PORNO HOLOCAUST, de Joe D'Amato et Bruno Mattei (Italie - République Dominiquaine, 1981) : Porno Low Cost ! (Happy Birthday à celui qui lira !)

Publié le par Dr Devo

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[Photo : "Misunderstanding All You See" par Mek-Ouyes.]

 

 

Chers Focaliens,
 
C'est un vendredi comme les autres, mais un peu plus et je le loupais, si j'ose dire. Entre deux lessives et des achats de vieux vinyles pour une bouchée de pain (dont un maxi de Cassandra Complex, et « Pornography » de The Cure dont je découvre avec émotion le premier morceau), j'aurais pu passer à côté, et pourtant, c'est aujourd'hui jour pour jour, et pour cause (rires) l'anniversaire de Matière Focale, troisième prise.
 
Trois ans de bons et loyaux services, pour le plaisir entier de la communauté. Je le dis à chaque fois, et ce malgré le rythme ralenti du site depuis quelques mois, c'est un plaisir d'être ici avec vous, chères lectrices, et si vous n'étiez pas nombreuses et si assidues, je pense que ces critiques auraient rejoint un quelconque carnet, puis seraient entassées dans un sous-sol humide. Ce qui n'est pas un scandale, me diriez-vous avec raison, mais cela me priverait du plaisir, de la joie et de la fierté de prendre cette mini-prise de risque qui est celle de celui qui s'expose sur la voie publique.
 
Ayant complètement oublié que nous étions arrivés à échéance, vous me pardonnerez de n'avoir rien préparé. Alors voilà, ce que je peux vous raconter aujourd'hui.
 
Cette semaine, je n'ai pas vu énormément de films, mais quand même CANNIBALIS (AU PAYS DE L'EXORCISME), semi-film de cannibales dont je n'ai vu que la moitié car je me suis endormi devant ! Pourtant, ce n'était pas si hideux que ça, voire assez marrant, et je peux d'ores et déjà vous dire qu'il y a un superbe point de montage (son), très poétique et sans doute involontaire, dans ces 45 premières minutes. J'y reviendrai quand j'aurais repris le film à zéro et vu la chose en entier, parce qu’ici, on le sait, on aime (éventuellement s'ennuyer) les films de cannibales.
Quelques étages au-dessous, j’ai vu aussi, mais avec moins de cannibales dedans, le débilissime et assez amusant  PORNO HOLOCAUST, film coquin mêlé de cinéma de genre fantastique, italien bien sûr, réalisé par Joe D'Amato (hey !!!), et, dit la légende, même co-réalisé officieusement par Bruno Mattei, le très improbable mais bougrement sympathique réalisateur du diptyque HORROR CANNIBAL dont nous avions parlé ici, et qui aussi un film de cannibales, c'est bien foutu. Si je vois PORNO HOLOCAUST c'est surtout à cause de l'intrigue qu'on m'avait racontée et qui était simplement irrésistible : un homme exposé à des matériaux radioactifs voit son corps muter et lorsqu'il se lance dans des aventures sexuelles, sa ou ses partenaires se transforment en zombies sous l'effet de sa mutante semence. Alors quand on me raconte ça, moi, le cœur sur la main, je dis : "file moi ça tout de suite".
Malheureusement, ce n’est pas du tout ça. Ça raconte plutôt comment le capitaine d'un bateau (un espèce de Matt Huston ahuri qu'il est urgent de dénoncer comme grande force comique de son temps : Mark Shannon, qui est aussi un des héros de LA NUIT ÉROTIQUE DES MORTS-VIVANTS du même D’Amato !) emmène une poignée de scientifiques, dont certains femelles, qui n'ont de cesse que d'explorer une île radioactivement exposée dans le passé ! Sexe et gore ? Ben oui, mais non. PORNO HOLOCAUST, film exceptionnellement long (110 minutes je crois), n'est pas vraiment fantastique et donc encore moins gore. Avant de voir la moindre créature, il faut quand même se taper, et c'est rien de le dire, 70 minutes sans monstre radioactif ni rien du tout, avant qu'un pauvre acteur maquillé par la vendeuse du shopy local (le film est tourné en République Dominicaine) ne débarque et ne commence vaguement à massacrer une partie du casting.

Mais alors, que faire pendant ce temps-là ? Bah, si vous êtes spectateurs, versez vous un verre de vin, picorez des rondelles de saucisson, fumez un bon cigare. Les pauvres acteurs, eux, essaient tant bien que mal de faire ce qu'indique leur contrat de travail. Sans doute déçus de ne pas jouer dans un film de sperme mutant zombiogène, nos intermittents ont bien du mal. D’Amato, lui, remplit son film de scènes de sexe, et techniquement pornographiques. Ce qui nous vaut des dialogues préliminaires assez marrants. Mark Shannon est le seul à faire la cour à l'ingénieur atomique femelle (et accessoirement comtesse ! Ah non, ça c'est la physicienne nucléaire !) qui deviendra sa compagne officielle dans le film : une scène de rencontre interminable, une scène de restaurant longuissime où nos deux acteurs préfèrent mâcher bien la nourriture et pas trop vite plutôt que de dire leurs phrases et enfin, après de longues minutes d'effort, Shannon annonce à Mademoiselle Nucle-clé-haire qu'il va lui faire voir un fabuleux spectacle ! Ils prennent la voiture (encore une minute de perdue) et arrivent sur la plage ! Ah, se dit-on, il sait y faire, l'ami Shannon. En effet, il emmène la donzelle voir le coucher de soleil ! Old school, le moustachu ! Il a même emmené du champagne et des gobelets en plastique. [Plus tard, sur la plage on verra que c'est du whisky JB, malgré ce que disait le dialogue !]  La fille arrive sur la plage et dit quasiment, oh oui c'est très beau, merci, on baise ? Et hop c'est parti... Tout le reste est aussi débile.

Restent donc les scènes de sexe, qui sont complètement hallucinantes. Tous les acteurs sont visiblement à côté de la plaque. Pour vous, Mesdames, je vous rassure, nos héros ne sont pas très dangereux, et surtout pas très vigoureux. Quelques dominicains prêtés par le Conseil Régional relèveront à peine mieux le dur défi, mais leurs caresses sont si dépourvues de bon sens  et tellement sous-exécutées, tellement factices, que la première scène de tricycle, et la seule d'ailleurs, devient un joyau comique. Nos deux vigoureux figurants font quelques gestes de massage sur la zone érogène la plus fabuleuse et la plus cachée de la Comtesse Radioactive : l'omoplate ! Sachez, jeunes gens focaliens encore peu à l'aise avec les choses de l'amour, que l'omoplate est la principale zone érogène chez la femme ! De toute façon, voilà qui a peu d'importance, nos deux mâles pensant visiblement à la liste des courses à faire à Shopy, justement, et consacrant plus d'afflux sanguins au cerveau en train de travailler à cette tâche de mémorisation qu'à l'approvisionnement par ce même liquide des corps caverneux pourtant bien utiles dans ces moments-là... Pendant ce temps la comtesse, visiblement très mal à l'aise de devoir tourner avec les deux indigènes, exécute les pires gourmandises bucco-génitales de l'histoire de l'ère industrielle. A-t-elle des lunettes dans la vie, l'actrice Annj Goren qui joue donc la comtesse ? Regrette-t-elle d'avoir toujours dit non aux propositions de films que lui a faites Bergman ? Visiblement déstabilisée en tout cas, elle a vraiment beaucoup de mal à emboucher les deux saxophones, pourtant barytons, qui s'offrent à elle, et loupe régulièrement les instruments de torture pour aller s'écraser le museau contre le nombril de ces partenaires...
Tout est comme ça, bercé par la musique hilarante de Nico Fidenco que je tiens absolument à trouver en vinyle (idée cadeau !). Pas n'importe qui, ce Fidenco, car il a signé des millions de B.O. de films de cet acabit, et aussi une chanson pour le 5X2 de François Ozon ! Et ça continue encore et encore, à grands coups de dialogues stupides. Tout le casting est soit complètement exténué (peu de vigueur chez les garçons, donc) ou alors très mal à l'aise. Il faut dire que l'île assez grande sur laquelle D'Amato a installé son équipe, vient juste, semble-t-il, d'être ravagée par un ouragan. C'est dégueulasse, il y a des troncs d'arbres déchiquetés partout, y compris dans la mer, et des débris à perte de vue. Et ce n'est pas pratique pour les galipettes. Dans la deuxième scène saphique, on souffre pour les actrices qui visiblement ne prennent aucun plaisir et pour cause : D'Amato les fait s'aimer sur un vieux tronc à la silhouette déchiquetée. Leurs popotins sont sûrement rabotés par le corps végétal en forme de scie, et ça doit faire très mal. Bref, ce n’est pas des conditions de travail pour un film porno, et PORNO HOLOCAUST, de par le désengagement de ses acteurs, devient, très largement, le film le moins érotique du monde. Du grand spectacle, à la tête duquel l'immense (et moustachu) Mark Shannon, visiblement absent, qui ne prend même pas la peine de mimer un quelconque plaisir, et qui dans deux plans sur trois arrive quand même à jeter un œil à la caméra et vers Joe D'Amato pour savoir s'il doit continuer ou si c'est dans la boîte ! [Cette proportion n'est absolument pas exagérée.] Dans la dernière ligne droite, et donc la partie avec des milliers de monstres radioactifs (ou alors un seul, je sais plus...), c'est là que le spectateur sera le plus sollicité. Les traversées de l'île sont inter et minables, d'une longueur hallucinante (avec un aller-retour pour rien !). Heureusement, la dernière séquence monumentale vient rattraper tout ça, mais je ne vous dis pas pourquoi : ce sera votre récompense ! Il y a quand même deux plans hallucinants de débilité, et tous les deux hilarants qui plus est.
 
Photo nulle, étalonnage surréaliste, acteurs à l'ouest, scénario stupide, scène de sexe exécutée sous prozac par une bande d'acteurs demi-impuissants, on est bien loin du soin qu'on peut trouver chez certains films italiens, même Z, CANNIBALIS... étant un très bon contre-exemple. Par contre, les jeux piteux sur le son (notamment dans les scènes de sexe), et la musique sont délicieux et contribuent très largement à donner une ambiance surréaliste à votre salon pendant une heure et cinquante minutes. Pendant le ¼ d'heure pénible aux 3000 allers-retours dans les 15 mêmes mètres-carré de jungle, profitez-en pour aller chercher des bières, aller aux toilettes, repasser une chemise ou appeler votre mère. À cette condition, et si vous n'êtes pas seuls pour être témoin de cet hallucinant spectacle, vous devriez bien rigoler.
 
Alors, il est pas beau mon cadeau d'anniversaire ?
 
En tout cas, merci à tous de votre fidélité, et bon anniversaire à vous !
 
Bisous !
 
Dr Devo.
 
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Publié dans Corpus Analogia

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V
A mon tour, avec un peu de retard, de vous souhaiter un bon anniversaire. bah, j'ai bien mis un mois avant de me rendre compte que c'était le mien.Et bravo pour cette excellente approche de l'oeuvre du brave Joe.
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V
Bon anniversaire Docteur D, 3 ans, c'est sérieux! Et surtout ne nous laissez pas trop longtemps sans nouvelles!
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R
Bon anniversaire dr Devo !
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L
Oui en effet Joe D'Amato pour un anniversaire, j'avais testé et ca fait toujours son effet.Bon anniversaire, donc, à tous les focaliens. Porno Holocaust, je n'en est retenu que la musique, ca m'avait marqué comme vous, si vous la trouvez, ca mériterait une reouverture du juke box rien que pour ca, je l'ai eu dans la tête pendant des semaines, et c'est toujours étrange quand du coup quelqu'un vous demande ce que vous chantonnez.
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G
Cher docteur, quel hereux jour pour vous (jour de lessive, mais hereux tout de même). Sachez que je desespère de vous donner l'adresse de mon blog : le formulaire ci-édité ne l'accepte pas pour je ne sais quelle raison et les mails me sont retournés par le demon du mail. Bref le plaisir de voir votre signature dans un des commentaires (surtout vis à vis de mes modestes critiques) me semble compromis. Mais voilà, je vous laisse l'adresse dans le message. La publicité n'est peut-être pas tolérée, soit, c'est pourquoi je laisse à votre discretion le choix de publier ce commentiare ou non. Quoiqu'il en soit, l'adresse vous sera connue à present ce qui est l'essentiel.http://guile21.skyrock.comEntre les critiques de Pervert, 99 Francs et Match Point (sur lequel je suis en desaccord avec vous au vu de la votre, hé hé), j'espère ne as vous ennuyer.Joyeux anniversaire matière focale. Mais surtout longue vie et bonne continuation. 
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