
(Photo: "Trotro, la France au Boulot !" par Le Marquis et Dr Devo.)
Rappelons que vous pouvez retrouver les aventures de l'Âne Trotro (pas l'épisode où il fait pleurer sa mère à Spielberg en faisant un court-métrage, malheureusement) sur le DVD accompagnant le magazine ENFANTS MAG de décembre, pour moins de trois euros. Soyez Focaliens chez vous, et offrez-vous ce qu'il y a de meilleur, à vous et à vos enfants. Investir dans Trotro, c'est investir dans la France de demain. Trotro, l'ami des focaliens en culottes courtes, fait par un focalien (notamment), pour tous les focaliens !)
Enfant, j’avais apprécié le film E.T. L’EXTRA-TERRESTRE de Steven Spielberg. C’était de mon âge, je suppose. La revoyure quelques années plus tard – mais avant le lifting numérique (E.T. envoie e-mail maison ?) que j’ai prudemment évité – a été un choc esthétique, de ce genre d’expériences qui nous font parfois mesurer à quel point le regard porté sur une œuvre peut évoluer avec le temps, et avec le développement d’un esprit critique. Pour reprendre les termes utilisés par le petit Elliot, E.T. n’est pas un navet, c’est un film merveilleux, « mais les adultes ne peuvent pas le voir, y a que les enfants qui peuvent. » Ben voyons.
Ma découverte fut donc que le film de Spielberg était devenu à mes yeux totalement faisandé. La musique sirupeuse de John Williams tenait par la main un récit sans saveur, l’aidant à progresser dans une émotion, une naïveté totalement fabriquées, mettant souvent les pieds dans une soupe de niaiserie vaguement prétentieuse, sonnant faux, tout comme sonnait faux la parabole christique lourdement dissimulée derrière le scénario, discrète comme un éléphant sous le tapis. Usant de son archet sur la corde sensible, Spielberg a sans doute réussi son coup, son film faisant figure de classique, quitte à sombrer dans une guimauve s’étirant mollement dans un dénouement à rallonge, toujours noyé sous des violons déchaînés et vaguement laxatifs. Les enfants pleurent, la maman est très émue et toute bouleversée, Drew Barrymore (que les aléas de la vie allaient amener à devenir comédienne quelques années plus tard) renifle en offrant son pot de géraniums et le petit Elliot se fait pointer le cœur du doigt illuminé d’une figue sèche aux yeux de Bambi qui fera longtemps l’orgueil de l’insupportable Carlo Rambaldi. Rien n’y fait, en ce qui me concerne, la magie n’opère plus une seconde, du fait d’une mise en scène sans énergie, qui use des pires procédés mélodramatiques pour faire pleurer Margot, s’efforçant de faire passer le monde de l’enfance pour un univers doré et scintillant (et hop, une référence à Peter Pan), une vision qui, à défaut de poésie, trop engoncée dans une confusion entre sensibilité et sensiblerie, finit par me sembler très claustrophobe et, dans le fond, diablement proche d’œuvrettes familiales produites à la chaîne type MON CHIEN SPOT, le budget de série A en plus.
Correctement exécuté par un cinéaste qui n’est pas manchot, E.T. (the extra-terrible l’ont surnommé ses détracteurs aux USA) plonge malgré tout dans la médiocrité passée une introduction un peu mystérieuse, une médiocrité à laquelle je me sens en droit de préférer la franche nullité du remake officieux produit par Macdonald, MAC ET MOI (NduDr : auquel on a consacré deux articles et une rubrique : cliquez ici pour l'analyse et cliquez là pour les photos), magistral sommet de comique involontaire, quintessence du long-métrage publicitaire. Bien plus encore, E.T. ne tient pas la route face à un film au sujet assez similaire, STARMAN, de John Carpenter, qui certes ne se développe pas dans un univers enfantin (le film adopte la forme du road-movie là où E.T. s’ancre dans le microcosme familial) mais qui s’avère bien plus émouvant, précisément par sa retenue, son refus du symbolisme à deux balles. C’est là le plus gros problème du film de Spielberg : son film tire de bien grosses ficelles pour émouvoir son public, de façon presque obscène à force d’innocence chatoyante, de naïveté si caricaturale qu’elle en paraît presque cynique, et cette absence de pudeur, cette envie d’emporter la mise à grands coups de violons, de rires et de sanglots finit par déteindre sur la mise en scène de Spielberg, ailleurs parfois admirable, mais ici tristement figée dans des intentions, dans une envie de délivrer un message aussi simpliste qu’il est lourdement formulé.
Le Marquis.
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