ET SI C'ETAIT VRAI, de Mark Waters (USA-2005) : Putain de Camion !

Publié le par Dr Devo

(Photo : "Ascendant Scorpion" par Dr Devo)

Chères Focaliennes, Chers Focaliens,
 
Le hasard fait les choses bizarrement, puisqu'on avait déjà parlé ici de l'obscur réalisateur américain Mark Waters (pas le fils de). On avait vu son film HOUSE OF YES, avec Parker Posey et Geneviève Bujold, film pas trop mal mais très littéraire, tendance hemingwo-symboliste. Disons que ça faisait un excellent petit DVD du dimanche soir, ou du samedi d'ailleurs, et puis voilà. Il faut que j'aille relire mon propre article, car il me semble qu'il y avait quand même une scène particulièrement réussie.
 
Pour adapter le livre  célèbrissime de Marc Lévy, c'est Mark Waters qui s'y colle. Le petit français qui avait vu les droits de son best-seller, dont on n'aurait pas lu une ligne, rachetés par Spielberg, s'est ici tenu à l'écart... Officiellement du moins, comme il aime à le répéter. Il a quand même investi dans la chose en tant que producteur. Pas folle la guêpe. En attendant de voir ce que donneront les scénarios que Marc Lévy dit avoir déjà écrits "spécialement pour le cinéma", on ne se précipite pas sur ET SI C'ETAIT VRAI, mais on y va, parce qu'il y a Reese Witherspoon, qu'on aime bien et qui rappelle des abysses anciens à ceux qui avaient vu le beau SEXE INTENTIONS, et parce qu'il y a également Mark Ruffalo, et oui Mesdames, pour votre plus grand plaisir, et sans sa moustache tel qu'on (enfin "je") l'avait découvert dans IN THE CUT de Jane Campion. On a vu couple plus désagréable, mais dans le même temps, l'ignoblissime bande-annonce, qui nous rappelle que 500 Millions de fans d’Elvis ne peuvent avoir tort, et que le roman s'est très bien vendu, le tout sur une splendouillette VF enregistrée par des petits enfants cambodgiens payés une roupie de l'heure... On y va avec méfiance quand même.
 
Reese est médecin. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ça bosse dure. Quand le film commence, elle entame, après une micro-sieste de 6 minutes, sa 36ème heure de travail. Et il faut voir avec quel dévouement. Reese, c'est une passionnée, c'est tout pour les autres, et donc tout pour le boulot. Elle attend d'ailleurs une réponse professionnelle qui va être très importante pour sa carrière. Un grand chef de service de l'hôpital va bientôt nommer un assistant. C'est le tremplin de toute une carrière, et du coup, Reese ne ménage pas sa peine et ne compte pas ses heures. Ce soir-là, après le service, elle doit aller dîner chez sa sœur, à l'autre bout de la ville. Mais Reese n'y arrivera jamais, car elle percute un camion.
Mark Ruffalo cherche un appartement. Après en avoir visité des dizaines sans trouver chaussure à son pied, il finit par en visiter un par hasard et, coïncidence, c'est celui-là qu'il veut. Bizarrement, pour des raisons familiales de la part des propriétaires, le bail est renouvelé tous les mois. Mais malgré cet inconvénient, Mark accepte et s'installe. Il commence alors à végéter, comme à son habitude, et à boire de la bière en regardant la télé, en ne quittant jamais le canapé.
En allant chercher une bière dans le frigo, il croise Reese. Elle lui demande de partir, car il est dans son appartement ! Mais non, pas du tout, répond-il, je viens d'emménager, je suis chez moi !... En fait, c'est Reese qui se plante. Elle n'est effectivement plus complètement chez elle, car elle est devenue un fantôme, et la seule personne à pouvoir la voir et lui parler, c'est Mark ! Zut alors !
 
Vous pouvez, un jour où vous avez le temps, aller à la Fnuck et lire un peu du livre de Marc Lévy, mais je vous mets personnellement au défi d'en lire plus de deux pages d'affilée ! En fait, là n'est pas vraiment le propos, puisque ce n'est pas forcément dans les sources les plus sombres qu'on fait forcément les plus mauvaises soupes, et inversement.
En tout cas, aussi bien THE HOUSE OF YES avait une certaine qualité manufacturée et une photo gentiment soignée, entre autres (encore une fois si ma mémoire est bonne). ET SI C'ETAIT VRAI, lui, marque le pas. De la même manière que nos réalisateurs font un film malin ou respecté en France afin de mieux partir ensuite aux USA faire le  yes-man sur un film anonyme de série, le même mouvement existe aussi, en interne, aux states. Mark Waters a fait THE HOUS OF YES  sa carte de visite arty-indépendantE, "je vais faire du ski à Sundance !", et dès cette petite réputation faIte, on vire sa cuti et on fait un joli virage en épingle afin de faire la comédie la plus neutre qui soit. C'est totalement le cas ici.
ET SI C'ETAIT VRAI célèbre avec enthousiasme la plus grande volonté d'anonymat. Faire le moins de vagues possible, mettre en place un scénario qui fasse le moins de remous possible, jouer la carte de la comédie old-fashioned moderne pour fans d’Ally Mc Beal esseulées, entre ou sans copine, et en tournant la chose en faisant en sorte que la critique remarque, coude-coude, t'as vu, hein, coude-coude, la touche Capra, tu sais, ce ton "Capra" comme disait Michael Lerner dans BARTON FINK.
 
Ceci posé, on décidera seulement de mettre des gants pour trier la chose. La mise en scène consacre, je pense, le terme splendouillet comme étant le paroxysme du bon goût. La photo, exécutée à 115% en studio, est absolument immonde, et kitschement retouchée en post-prod, ce qui donne des raies de lumière synthétique du meilleur effet, aussi naturel que les images de synthèse dans TRON. L'étalonnage et le tirage de la copie suit ce mouvement et est complètement hétérogène. Dans une même scène, champ et contrechamp peuvent n'être pas de la même couleur puis, par exemple, le champ peut changer d'étalonnage à chaque nouvelle apparition ! Baaah, je vais vous dire, non, ne vous énervez pas, ça n'est même pas grave.
Montage, échelle de plans et cadre ont été confiés à HAL, l'ordinateur de 2001. 2001, formidable film de propagande quand on y pense, non ? Ils nous avaient dit qu'ils l'avaient débranché, l'ordinateur maléfique, mais non, HAL va bien et il bosse à Hollywood. [Je trouvais un peu gros qu'un puissant calculateur comme lui chante une comptine pendant qu'on le débranche. A posteriori, c'était bien exagéré !] En termes de mise en scène donc, il ne se passe quasiment rien. Mais alors rien du tout, sinon des plans à effets spéciaux, tout à fait splendouillets (encore), qui feront passer les pires bluettes spielbergiennes (E.T., L’EXTRA-TERRESTRE, ALWAYS, etc.) pour des films gore. Autant le dire, on est en plein BLUASTRO !!! C'est fantastique, c'est ringard, c'est sentimental. Sauf que, dans la notion de Bluastro telle que je l'ai définie dans mon article sur LE DERNIER SIGNE, film dont vous ne connaissez pas le titre et c'est bien normal, il y a une nuance de ringardise, ou plutôt de jusqu'au-boutisme à pousser avec énergie et difficulté son film, bien qu'il ne fonctionne pas. Ce qui est bien, dans le bluastro, c'est que le film patine de plus en plus, mais que l'énergie inutile pour le faire avancer est drôle et touchante. Plus le réalisateur s'enfonce dans les sables mouvants, plus il se débat pour s'en sortir.
HAL n'a pas eu ce problème, et son film n'est même pas ridicule, car il a été calculé sur une base de données de 1,550,003 films romantiques. Ça ne patine pas, ça glisse au pays des merveilles. Vas-y, je sens tes groseilles, comme disait le poète créole. Froidement calculé, supervisé avec l'attention d'un agent de goulag stalinien, rien ne dépasse, et tout est fait, avec force d'ailleurs, pour que rien ne sorte du lot, je ne veux voir qu'une tête. Dès qu'une écharde se dresse, on envoie le rabot.
Au final, on nage évidemment en plein coma ! C’est bien foutu ! Quel ennui ! Le paradis est vraiment un endroit où rien ne se passe, où jamais rien n'arrive. Tandis que le film coule de sa veine la plus énergiquement monotone, vous sentez vos paupières se refermer, et vous entendez votre pouls battre avec une régularité décroissante. Votre encéphale vous semble léger comme une plume. Quel bonheur de mettre un terme à son irrigation et se laisser aller jusqu'au néant et jusqu'au Grand-Tout, ce pays où tout se vaut. Infirmière, je suis prête, vous pouvez ouvrir la perfusion qui m'administrera la dose létale.
Ah, c'est marrant la morphine, il y a le héros qui essaie des canapés ! [Quand le film passera un dimanche sur TF1, ne loupez pas les deux premiers plans d'essayage de canapé : une vraie honte !] C’est marrant, il fait de drôles de gestes avec sa tête, et la fille, elle est marrante aussi, avec ses gros yeux, ses Grrrr ! et ses points serrés, et son index fermement tendu...
 
Il ne se passe rien, vous l'aurez compris. J’aurais sombré moi aussi dans le lavage de cerveau si je n'avais pas amené avec moi une aiguille. Je pris l'aiguille entre le pouce et l'index, et pendant le reste de la séance, je me suis titillé la pulpe du majeur, ce qui provoquait une petite douleur qui a maintenu mon cerveau insensible au lavage. Et j'ai vu la chose !
Outre l'incroyable habileté, de la part de HAL, à rendre des acteurs comme Ruffalo ou Witherspoon complètement fadasses ou totalement insupportables (faut le faire quand même, rien que pour ça, ça vaut un grammy award), on notera également que notre ordinateur paranoïaque préféré a réussi à injecter dans le film une bonne dose de social ! On apprend ainsi que le Merveilleux existe, que le feng-shui, ce n'est pas pour les chiens, que boire de la bière c'est pas bien, que les filles qui vont boire des coups dans les  bars sont des bitches, que les compétents sont toujours des tricheurs, et qu'il faut laisser à Dieu le soin de décider des promotions, que les enfants (ici appelés "crevettes" quand même) sont purs et merveilleux, et qu'ils voient les fantômes (Casper, le Père Noël...), que le mariage est la seule institution qui vaille, avant la démocratie et la justice, etc.
On est décidément en plein petit-bourgeoisisme. L'enjeu principal du film est à peine caché. Mark Ruffalo ne met pas de sous-verre sur la table basse, et ça fait des traces. Des traces indélébiles qu'il faut nettoyer sans cesse. Et ça, ça, bordel de Dieu, ça n'arrive pas au Paradis, mon paradis, ma Maison, mon Chez-Moi, déjà que j'habitais avant qu'un sale routier de mes deux, un vietnamien sans doute, ce gros roturier imbibé de musique country et de mauvais vin m'ait percuté avec son gros truck ! Et ça, c'est insupportable. Dès lors, Reese va tout faire pour redevenir un être humain incarné, et pour qu’ENFIN, Ruffalo mette des dessous de verres, c'est pas compliqué pourtant. Elle arrive à ses fins, redevient humaine, et remet des dessous de verres partout, ouf ! l'appartement est sauvé. Pas chienne, elle utilise l'artiste Ruffalo (il est artiste puisqu'il est paysagiste, euh pardon, "architecte paysager") pour qu'il lui fasse un super-jardin. Il mangea bio jusqu'à la fin de ses jours. Ils se marièrent et ils achetèrent des actions EDF. L'assurance remboursa la voiture de Reese, ainsi que l'autoradio MP3 embarqué, où elle pourra jusqu'à la fin des temps passer l'ignoble reprise de JUST LIKE HEAVEN par une sorte d'ignoblissime gnome, clone de Norah Jones ! [Evidemment, la version de The Cure arrivera seulement en deuxième position et ne passera qu'au générique de fin !].
 
Tout va bien. Il est 10h16, supposa-t-il. Bonne journée, citoyen !
 
Doucement Vôtre,
 
Dr Devo.
 
PS : Vous vous souvenez cette scène de BAD TASTE où Peter Jackson est caché dans l’assemblée d’extraterrestres et où il regarde avec horreur le bol de vomi verdâtre passer de main en main et s’approcher dangereusement de lui ?
 
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Publié dans Corpus Filmi

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D
Ha les enfants! Ils sont imprevisibles. Certes ce n'est pas la grosse classe, mais peu ici resiste à unmauvais de jeu de mot.Je crois qu'il faut leur pardfonner non?Dr Devo.
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L
euh je ne sais pas si cette pub était vraiment necessaire, surtout en vue du dernier commentaire laissé sur ce fameux article!héhé<br />  Et oui cher Dr Devo, ça faisait bien longtemps...
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D
Tiens Lena! Bonjour! Ca faisait longtemps.lena est une lectrice du blog, la seule à avoir utilisé jusqu'ici la rubrique "courrier des lecteurs" pour publier un article sur MILION DOLLA BABY parce qu'elle n'est pas du tout d'accord avec la mienne. un défi courageux que je salue encore aujourd'hui.[Avis aux amateurs]Dr Devo.
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L
argg quel est cet affreux blanc  flashy?? ai du faire une fausse manip, toute mes excuses...
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L
Me voilà de retour après une trop longue absence et que vois-je? un article sur ce film que je n'ai pas vu mais dont la bande annonce m'a fait largement rigoler (jaune certe mais bon, c'est rire quand même)! Magnifique article! il m'a fait encore plus rire que ce petit extrait magnifiquement bidon! :)<br /> A la limite si on veut vraiment connaitre l'histoire peut-être vaut il mieux lire le livre, en l'empruntant à sa mère pour que ça ne coute rien bien sûr... au moins ça occupera les mains à force de tourner les pages...
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