Côté du Miroir que ça se passe. Nous sommes des simulacres.
Justement Vôtre,
Dr Devo.
PS : Finalement, ça y est, on l'a, cet article qui tient bougrement compte du contexte de production du film. WORLD TRADE CENTER est un documentaire. Un film art et essai. Un film du mouvement "Cinéma du réel". C’est le dernier film de la Nouvelle Vague (sortir les caméras dans la rue... On y est !). On n’en sortira décidément jamais. Un beau plan cependant, mais qui sert une cause immonde : celle de la larme. À l’hôpital, réunion des Mamans en face de la machine à café. Bello rencontre une mère (noire et obèse, encore une fois) qui raconte sa tragédie de fils enfoui à elle. Plan Bergmanien. La Noire de profil, la Blanche face caméra. À la ABBA, si vous voulez. Le point est fait sur la mère noire. Dans le flou, on voit le visage de Maria Bello se déformer et se convulser sous l’émotion, rendu presque munchien. La femme noire ne pleure pas, mais ça ne va pas tarder. Quand elle va pleurer, le point change, et c’est Bello qui devient nette et la femme noire floue. Pas mal, me dis-je. Au moins, là, il y a une idée de mise en scène, et ça rappelle un peu le magnifique plan d’ensemble qui empêche les larmes de Shirley McLaine dans IN HER SHOES. Stone se trahit malheureusement et fait le point de nouveau pour qu’on voit bien les larmes de la femme noire. La scène devient alors immonde, autant que le reste. On voit alors que le statut de maman, que le lien du sang, est plus fort que tout, même plus "que la différence raciale". [Comme si c’était un problème. Il faut toujours se méfier des gens qui nous disent que les noirs, les asiatiques, les jamaïcains ou les luxembourgeois sont des gens comme les autres.] Cette scène est reliée à la condescendante scène de la femme de ménage portoricaine, forcément enfermée dans sa croyance en un Dieu Primitif (ce sont des peuplades évangélisées et sorties de leur sauvagerie, après tout !), la preuve, elle s’agenouille, la conne (!), scène qui est reliée encore une fois à l’immonde conclusion de ce film dégueulasse et déjà potentiellement fasciste qu’était COLLISION.
En fait, le World Trade Center est le plus gros pot de fleur utilisé dans le mélo américain. Comme le petit tabouret qui venait se placer juste sous la nuque de Hilary Swank dans MILLION DOLLAR BABY (j’aurais juré l’avoir vu se déplacer tout seul). Il y a dans cette logique de pot de fleur qui permet le sentimentalisme le plus exacerbé quelque chose de profondément réactionnaire. Je persiste et je signe, donc. [Je répète ce que je disais à l’époque pour le film d’Eastwood : cette remarque est STRICTEMENT cinématographique, et en aucun cas politique.] [Règle N°142 : toujours faire en sorte de souhaiter une bonne journée au lecteur.]
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