EXORCISME ET MESSES NOIRES de Jess Franco (Espagne-France, 1979) et POPCORN de Mark Harrier (USA, 1991): Virez les enfants, balançez les chocolat et brûlez le sapin !

Publié le par Dr Devo


[Photo: "Exocet et Fesses Noires" de Dr Devo]



Chers Focaliens,

 

 

Allez, zouh, on ne s'endort pas, et on continue au pas de course. De manière totalement opportuniste, alors que les autres blogs sont en semi-activité pendant les wouaaaah-camps de Noël, on essaiera de rattraper leur audience, de la chiper même, en parlant de films indispensables tels que...

 

 



EXORCISMES ET MESSES NOIRES de Jess Franco (Espagne-France, 1979)

 

Ha, Jess Franco ! Nous, on aime bien... des fois ! Je vous avais dit tout le bien que je pensais de UNE VIERGE CHEZ LES MORTS-VIVANTS. Ici, Franco co-scénarise la chose avec Henri Bral de Boitselier, déjà scénariste du très sympathique et totalement surréaliste LES AVENTURES GALANTES DE ZORRO de Gilbert Roussel (que je salue bien bas !) dont nous avions aussi déjà parlé, et là j'en suis sûr.

 

Ici, il s'agit, bien entendu, d'une production Eurociné, spécialiste du fantastique et du nanardisme dans les années 70/80, pas forcément concomitant d'ailleurs, et ça se passe à Paris où on retrouve Franco, acteur pour le coup avec son délicieux accent hispanique, en écrivain de feuilleton. Le bonhomme est spécialisé dans les récits érotico-sataniques qu'il publie dans une revue au titre hilarant mais qui malheureusement m'échappe (si quelqu'un s'en souvient qu'il poste un commentaire pour le plus grand bonheur de la communauté).  Et justement, il surprend  une conversation entre le rédacteur en chef de la revue et sa secrétaire mignonne et très très particulière. Les deux parlent de messes noires sacrificielles ! Franco, en quête de rédemption, sans doute (hihi, mais je ne vous dirais rien), va donc enquêter sur ces messes noires et tuer-exorciser un à un leurs participants. Le pauvre hère n'a pas compris qu'en fait, ces cérémonies qui ont toujours lieu dans les hautes sphères de la Société, sont factices ! On sacrifie ici avec des couteaux en plastique et du ketchup. En fait ces réunions sont l'occasion de spectacles effectivement sataniques, et encore plus érotiques qui bien souvent dégénèrent bien volontiers en partie de jambes en l'air ! Franco s'en va donc tuer des gens qui n'ont jamais rien fait, sinon s'envoyer en l'air. Une bien funeste méprise mais heureusement, la police veille...

 

Bon. Ceux qui avait découvert le Père Franco dans UNE VIERGE CHEZ LES MORTS-VIVANTS (dont l'héroïne, rappelons-le, n'est pas vierge, et qui ne contient absolument aucun mort-vivant d'aucune sorte !), vont en être pour leur frais. Par contre, ce qui n'ont jamais vu une production Eurociné vont découvrir quelque chose d'assez typique. EXORCISME... est une série Z très improbable, beaucoup moins bien mise en scène que les beaux Franco (99 FEMMES, par exemple). Ici, tout est cheap. Mais, encore plus, c'est la pauvreté de la mise en scène qui saute aux yeux, révélée ici et là par des "idées" de mise en scène un peu imposées par le manque de moyen, comme ce champ/contrechamp entre la chambre d'hôtel de Franco, et la chambre d'une des gourgandines satanistes (qui ravira les amateurs de caresses saphistes), champ/contrechamp qui suggère d'abord une caméra subjective qui se transforme assez improbablement, mais poétiquement, en un plan spécifique dans un axe contrarié sur la chambre des petites malicieuses dénudées.  Evidement, le scénario est énorme mais pas totalement sans charme, dans le sens où une pesanteur et un tristesse certaines se dégagent de tous ces ébats condamnés à l'avance, et que petit à petit, au fil des répétitions incessantes de situations meurtrières, tendent vers le glauque. Pas forcément antipathique, notamment grâce au soutien d'acteurs jouant à la truelle et doublés à l'avenant (tout en post-synchro, bien sûr) parmi lesquels la belle Lina Romay et Nadine Pascal (une habituée des productions Eurociné), EXORCISME... est une petite chose et très nettement en dessous des jolis films du réalisateur. A noter que le film existe aussi sous les titres L'EVENTREUR DE NOTRE-DAME et SEXORCISMES que moi j'aime beaucoup...

 

 

 

 

 


POPCORN de Mark Harrier (USA-1991)

 

Je ne sais pas si vous avez senti la différence, mais depuis quelques temps sur Matière Focale, on est revenu au cinéma fantastique d'extraction B, bis, Bzzz, et Z. Nous redéfrichons les bacs des soldes dividis à la recherche de la perle. Le Marquis m'avait déjà parlé brièvement de POPCORN de Mark Harrier (acteur épisodique, et surtout réalisateur de ce seul long-métrage), mais je ne l'avais point vu encore. Une grave erreur...

 

Aux USA, une classe de filmo (des étudiants en cinéma) décide de récolter des fonds pour financer leurs courts-métrages en organisant un marathon de films d'horreur, dans un cinéma old school (belle salle d'ailleurs) promis à la destruction. Parmi ces étudiants, il y a Jill Schoellen, jeune fille qui est assaillie par un rêve récurent, vaguement sataniste dont elle espère s'inspirer pour faire un film. La classe choisit de projeter pour l'occasion des films d'horreur un peu ringards, diffusés à l'époque avec des dispositifs immersifs pour les spectateurs dans la salle : un film (japonais !) en odorama, un film sur un homme-éléctricité où les sièges envoient des décharges électriques, etc ..! [Des dispositifs très bien évoqués dans le sublime PANIQUE A FLORIDA BEACH de Joe Dante. Un titre à noter !] Dans les vieilles bobines ainsi exhumées, les étudiants retrouvent une courte séquence d'un film très étrange qui s'appelle THE POSSESSOR. Jill n'en croie pas ses yeux : les images de ce film sont celles de son rêve récurent. Son professeur lui explique qu'il a été réalisé par un type un peu foufou dans les années 60, qui était le gourou d'une communauté et qui n'a jamais tourné la fin de son film, et pour cause : la dernière partie du métrage, un massacre, s'est dérouleé en direct dans la salle de cinéma, provoquant la mort de dizaine de gens ! Peu importe, le festival-marathon va avoir lieu. Le soir même, la salle est bondée, mais Jill croit avoir aperçu le fameux réalisateur de THE POSSESSOR, et elle a peur que la projection finisse dans un bain de sang !

 


On l'aura compris, POPCORN s'inscrit dans la droite lignée du genre slasher, tendance années 80. Un bon vieux serial killer des familles, une intrigue alambiquée, et une présentation des personnages soignée mais classique. Par contre, ce qui l'est moins, classique, c'est la très belle séquence onirique (des images du film THE POSSESSOR, donc) qui ouvre le film et qui est de toute beauté. Sur un ton exagéré, un poil grotesque, Harrier marque des points : très belle photo plutôt baroque et artificielle, jeu sur le grain de l'image, jeu sur la projection de texture sur toile blanche, surimpression, et un montage tout à fait au diapason. Voilà qui démarre bien.

 


La mise en place de l'horrothon est très classique. Les menaces, familiale et séminole killeuse, se déroulent pépère (à noter une belle idée d'éclairage sur Dee Wallace dans le cinéma vide). Quand la séance démarre, les choses se consolident. Le scénario joue sur le montage alterné, et de fait, de manière habile, déploie un rythme assez alerte qui fait passer facilement les exagérations de la situation. Tandis que le récit avance classiquement, avec une héroïne qui voit des tueurs assoiffés de sang dans une soirée tout à fait normal, les allers-retours plutôt malins (et jouant d'effets de rupture légers mais efficaces) entre cette situation et les films projetés à l'écran fonctionnent allégrement. Harrier s'est donné beaucoup de plaisir en tournant des parodies, pas si grotesques et caricaturales que ça, de films d'horreur "cheesy" (bis, dirait-on ici) des années 60 et 70. En quelques coups de cuillères à pot, l'énergie et quelquefois la bêtise de ces petits films de série sont décrites avec tendresse. Harrier place toujours un joli plan dans ces films dans le film. Très bien. En salle, le slasher continue. Tout cela est de bonne facture. Les moyens sont sans doute (relativement) limités mais le repérage est excellent, les personnages décrits vite fait bien fait, et les réflexions sympathiques sur le cinéma s'accumulent. Le cadre est vraiment soigné et la photo, très années 80, pas ridicule du tout, ni anonyme. Harrier privilégie le rythme, sait faire des débrayages (dont le très long dialogue entre le tueur et l'héroïne, bien plus qu'une explication scénaristique, qui impose un changement de tonalité étonnant, j'y reviens). J'y reviens maintenant d'ailleurs ! Le film est balisé, on est en terrain connu, se dit-on. Disons qu'on a l'impression d'être dans la moyenne haute et très honorable de la tradition série B du slasher. Au fur et à mesure que les meurtres s'installent, le ton, sans changer de l'aspect fun et teenager du genre, mute en quelque chose de différent. Petit à petit, le film devient plus dramatique, et relativement plus poignant. Harrier sait très bien ce qu'il fait. POPCORN, hommage aux séries bis et au cinéma tout court, fait passer son film du Bis au B, voire plus. Le ton est de plus en plus prenant, de moins en moins potache. Dans ce dispositif, Harrier développe une vraie tendresse pour ces films bricolés, certes, mais semble dire que tout cela est quand même du cinéma, nourrissant parfois. Parallèlement, le ton de POPCORN devient plus adulte (sans départir de ses racines slasheresques), plus angoissant. Enfin, dans son dénouement, notamment cette longue discussion avec le tueur), POPCORN acquiert une autonomie totalement originale, dépasse son cadre limité, impose ce nouveau ton, et ce grâce à de beaux passages de mise en scène : invention des masques, ce ralenti sublissime (reprenant le grain de la séquence de rêve) quand l'héroïne tente une veine échappée (vraiment une très belle scène), etc... Quand le premier et le second degré se rejoignent ainsi, la place du spectateur est moins confortable, et lorsque le film a fini de se dénouer, Harrier, dans un joli champ/contrechamp impose une vision assez jolie et inattendue des deux univers (adultes et ado, cinéma bis et cinéma tout court) qu'il fait cohabiter de force (le plan lyrique avec la caméra qui se balance au bout d'une corde, opposé au plan de panique dans la salle).

 

POPCORN est donc très étonnant. Il faut dire qu'il est servi par un montage alerte et surtout par un travail photographique et de cadrage de premier ordre. Le responsable c'est Ronnie Taylor, cadreur chez De Palma (PHANTOM OF THE PARADISE), de plusieurs grands films de Ken Russel (LES DIABLES et LE MESSIE SAUVAGE, notamment), chez Kubrick (BARRY LYNDON), ou encore cadreur de cet autre beau film jouant sur la fiction et la réalité qu'est THEATRE DE SANG. C'est aussi le photographe de Argento, du FANTOME DE L'OPERA, OPERA et du SANG DES INNOCENTS. Et de Jodorowsky pour LE VOLEUR D'ARC EN CIEL. Bref, ça bosse et c'est du vraiment beau. Le scénario malin fait le reste, et POPCORN est le bel exemple de petit bijou, oublié de tous et défendu par peu de gens, qui redonnent de belles lettres de noblesse au cinéma, et dont on a l'impression qu'il bosse, tout simplement ! Tout en restant une série B affirmée, POPCORN est donc un travail original et soigné, et une belle ode jouissive au cinéma. Un film généreux et assez gonflé.

 

Et en plus, on le trouve dans les bacs, neuf ou d'occasion à trois ou quatre euros, et en V.O !

 

Joyeux Noël !

 

 

 

Dr Devo.

 




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Publié dans Corpus Analogia

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D
Ca fait un petit moment que je me dis qu'il faut que je jette un oeil à l'amir Farmer. J'ai lu l'article, c'est noté.Et puis, à mon tour, mes meilleurs choses pour 2009, cher Sigismund (à celui qui dira, comme on disait dans l'ancien temps).Dr Devo
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S
alors là Docteur, si je m'attendais, car je n'espérais pas tant....en effet j'aurais dû être moins laconique,je pensais à un roman de Farmer traduit en français par 'Comme une bête', je ne l'ai pas lu donc mais ayant pu me faire une idée du talent de l'auteur avec 'Une bourrée pastorale' ( 'Flesh' donc ) et connaissant seulement le pitch de ' Comme une bête' ( un detective has-been face à des vampires ), j'espérais susciter quelques vocations comme ça l'air de rien...je suis là, j'en profite pour vous faire part de mes meilleurs voeux à tous, le XXIe siécle sera focalien ou ne sera pas....
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D
Monsieur fait allusion à son article...Voilà, ça c'est fait...Dr Devo.
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S
...et dire que je viens à peine de découvrir Philippe José Farmer.
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S
de fait 'Popcorn' dont je n'avais jamais entendu parler m'intrigue, merci Docteur, avec ceci je devrais tenir le coup...mais n'hésitez pas à m'envoyer le numéro de votre secrétaire ici sur la photo...je n'ai pas vu un seul Jesse Franco non plus et pourtant il y avait une rétro dans un festival ou je bossais, le concept de ce film -ci à l'air teès bien aussi, c'est même un truc qu'on oserait plus -le type qui tue des innocents, il y a bien 'Funny games' mais c'est justement pas drôle. 
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