ALL THE BOYS LOVE MANDY LANE de Jonathan Levine (USA 2006): Tueur laid

Publié le par Norman Bates








[Photo: "Hypostase en fin de soirée" par Norman Bates, d'après la série Le Prisonnier.]







Au début tout est facile : on s’aime, on rit bêtement entre deux baisers interminables, on retourne sous les couettes et le temps passe trop vite. A la fin qu’est ce qui nous reste, a qui revient le canapé, et ou sont toutes les belles choses qu’on avait ? Et le matin suivant dans quoi l’on se réveille, et ou est passée Mandy Lane ? Plein de questions auxquelles vous trouverez des réponses dans la suite de cet article, alors ne partez pas et reprenez des chips.


Mandy Lane mine de rien c’est l’héroïne du prochain film de Carpenter, si il sort un jour. C’était aussi l’héroïne de THE INFORMERS ou on voyait ses seins et ses ray bans. Aujourd’hui tout les garçons veulent voir ses seins, et lui courent après. Malheureusement pour eux, elle n’est pas facile la Mandy Lane, elle traine avec des loosers et dédaigne même le capitaine de l’équipe de base ball ! Toutes les filles du bahut qui ne lisent pas Matière Focale sont jalouses, elle semble vivre sur une autre planète, elle ne connait même pas la saga Twilight. Et pourtant ses copines ont des faux seins, elles s’épilent le pubis régulièrement et pratiquent la fellation couramment. Pourtant si Mandy Lane semble plus se préoccuper de ses études que de ses conquêtes, elle n’en devient pas moins une femme fatale tout de même, et ce week end tout les jeunes du ranch vont tenter leur chance. C’est sans compter sur la mort qui rode toujours, sur le déclin de la beauté et la fin de l’innocence.


J’ai détesté le film pendant une bonne moitié. Une vulgarité assumée (on voit les seins et le cul de Mandy avant son visage, classe !), des gros plans tout le temps, une mise en scène clipesque, des dialogues d’un vide absolu : je ne voyais pas le bout du tunnel. Et puis d’un coup j’ai compris. J’ai compris pour la viande, j’ai compris pour la course à pieds, j’ai compris les silences et j’ai compris la détresse : toutes les étapes étaient là, de l’abattoir à l’amour, elles étaient devant moi mais je n’ai pas vu. Comment tu fais pour maigrir, pour avoir les seins si ferme, est ce que le sport nous sauvera, et la vieillesse dans tout ca ? J’ai compris que pour se vendre il faut avoir travaillé, que la richesse n’est pas un savoir. Mandy Lane dans tout ca elle est mure, réfléchie et stoïque. Elle voit le monde sombrer, les faux seins se démocratiser, la séduction se rationaliser. Tout le monde court après les valeurs en hausse, comme si elles pouvaient nous rapporter. Quand on a rien compris, il suffit d’être appétissante. Du plaisir immédiat, presque quantifiable, et des individualités qui se rapprochent : du sexe tout de suite, et tout de suite après on se rappelle. A l’abattoir on empile les cadavres, oui mais Mandy Lane n’est pas morte, il se pourrait même qu’elle tue.


Le tueur est un poète et il est laid ! Les autres en ont une grosse, lui il a un fusil. Il n’est plus dans le marché de la viande, il est dans le broyeur, prêt pour la vie steak haché. La lame est son style, ses idées transpercent les yeux du simple mortel. Mandy Lane a trouvé un moyen de jouer avec lui, loin des paradis artificiels. Si tout le monde court, elle doit courir plus vite, question de survie. C’est pour ca qu’on veut tous Mandy Lane, belle et intelligente, dangereuse quand on s’y perd. Elle seule a le charisme, la personnalité pour en finir. Les autres ont des ciseaux pour leurs poils, des parfums pour leurs odeurs, des lunettes pour leurs yeux, des bijoux pour briller. Les autres sont à l’abattoir. Le tueur passe de steak haché à boucher, ultime rébellion soutenue par  une femme qui a du cran.


La deuxième partie du film est plus belle. D’abord parce que tous les éléments sont sciemment détournés (des ados, une maison au milieu de nulle part, de la drogue, des rednecks, un tueur). La mise en scène et la photo trouvent un peu plus de champ (la nuit notamment, très beaux éclairages) des idées apparaissent ca et là. De l’absurde enfin, des accidents, des ruptures dans le montage. Il semble que chaque action entreprise pour arriver à la fin échoue systématiquement et cela presque dès leur commencement, comme une tentative d’éradiquer le suspense. C’est vraiment terrifiant. Il y a même de très belles choses, comme ce climax totalement en surexposition ou l’on ne voit presque plus rien ou cette fausse course poursuite en voiture qui se suspend d’un coup et semble ne plus pouvoir se terminer ! Il y a vraiment une recherche naïve et romantique du retour à l’enfance qui innerve toute la fin du film, qui court-circuite la construction du film de genre. Même avec les tics clipesque de mise en scène (musique omniprésente, caméra portée, cadrage à l’arrache, échelle de plan très peu variée)  et les acteurs assez improbable, All the Boys Love Mandy Lane trouve un chemin qui n’appartient qu’à lui, un peu crade et naïf, mais résolument personnel et original, à défaut d’être vraiment touchant.  Ca vaut le coup de courir après Mandy Lane, ca vaut le coup de se dire pendant 1h30 que l’amour donne la mort, comme quand on avait 15 ans. 15 ans, il n’est question que de ca, que de ces moments flottants, des ces sensations illusoires, de cette recherche de la norme, de ces émotions sans cesses renouvelées et de l’envie de tuer. Toutes ces sensations mises bout à bout, tout ces moments perdus additionnés, tout ce qui fait que l’on est : c’est ce que recueille Mandy Lane, maladroitement certes, mais parfois avec un éclair de grâce ou de naïveté. Ou les deux.

 

Norman Bates.

 

 

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Publié dans Corpus Analogia

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N
<br /> Merci ! C'est vrai que le film est extrement étrange, et l'héroïne pas très émouvante certes, mais j'ai vraiment vu des petites choses assez belles dans tout ca.<br /> <br /> <br />
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B
<br /> De retour en grande forme m'sieur Bates, pour un texte bien plus touchant que le film en question, à mon humble avis. Bravo !<br /> <br /> <br />
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