OBSCENITE ET VERTU de Madonna (UK-2008): du bon boulot pour nourrir les gosses...

Publié le par Mr Mort

Je continue à assurer la permanence au(x) cabinet(s) du Docteur, en allant voir les films récemment sortis pour le meilleur et pour le pire, bien que, malheureusement, la période de soit pas propice aux bonnes surprises. Échaudé par le cinéma français art et essai, je me tourne vers le cinéma bidule-chouette anglo-saxon, en espérant avoir quelque chose à me mettre quelque chose sous la dent, enfin. Comme disait le poète : "les carottes sont-elles cuites ?" Ça devait arriver un jour, et voilà. Madonna, la chanteuse interstellaire et chatoyante qui jouit dans nos contrées d’une réputation d’actrice détestable (elle transformait tous ses films en nanard potentiel), a fini par passer derrière la caméra et nous pondre OBSCENITE ET VERTU, soit FILTH AND WISDOM en Cleese dans le texte, dont l’affiche tranquillement ridicule pouvait suggérer un petit machin décadent et rigolo du genre Ken Russel période "Relax" (soit Frankie Goes to Hollywood). Bon, je dis ça pour me faire mousser, ne m’attendant pas à ce que la Ciccolina américaine nous fasse quelque chose qui puisse rivaliser avec le Maître anglais. Ceci dit, la démarche est-elle ridicule ?



OBSCENITE… raconte l’histoire de trois colocataires qui partagent une petite maison dans la banlieue de Londres. Le premier (et seul garçon) est le narrateur. Musicien et chanteur, il gagne sa vie en organisant dans sa chambre des séances de dressage SM pour garçons adultes. Le deuxième personnage est une jeune femme, plutôt sage, rompue à la danse classique, mais qui a bien du mal, elle aussi à boucler les fins de mois. Elle décide alors de postuler à un job de danseuse dans une boîte à strip-tease bien que cette idée lui fasse horreur. Notre troisième personnage est une autre jeune fille, très jolie également mais moins sage qui travaille dans une pharmacie tenue par un homme d’origine indienne, plus ou moins amoureux d’elle et marié à une espèce de grosse mégère. Mais être jolie ne suffit pas, et entre prises de médicaments et traînage de pied, elle essaie d’inciter les gens à donner un peu de sous pour les enfants d’Afrique… Enfin, le quatrième colocataire n’est autre que sa majesté splendouillette Richard E.Grant, ici en écrivain-poéte jadis reconnu, mais qui n’écrit plus rien depuis que la cécité a assombri ses jours (hahaha!). Tous les quatre vont devoir affronter leur face sombre pour pouvoir enfin voir la lumière au bout du tunnel, et faire quelque chose de leur vie. Un bien curieux processus, mais vous le savez, tout est dans tout, et même réciproquement…


Étonnement, Maradona, déesse de la variété internationale, n’a pas fait le film qu’on pouvait supposer qu’elle fit. Plutôt que de se lancer dans un projet richement doté qui déchire sa mère au box-office et qui affole les statistiques du Grand Marketing Internationnal, elle a préféré, disons, viser la cible "indépendante" art et essai. Why not, après tout? Peut-être fut-elle échaudée par sa réputation d’actrice catastrophique, largement exagérée d’ailleurs car elle a quand même un film sympatoche au compteur à savoir
RECHERCHE SUSAN DESPEREMENT. Donc, nous voici à Londres avec notre bande de jeunes plus ou moins marginaux/underground qui galèrent dans l’anonymat et le manque de reconnaissance et/ou d’épanouissement. Le héros-narrateur (chanteur du groupe Gogol Bordello, ai-je cru comprendre) nous explique pour atteindre le haut, il fait toucher le plus bas, et que les choses les plus sordides mènent aux réalisation les plus grandes. Mouais… On a un peu peur dés l’ouverture, avec un plan très anglais justement qui aurait pu sortir d’une de leurs comédies branchées (aux anglais, suivez un peu!) où notre ami Gogol (appelons-le comme ça) fait son monologue en parlant à la caméra et en prenant le spectateur à témoin, ce qu’il fera d’ailleurs pendant presque tout le film. Dieu merci (ou pas), ça se calme par la suite, pour devenir moins "branchouille". Mais, malheureusement, très très vite, il est évident que ça ne sera pas ici qu’on trouvera le Graal qui épanchera notre Soif. Outre les personnages, très vite identifiables et peints à gros traits rapides (chanteur destroy + Mère Térésa sous drogue + Boucle d’Or "obligé" de montrer ses fesses), c’est surtout la narration et la mise en scène qui refroidissent vite nos ardeurs. Côté contenu d’abord, le ton est vite donné. Notre ami Gogol nous donne un axiome de départ (vice et obscénité sont les deux mamelles du même animal, ou les deux faces d’une même pièce si vous préferrez) qu’il va tenter assez mollement d’illustrer. Ce qui se passe en fait ensuite, c’est une espèce de collection d’historiettes pour chaque personnage qui vit une quête principale assez simple. On est quasiment dans l’assemblage de trois courts-métrages ou trois sketchs. Humm…


Le tout avance à petit foulée, sur un rythme très tranquilou. Il faut dire que les trois histoires ont non seulement une quête très identifiable, comme je viens de le dire, voire un peu naïve, et que les événements qui les rythment ne sont pas vraiment légion. Et dans les trois cas, plus on s’enfonce dans l’histoire, plus les enjeux deviennent prévisibles et vont même se conclure de la manière la plus basique qui soit, voire avec déversement de clichés ou de choses largement attendues. On voit ce que Gogol cherche à faire (avec Richard Grant d’ailleurs), c’est dit dès le départ, et il le fait. Fermez le banc. La danseuse en bave car elle est toute inhibée, ce qui est dit dès le départ. Sa quête : se lâcher. Elle se lâche, devient bonne stripeuse et fermez le rideau. Dans le cas de la jolie pharmacienne, sa quête n’en est pas vraiment une, mais ressemble plutôt à un mal de vivre qui se résoudra d’une manière des plus splendouillettes (grosso modo : on lui offre l’album WE ARE THE WORLD !). Mon dieu. On note, ce qui appuie totalement ce que je viens de dire, qu’au fur et à mesure que le film avance, les séquences de transitions musicales, si chères au cinéma hollywoodien de base (ou art et essai français comme je le disais à propos de
LA BELLE PERSONNE), se multiplient comme autant de petites vignettes illustratives. Pas de quoi de faire la Révolution, ni même de renverser le gouvernement, donc . On est très largement en terrain connu. C’est encore l’histoire de la pharmacienne qui est la plus édifiante, suivie de peu par celle de Gogol. Dans les deux cas, on se demande ce qui peut bien se passer dans la tête du scénariste et de la réalisatrice. On sent une volonté de nous resservir l’éternel adage selon lequel "quand il y a une volonté, il y a un chemin", ou "qui veut, peut", mâtiné de développement personnel. Une espèce de rêve de bohème dont, malheureusement, la minceur des histoires, leur peu d’enjeu, font en sorte que toute tentative d’incarnation est bien laborieuse pour ne pas dire impossible. OBSCENITE… est donc une suite de scénettes, sans vraiment de conséquence, qui pourrait presque arriver dans le désordre et qui ne raconte que très peu de chose. Madonna essaie de peindre une espèce d’utopie fraternelle mais bien trop écrite et sans aucune espèce de paradoxe. (Le postulat de départ n’est qu’une formule rhétorique, en quelque sorte, une figure de discours qui ne sera qui très peu illustrée par la suite. Le postulat est le résultat, en quelque sorte.) Evidemment, un tel modousse operandaille, comme dirait le Docteur, ne se construit pas sans cliché ou raccourcis énormes, comme par exemple le rapport naïffissime (joli!) de Grant à ses livres, les insupportables flash-backs, très naïfs également, concernant le personnage de Gogol (l’élément le plus ouvertement putassier, et qui se déploie comme si la narration cinématographique avait 10 ans), l’incroyable passage à l’acte, façon "Marie Salope", de la danseuse-larve se transformant en papillon de l’effeuillage, etc… (Ha oui, et le masochiste qui retrouve sa femme obèse en Maîtresse Domina). Breeeef, conseillons à tout ce petit monde de revoir LES JOURS ET LES NUITS DE CHINA BLUE de Russel, par exemple… Au hasard.




Alors, si on farfouille dans le moteur, on ne trouvera pas l’extase non plus. Madonna se montre très sage sur le plan esthétique. Le film est tourné en vidéo. Il est terriblement grisouille, voire mal photographié (toutes les scènes dans la maison par exemple, et celles dans la boîte de strip). Il n’y a guère qu’une petite lampe d’appoint dans les scènes SM (et encore…) à se mettre sous la dent. Donc photographie : nada à signaler, on est dans la tendance basse, c’est assez laid. (Oh oui, j’allais oublier les scènes chez le masochiste à la femme obèse… Quelle lumière grisouillo-môchasse!) Le plus gênant pour moi a été le cadre très répétitif, toujours en plans rapprochés, qui rendent le film d’une grande banalité. Il y aura des instants plus léchés, souvent les plus pathétiques (la "crise" de Grant), mais jamais vraiment convaincants ni beaux. Comme le montre le montage, simplement narratif, et même captatif si j’osais, qui ne se compose que de simples champs/contrechamps, Madonna a donc essayé de minimiser les risques. Pas de jeux d’échelle, pas de découpage vraiment signifiant, pas de jeux d’axe… (Je passe sur la musique, vraiment pénible pour le coup, pour un petit gars comme moi : un mélange de Mano Negra tziganniste qui n’est pas sans rappeler le Kusturica Band…)




"Comment il te l’étrille la Madonna!", devez-vous vous dire... En fait, pas vraiment. Car c’est là le drame, et là, Madonna n’y est pour rien, malgré l’accueil froidasse du film, il n’est ni vraiment mieux ni vraiment pire que le reste de la production européenne art et essai ! Madonna, en quelque sorte, a réussi son pari en faisant un film qui ressemble à ceux de ses collègues. Elle aurait signé la chose sous pseudonyme, que tout cela serait passé comme une lettre à la poste. En tout cas, pour le focalien en culottes courtes, que Madonna ait réussi ou pas à se placer sur le marché art et essai européen, il y a, c’est la même litanie depuis dix jours sur ce site, dans ce film, aucune proposition esthétique ni quoi que ce soit d’iconoclaste. Et comme les outils propres au cinéma sont très peu utilisés, on est encore dans ce cinéma a minima devenu si courant.


A moins que tout cela ne soit de l’architecture, ou du tricot, je ne sais pas…


Cinéaste, mon ami, fais des films, s’il te plait. Ou please.




Mr Mort.





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Publié dans Corpus Filmi

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D
Voilà, c'est mis en page et en plus on a grossit la police de caractère! Dr Devo. 
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D
Un petit bug dans l'interface de gestion de ce site, ne me permet pas de mettre, pour l'instant, cet article en page. Je corrige le tir dés que possible...Mes excuses pour ce dérangement...Dr Devo. 
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