HARRY POTTER ET LE PRINCE DE SANG MELE de David Yates (USA/UK, 2009): Des Tensions dans les Baguettes !

Publié le par LJ Ghost







[Photo tirée de l'émission MONTY PYTHON'S FLYING CIRCUS.]






Harry a quelques soucis, rendez-vous compte : son ennemi juré, Voldemort, celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, et son armée personnelle, les Mangemorts, gagnent du terrain dans leur conquête du monde et dépassent les limites du pays de la magie, puisque maintenant ils s'attaquent directement à Londres ! Branle-bas de combat à Poudlard, l'école du monde magique, où le directeur et mentor de Harry, Dumbledore, cherche à tout prix à contre-carrer les plans du vilain pas beau. Pour cela, il essaie de récupérer les souvenirs d'un ancien professeur de Voldemort (quand il n'était pas encore Voldemort), car ce qu'il lui a dit quelques années plus tôt peut être décisif pour la bataille ! Ce professeur est en quelque sorte atteint de jeanclaudebrialisme, puisqu'il ne fréquente que des gens célèbres ; il s'intéresse donc beaucoup à Harry, qui est considéré comme l'élu qui peut sauver la terre entière. Tout cela préoccupe le jeune homme à lunettes et sa bande d'amis, mais ils ont quand même d'autres chats à fouetter, quelque part, comme de répondre à la question "qu'est-ce que c'est que cette sensation bizarre quand je regarde cette fille / garçon ?". Ce n'est donc pas tout à fait gagné pour l'humanité...

 

 

Sixième adaptation cinématographique de la saga littéraire à très très grand succès, du sixième livre pour être précis (le problème est là, mais j'y reviens !), ce nouvel opus semble vouloir épouser le tournant ténébreux qu'a pris l'histoire sur papier. On se retrouve alors avec un film au look plutôt sombre, à la photo grise, pour bien foutre le cafard à tout le monde et montrer que non, ça ne rigole plus, on n'a plus dix ans, et maintenant des gens meurent autour de nous. Bref, tout va mal, que ce soit du côté de Harry ou du côté du cinéma. Le montage n'apporte rien d'autre que la compréhension de l'histoire (et encore, c'est parfois un peu brouillon, malgré le fait que tout soit simplifié à l'extrême, mais j'y reviens également plus tard) et n'a aucune velléité sensorielle ou émotionnelle. L'histoire se déroule, pas si surdécoupée que ça bizarrement, privilégiant plutôt des pauses et du souffle, mais sans que le montage ne devienne source de cinéma, disons. Du côté du son ce n'est pas génial non plus, là aussi illustratif et mixé plutôt bas (à moins que ce ne soit la cause de la projection), mais Yates ne joue pas avec. La photo est plutôt grise mais assez riche et parfois même mouvante (dans la grotte, elle change quasiment à toutes les coupes, elle suit clairement les émotions des personnages, ce qui est assez bien vu). Elle est luxueuse et n'hésite pas à être très contrastée, quitte parfois à avoir un écran presque noir. L'étalonnage est assez surprenant, et ressemble pratiquement à ce que pourraient faire les frères Quay dans leurs films live (j'exagère, mais les séquences dans la mémoire m'y ont un peu fait penser). Les cadrages sont souvent beaux et composés, ce ne sont pas que des plans rapprochés et quand c'est le cas Yates ne s'étouffe pas dans la longue focale. Bien souvent quelque chose se passe à l'arrière plan (dans le bureau de Slughorn, dans la tour à la fin), ce qui montre qu'au moins il y a réfléchi un tant soit peu. Ce n'est pas génial mais c'est déjà ça, et c'est plus que ce que j'espérais ! Par contre, le film a deux très gros points faibles : le numérique et le scénario.

 


Il serait pléonasmique de vous dire que les CGI sont moches, mais je vais le faire quand même. Disons que Yates en abuse outrageusement, et c'est très désagréable, parce que même quand l'image est joliment composée on ne peut pas s'empêcher de voir, à l'arrière, un horizon affreux fait à l'ordinateur avec un faux château, de fausses montagnes, un faux coucher de soleil, tout ça. Un exemple très parlant, au tout début du film, comme ça je ne vous spoile pas le tout. Après que la caméra ait fait un espèce de grand parcours en plan-séquence, qui ressemble plus à un grand-huit qu'à du cinéma (c'est efficace, ça fout le mal de coeur pour peu qu'on soit devant, mais ce n'est vraiment pas très beau), les méchants Mangemorts attaquent Londres donc, et en particulier détruisent le Millenium Bridge. Il y a du plan rapproché, du plan large, du plan en hélicoptère, il y a surtout du pixel partout, ce qui a pour conséquence le fait qu'on sache qu'ils s'attaquent à un programme informatique. Du coup, une scène qui se voulait choc se trouve totalement inoffensive et perd de sa percussion. Ce n'est même pas un morceau de bravoure, c'est un... truc. Alors effectivement, ce n'est pas nouveau et on peut reprendre ce que je viens de dire et l'accoler à tous les films qui usent et surusent du numérique, mais il faut quand même le rappeler, parfois, on ne sait jamais.

 

Le scénario, quant à lui, pose beaucoup de problèmes. Au début du film on nous dit que Voldemort gagne du terrain et que ça commence à être un peu la guerre quand même, et qu'il faudrait se bouger les miches pour botter celles du méchant. Très bien, sauf que dans HARRY POTTER ET LE PRINCE DE SANG-MELE, et bien, seul ce bon vieux Dumbledore s'occupe de ça, et encore, puisqu'il disparaît bien souvent du film et exécute ses missions de recherches du méchant tout seul ! On ne voit quasiment jamais les actions de Dumbledore, et on ne peut que les deviner. Tout ce qui reste de ce film de deux heures trente, ce sont les pérégrinations amoureuses du trio de héros. Alors pourquoi pas hein, David Yates fait ce qu'il veut après tout et puis de toute façon quoiqu'il fasse il s'assure quelques centaines de millions de bénéfices, alors zou, on fait de la comédie romantique teenager. Ca passerait bien si ce n'était pas aussi inconséquent. Ce n'est qu'accumulation de gags et de situations vues et revues : truc aime machin mais n'ose pas lui dire, et machin sort finalement avec bidule, donc truc pleure et souffre dans son coin. Voilà. C'est ça pendant deux heures. Les jeunes acteurs font ce qu'ils peuvent, mais ne sont vraiment mais vraiment pas aidés par le traitement des personnages qui frise le foutage de gueule (notamment la petite Emma Watson, dont on sent qu'elle en a sous le coude, mais tout ce qu'ils lui font faire c'est froncer les sourcils et pleurer, ce qui gâche son potentiel talent. Et ce n'est pas mieux pour les adultes, Michael Gambon, Helena Bonham-Carter, David Thewlis ou ce bon vieux Alan Rickman, qui ont une présence à l'écran trop courte pour faire quoique ce soit). Ils ne prennent jamais corps et quand survient le grand choc de la fin du film, on s'en moque quand même pas mal.

 

On sent aussi que beaucoup de chose ont été coupées non à la table de montage, mais à la table d'écriture ! On ne peut que sentir qu'il manque, allez, le double voire le triple de temps pour comprendre quoique ce soit à l'histoire, et ce pour plusieurs raisons : un, il n'est jamais fait référence aux films précédents. On ne sait pas trop où on en est, du coup la quête de Harry et de ses copains semble d'autant plus vaine. Deux, le Prince de Sang-Mêlé du titre, et bien, on s'en fout pas mal aussi. On connaît son identité à la fin, super, mais on ne connaît pas les conséquences de cette révélation, que ce soit après le film ou même pendant ! On en entend parler deux ou trois fois, mais pas plus, et le spectateur qui veut voir du Prince de Sang-Mêlé, il demande qu'on le rembourse. Cette partie du scénario est d'une inconsistance totale car traitée par-dessus la jambe (alors que ça aurait pu être fort intéressant, au niveau de l'ambiguïté des sentiments de Harry et aurait peut-être laissé entrer quelque aspérité, quelque chamboulement ; en gros, on aurait traité du personnage. Surtout pas, non ! Traitons plutôt les effets spéciaux).

 

En fait, on se rend compte qu'adapter les livres un par un est une monumentale erreur, parce que ce qu'on élague dans un a des répercussions dans l'autre, et on perd des situations et des personnages. Il aurait mieux valu, si on avait vraiment voulu adapter HARRY POTTER au cinéma, attendre que tout soit terminé, et faire trois ou quatre films mais qui aient une quelconque cohérence, et en choisissant précisément quoi couper, et non pas couper un peu à chaque fois et voir ce que ça donne. De toute façon on s'en fout, on est déjà riches et on va être encore plus riches. Au final, le film n'a pas franchement d'intérêt, mais il y a quelques beaux cadres et une lumière relativement sympathique, alors on ne va pas complètement s'essuyer les pieds dessus. On se contentera de l'enjamber.



LJ Ghost.




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Publié dans Corpus Filmi

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L
J'avoue avoir une nette préférence pour le numéro 3, réalisé par un de mes chouchous, Alfonso Cuaron, et qui pour le coup est plus que regardable, avec de vrais bouts de mise en scène à l'intérieur. Les autres sont médiocrissimes.
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S
...je ne sais pas vraiment si l'humanité et le cinéma sont plus avancés effectivement avec ce3 dernier volet, mais ' Harry Potter' si en tout cas...Il m'a semblé à moi que c'était au contraire l'un des plus regardables, par rapport aux autres qui m'ont toujours laissés une impression d'ultra-condensé.
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